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C'est Peu Dire

  • : Les Restes du Banquet
  • : LA PHRASE DU JOUR. Une "minime" quotidienne, modestement absurde, délibérément aléatoire, conceptuellement festive. Depuis octobre 2007
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Et Moi

  • AR.NO.SI
  • Philosophe inquiet, poète infidèle, chercheur en écritures. 55° 27' E 20° 53' S

Un Reste À Retrouver

23 juin 2025 1 23 /06 /juin /2025 02:14

La passion a été inventée à une époque où l’espérance de vie ne dépassait pas cinquante ans, soixante exceptionnellement.

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22 juin 2025 7 22 /06 /juin /2025 02:13

Les historiens, anthropologues, sociologues sont quasi unanimes pour dire que l’humanité s’apaise et se civilise, que la violence diminue et que les guerres tuent moins. C’est possible. Peut-être que dans cinq siècles, quand on aura lissé les courbes, les graphiques attesteront clairement cela, mais je crains que nous soyons, pour le moment, dans le pli d’une courbe encore toute froissée.

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21 juin 2025 6 21 /06 /juin /2025 02:11

Les concepts sont la maladie de la philosophie et les définitions, sa mort.

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20 juin 2025 5 20 /06 /juin /2025 02:14

C’est curieux qu’aucune loutre de mer n’ait pensé à ouvrir un salon d’épilation.

Ces bêtes n’ont vraiment pas le sens des affaires et après elles vont se plaindre d’être exterminées.

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19 juin 2025 4 19 /06 /juin /2025 02:10

– Allo, allo, Manon’s speaking. Petit test de l’appli de Sam. Do you copy?

– Yes, répondit Magali, je t’entends et en plus je vois ton joli petit cul. Il est mimi ton corsage gris perle, plus plaisant à regarder que le paysage d’ailleurs.

– Tu veux dire son corsaire, rectifia Laurence. D’ailleurs ça irait très bien avec tes cheveux fuchsia. Oui ça marche Manon.

– Au fait, merci Laurence. Il est trop mignon le petit guide que tu nous as choisi, j’en ferais bien mon quatre-heur…

– Euh, les filles, désolé, mais je vous entends. En fait, quand vous appuyez sur votre propre icône, ça nous connecte tous les quatre. Si Laurence veut parler à Magali et Manon, elle clique sur les icônes M et m. Si Manon veut parler à Laurence seulement, elle clique sur L. C’est facile. Et merci pour le compliment, Laurence, ça fait toujours plaisir. Bon, je raccroche, je dois appeler maman.

– Et mierda! Je commence bien, moi. Par la boca muere el pesco… ou quelque chose comme ça.

– Ne t’inquiète pas Magali, personne n’est mort dans l’histoire, je trouve ça plutôt drôle comme premier contact. Dis-moi, tu t’es mise à l’espagnol ?

– Remise, tu veux dire, parce que j’ai déjà passé trois brevets et un bac. Oui je prends des cours avec Paco. Paco, c'est aussi mon professeur de tango.

– OK. Tu fais aussi du tango ! Je vois que ça va beaucoup mieux.

– Disons que je fais ce qu’il faut pour aller mieux. Je me concentre sur moi ; ça me change après avoir été pendant vingt ans une épouse docile et une mère disponible. J’avance. J’avance très vite.

– Vite ! Pas tant que ça, remarqua Manon. On se traîne un peu, alors si vous voulez toujours mater mon corsaire, il va falloir accélérer, il reste encore trente kilomètres avant le déjeuner.

– C’est vrai, j’ai une faim de loup, la dernière fois que j’ai mangé, c’était au siècle dernier.

– D’où ton envie de croquer le petit Mexicain du 9-2. Je comprends mieux !

– Arrête ! D’ailleurs, je vais l’appeler pour m’excuser. Enfin, quand il aura fini de parler avec “manman”.

*****

– Salut Mam, je ne te réveille pas, il doit être trois heures du matin à Mexico.

– Bonjour mon Unique. Non, tu sais bien que le sommeil est fâché avec moi depuis longtemps. Tu crois que c’est possible de t’avoir en visio. Je ne sais pas si je te reconnaîtrai, tu étais tout petit encore quand tu es parti, c’était il y a tellement longtemps.

– Moi je te reconnais bien, chère mère, toujours ce sens de la nuance. Quand je suis parti, j’avais deux semaines de moins qu’aujourd’hui. Mais c’est vrai que beaucoup de choses se sont passées. J’ai fait tellement de belles rencontres. Il n’est pas impossible que j’aie un peu changé dans ma tête. Et hop ! Voilà l’image…

– Oh mon ange ! Tu es encore plus beau. Je suis tellement heureuse de te voir. Est-ce que tu sais que je me régale aussi à te lire. Alors bien sûr, il y a tes petits poèmes qui m’amusent tant, tu es un virtuose de la rime, mais il y a aussi ta lecture du Voyage de Stevenson que j’ai reçue hier. Quelle fraîcheur, quelle liberté ! C’est drôle, c’est intelligent, c’est fantasque, vraiment, je me régale, c’est délicieux. C’est vrai que tu es un peu sévère avec ce jeune homme qui avait pratiquement ton âge lors de son périple. Il sera un mari attentionné et aimant et il n’a jamais été du côté des dominants. Quelques années après les Cévennes, il traverse l’Atlantique puis les États-Unis pour rejoindre en Californie son amoureuse et future femme Fanny, mère de famille encore mariée. Il raconte cela dans son livre l’Émigrant amateur. Il voyage en seconde classe, alors qu’il est malade, être gentleman, c’est savoir l’être partout dans le monde et avec quiconque, écrit-il. Il dénonce le raciste contre les Chinois, le mépris à l’égard des Indiens et la manipulation des Mexicains. Il y a aussi des descriptions de paysages dont il a le secret. Tu aimerais sûrement ce livre, tu devrais le lire. Et tu serais peut-être plus indulgent. Mais peu importe, tu n’es pas un historien. Et je t’assure que je relis le Voyage avec un œil neuf, maintenant. Tu me donnes envie de travailler un autre Melville l’année prochaine avec les étudiants, peut-être son Bartleby. J’espère que j’aurais l’occasion de lire ta traduction. Tu sais que tu as du talent, certaines de tes interprétations m’ont déroutée et ravie à la fois.

 – Et toi tu as du talent pour m’encourager toujours. À propos, je voulais vous dire à Dad et à toi que je ne suis pas sûr de vouloir terminer mes études de commerce international. À mon retour, j’aurais pratiquement perdu deux ans. Le problème, c’est que je ne sais pas quoi faire à la place. Bon, on en reparlera, je vais te laisser préparer ta journée.

– Mon bel amour, je n’ai aucune inquiétude. C’est bien plus de deux ans que tu auras gagné avec ce voyage, que dis-je, cette aventure, cette traversée des mondes et des langues. On trouvera ; tu trouveras. Tu es un printemps qui dure un peu, c’est tout, mais je sais que tu vas fleurir. Tu trouveras ; tu te trouveras.

– Peut-être. Une chose est sûre, j’ai bien progressé en anglais. C’est drôle, c’est comme si la langue était en moi, mais – comment dire ? – pas activée. En parlant avec Moby ou Sam, un truc s’est débloqué. Ah ! Encore quelque chose qui va te faire plaisir, je pense. Moby et Olga se sont mis en tête de m’apprendre à lire et parler le russe.

Mолодец (Molodetz)! Bravo ! Comme j’ai hâte de lire tes traductions libres de Brodsky !

– D’accord, mais tu vas devoir attendre un peu. J’en suis à apprendre les lettres.

– Brodsky, tu vas reconnaître, tu l’as déjà entendu quand tu étais dans mon ventre.

« “Passent les nuages…” chantent les enfants de la nuit.

De l’herbe aux sommets le monde n’est plus

que battement, tremblement de la voix.

Passent les nuages au-dessus des taillis, passent les nuages.

Au-dessus de nous, une ombre passe et meurt,

il suffit de chanter et de pleurer, il suffit de vivre »

Puis Nadja reprit le poème en russe, dans une mélopée à la fois mélancolique et exaltée.

– Je ne comprends pas, mais c’est beau à entendre. Allez, on s’appelle bientôt, besos, Mam.

Óблако (oblaka), c’est le nuage russe. Mon Dieu, que le russe me manque ! Et toi, tu te souviens ?

– Il va falloir que je révise un peu quand même, mais bon, je sais déjà écrire deux mots, Brest et nuage. Ça ne fait pas encore une conversation, mais c’est un beau début. Allez Mam, je te laisse, embrasse Dad. Je t’appelle demain. Plein de kisses.

– Oui, plein d’amour, mon poète préféré. Et bravo à Vera et à Nov pour leurs nouveaux prénoms, ils m’enchantent. Il faudra que je te parle de Věra Kunderová que ta grand-mère a bien connue, tu sais, la femme de Milan.

– Ah ? Je ne connais pas. Je t’embrasse fort, je vais appeler Ludmilla. Muchos besos… Allez, je raccroche.

*****

Hello beautiful! Je ne sais plus comment t’appeler, Ludmilla ou Vera ?

Hola guapo! Fais comme tu veux, mais j’aime beaucoup Vera. Nadja m’a fait un cours sur toutes les Vera de la littérature. Elle aime bien aussi. Ça me fait tellement plaisir de t’entendre. Dis, on peut passer en mode vidéo, s’il te plaît.

– Ah, ah, toi aussi. Pour des femmes de lettres, vous aimez bien les images.

– C’est vrai. J’aimerais aussi que tu me montres ce que tu vois. Mais quand même, c’est de parler avec toi qui me manque le plus. Quinze jours sans t’entendre et sans même pouvoir te lire, c’était trop. J’espère que ça n’arrivera plus jamais. Remarque, ça a fait l’affaire de Jack Paradise qui fuit de plus en plus l’enfer de l’agence, il m’a fait accompagner un groupe de touristes pendant quatre jours. Tu sais, il faudra qu’on en parle, mais je me demande de plus en plus ce que je vais faire l’année prochaine. Je ne sais pas où tu en es toi. Ce n’est pas le meilleur moment pour en parler, mais je ne sais pas si le commerce international, c’est vraiment fait pour nous.

– C’est drôle que tu me parles de ça maintenant, c’est exactement ce que je me disais. J’ai rencontré Olga, c’est une Serbe qui travaille pour Architectes sans frontières et je trouve ça dur mais tellement passionnant. Peut-être que je vais essayer de trouver des stages dans des ONG. Le problème, c’est que je ne sais rien faire, je ne sais pas comment je pourrais aider, je ne suis pas médecin, pas architecte, pas ingénieur, pas enseignant, pas cuisinier. Et toi, tu penses à quoi ?

– J’ai fini par être d’accord avec ce que tout le monde me répétait depuis longtemps, utiliser les langues. Je vais me renseigner sur le master en interprétariat et traduction de l’université. Ton père m’a proposé un stage en juillet à l’ambassade à Mexico et la semaine prochaine, il sera à Genève, à la mission permanente du Mexique de l’ONU, il m’a dit qu’il chercherait de bons contacts. Je ne veux pas quitter le Mexique pour le moment, mais je sens que c’est par là qu’il faut que j’aille. J’aime le travail de traduction que l’on fait avec ta mère, c’est tellement autre chose qu’une transposition mécanique. « La traduction, c’est le mariage catastrophique du même et de l’autre », comme elle dit en début d’année, en forçant un peu sur son accent russe – j’adore ! Mais j’aimerais tellement découvrir aussi la traduction simultanée, je crois que ça irait bien à mon tempérament.

– Découvrir ! Mais tu fais déjà ça depuis longtemps. Bien sûr, c’est génial comme idée.

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18 juin 2025 3 18 /06 /juin /2025 02:51

Avons-nous besoin d’art, demandait-on hier aux candidats du BAC ?

Bien sûr que non, en revanche, l’art a besoin de vous alors, achetez des livres et visitez des musées, bande de radins incultes !

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17 juin 2025 2 17 /06 /juin /2025 02:17

Je ne suis pas assez exigeant avec moi-même et je devrais m’assigner des missions plus audacieuses. Tenez, deux ou trois fois par jour, après avoir fait mes besoins – ce qui se passe toujours plutôt honorablement – eh bien, je me félicite comme si j’avais gravi quelque Everest. Vraiment, je ne suis pas assez exigeant.

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16 juin 2025 1 16 /06 /juin /2025 02:15

L’avantage du lance-boulettes, c’était que sa portée et sa puissance étaient limitées par les poumons du lanceur. Avec la génération de sédentaires au souffle court qui nous arrive, la chose ne risquait pas d’évoluer.

C’est bien regrettable que les états-majors aient préféré les missiles balistiques et les drones kamikazes.

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15 juin 2025 7 15 /06 /juin /2025 02:01

Souvent, on en reste à nos premières impressions et, si elles ont été mauvaises, on se prive de belles rencontres. Quand je pense que j’ai failli passer à côté du délice des endives pochées tout simplement parce qu’il y a soixante ans, on s’était vraiment détestés.

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14 juin 2025 6 14 /06 /juin /2025 02:45

Bien sûr, on sait ce que l’on sait et on ignore ce que l’on ignore. C’est dommage, ça nous aurait rendus un peu plus modestes.

Et d’ailleurs, nos experts, qu’est-ce qu’ils fabriquent ?

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13 juin 2025 5 13 /06 /juin /2025 02:09

Mourir ? Oui, ça m’arrivera bien un jour.

Mon dieu, j’espère que ce jour-là, je n’aurai pas oublié de tirer la chasse d’eau !

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12 juin 2025 4 12 /06 /juin /2025 02:12

[Troisième partie du feuilleton Le Voyage de Nubecito. Après s’être perdu sur les côtes mexicaines, le jeune cumulus hawaïen a été pris en charge par Ludmilla et Brad qui ont pour mission de le ramener chez lui. La première étape les a fait traverser le Mexique. Puis Brad, devenu Nov, a rejoint Le Havre à bord d’un porte conteneur. Il continue sa route, direction Istanbul, en vélo d’abord.]

 

– Dernier petit déjeuner à bord, Nov, si tu veux, je peux te réchauffer les quenelles de brochet, mais j’ai pensé que tu préférerais tes tartines de Nutella. Alors, comment se présente votre remontée de la Seine ?

– Pour le moment, tout va bien, répondit Laurence. On a rendez-vous au Colombus Café avec Manon et Magali. Départ prévu vers dix heures.

– Bien. Vous avez trois jours de beau temps prévus. Sam arrive, il a des choses pour vous. Moi aussi Nov, j’ai un petit cadeau. Tiens, tu sais que je ne suis pas un grand liseur, comme on dit. J’adore écrire, mais je n’ai lu qu’un seul vrai livre de toute ma vie. Le voilà, je te le donne, c’est Moby Dick.

– Merci Moby, ça me touche. Mais il est énorme ce bouquin. Six cents pages. Je vais mettre un an à le lire.

– Alors tu seras plus rapide que moi. Ça m’a pris cinq ans. C’est de là que vient mon surnom, on me voyait tout le temps avec ce livre. Mais bon, c’est normal, il y a plein de livres dans ce livre, c’est comme si tu lisais une bibliothèque entière. Regarde, j’ai souligné un passage au chapitre 99. « Mais halte ! à partir de là, toi le bouquin, tu mens. En vérité, vous devriez savoir mieux rester à votre place, vous les livres ! » J’ai même écrit le texte original :  “Book! you lie there; the fact is, you books must know your places.” Je ne sais pas exactement ce que ça veut dire, mais j’aime bien l’idée que les livres doivent rester à leur place, je veux dire ne pas remplacer le monde, la mer, les baleines et les marins, enfin, c’est ce que je comprends. Je ne sais pas ce que tu en penses ; peut-être que ta mère ne serait pas d’accord.

– Je lui demanderai. Je ne sais pas. Vera aussi aime les livres, mais souvent c’est pour les lire aux autres, à Diego son père ou à moi. Ça nous lie. C’est drôle d’ailleurs, tu as remarqué, en français, à l’oreille, on ne peut pas distinguer je lie de lier et je lis de lire, ou tu relies et tu relis.

– Je ne voudrais pas toujours tout ramener à moi et à mes idées d’urbaniste, mais regarde Moby. Tu demandes aux livres de rester à leur place et toi, tu en dé-places un pour le faire voyager. Moi non plus je ne suis pas très livre, mais ce que je comprends, c’est que leur place, ce n’est pas un endroit, mais un mouvement. Même les livres risquent l’embolie !

Elle a souvent des idées bizarres, Olga, mais je crois que je commence à comprendre sa philosophie. C’est difficile pour un nuage d’imaginer ce que c’est que lire un livre, mais je vois les humains faire. Apparemment, les livres contiennent des choses intéressantes, à l’intérieur, mais ce qui est intéressant aussi, c’est ce qu’ils font dire ou faire, à l’extérieur. Comme dit Olga, il faut du mouvement, il faut que les livres passent de mains en mains et que leurs mots passent de bouche en bouche. Je pense que c’est un peu pareil avec les amis. Il faudrait que j’approfondisse la réflexion, mais je crois que l’ami, ce n’est pas seulement celui qui est bon, à l’intérieur, c’est celui qui te rend meilleur, toi, son ami.

– Les bibliothèques sont des cimetières de livres, continuait Olga, et les livres sont souvent des alibis pour paresseux.

– Bonjour tout le monde, interrompit Sam, déjà à planer, à sept heures du matin ! Bon on va redescendre, j’ai quelques explications techniques à vous donner. D’abord, le traceur GPS pour Nov. Facile. Tu le mets au fond de ton sac et tu n’y touches plus. Il y a six mois d’autonomie. J’ai pris la couverture mondiale. Tu peux aller où tu veux, on sera avec toi. À la douane, si ça bipe, tu dis que c’est pour suivre ton sac en cas de perte ou de vol ; beaucoup de gens ont ça maintenant. J’enverrai un lien à ceux qui veulent te suivre. Deuxième chose, je vous ai prévu une petite application, Laurence. Il me faudrait les numéros de tes deux copines, comme ça, vous verrez en temps réel où vous vous trouvez tous les quatre et vous pourrez même vous appeler en visio à deux, trois ou quatre, juste en cliquant sur votre icône. Je n’ai pas eu le temps de mettre votre photo, donc ce sera votre initiale. Attention, ça pompe pas mal, alors rechargez votre téléphone tous les soirs. Toi Nov, tu auras sûrement une prise USB sur ton vélo, pense à brancher ton téléphone s’il est déchargé. J’aurais bien aimé vous accompagner jusqu’au café, mais on va faire un tour avec Sterren, elle va me faire visiter son pays. Puis il ajouta en français nous allons où finit le Terre.

– Ah ah, j’avais bien remarqué, hier soir, une joyeuse complicité, rigola Olga. Après le soleil couchant coréen, tu vas découvrir l’étoile montante bretonne. Remarque, avec quelqu’un de lunaire comme toi, on reste dans le thème et puis là où finit une route, une autre commence toujours. Je vous le répète, le mouvement, c’est la vie.

– Hier soir, on a tellement ri, Sterren et moi. Il faut que je vous raconte. Elle me dit dans son anglais – If you want I show to you my lovely Brest. Mais moi je comprends mal et je lui dis – What do you mean ! Your breast ?Yes Brest, my lovely city. Mais qui a eu l’idée d’appeler une ville comme ça ?

Tout le monde éclata de rire.

– Vous êtes vraiment des gamins. Même toi Moby, ça te fait rire, dit Olga. Vous savez, des Brest, il y en a dans tous les Balkans et même en Serbie.

– C’est vrai, c’est idiot, mais c’est drôle quand même. Tu as raison Olga, il y a aussi un Brest célèbre en Biélorussie. D’ailleurs, Nov, j’ai pensé que nous allions t’apprendre un peu de russe, Olga et moi. Première leçon aujourd’hui, quelques lettres de l’alphabet cyrillique. Brest en russe s’écrit Брест. Б c’est le B, р c’est le r, е c’est le e, с c’est le s et т c’est le t.

– D’accord. Pour les paroles, je débute, mais pour la musique, je l’ai déjà entendue quand j’étais bébé. Ça va peut-être revenir. Bon, c’est l’heure de partir. Sam, on se retrouve à Séoul, et nous, Moby, on se voit à Istanbul.

Après des adieux émus, il fallut bien se séparer. En allant vers le café Colombus, Laurence préféra expliquer deux ou trois choses à Nov.

– Tu auras le temps de faire connaissance avec Manon et Magali lors des étapes et tu te feras ta propre idée, bien sûr. Elles sont géniales, mais il y a seulement des sujets à éviter en ce moment. Magali est en plein divorce, c’est compliqué, alors on évite les débats sur le couple, la famille, les hommes… enfin, tu vois. Ne sois pas choqué non plus, elle est en “phase de reconstruction”, selon sa formule. C’est “découverte et expérimentation d’une quadra en liberté”. Elle se lâche un peu parfois, elle s’est coupé les cheveux et les a teints en rose fuchsia. Je te laisse découvrir le personnage. Manon, rien à voir. Elle est plus jeune, un petit de trois ans, en couple avec un homme “déconstruit” comme on dit, tu le verras, c’est lui qui descend les filles et le matériel en van. Ils sont chercheurs tous les deux. Tu peux parler couple et sentiment avec Manon, tu risques juste de l’ennuyer. Elle, c’est plutôt la trentenaire hyperactive qui performe en tout. En revanche, il y a un sujet à éviter : les baleines et les dauphins. Elle a vécu un drame.

– Sans blague ! Un accident, une noyade ? C’est horrible !

– Non, un drame professionnel. Après sa thèse sur les baleines à bosse, pour des raisons de financement, elle a dû changer de sujet de recherche et se consacrer aux concombres de mer. C’est déjà moins sexy. Un peu comme si tu étais formée sur un 32 tonnes et que tu doives ensuite conduire une voiturette. Les baleines, c’était ses amours de jeunesse. Alors elle a eu du mal à s’en remettre.

– Ah bon, c’est ça ! Je ne veux pas juger, mais de l’extérieur, ça ne me paraît pas si grave. Ça tombe mal quand même avec mon nouveau livre. Je vais essayer d’être discret. Et avec toi, poursuivit Nov, non sans malice, il y a des sujets à éviter.

– Ah, ah, gros malin. Eh bien, je te laisse chercher. Mais attention, ne te trompe pas ! Tiens, voilà on arrive, je vois le van. Bonjour tout le monde. Je fais les présentations. Voici Nov, qui a la gentillesse de nous assister. Nov, je te présente Manon, l’intello qui a tout organisé, son mari Clém, il va t’expliquer pour ton vélo, et voilà Magali, la clown du groupe.

– Rien de bien compliqué, enchaîna Clém. Voilà la bête.  Freins hydrauliques, cadre et roues en carbone, moteur et batterie Bosch avec une autonomie de 120 kilomètres, 13 kg sans les bagages. Deux sacoches et le porte-bagage. Vous avez droit à un sac de cinq kilos chacun. Et si vraiment vous aviez un gros pépin, je serai à Paris et je pourrai redescendre.

– Aujourd’hui, c’est l’étape la plus courte, explique Manon. Quatre-vingt-cinq kilomètres, jusqu’à Jumièges et la pause déjeuner à Lillebonne, on y sera dans deux heures. Allez, dix heures cinq. On y va. Je passe devant, Nov, tu fermes la marche et tu ramasses les blessés.

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11 juin 2025 3 11 /06 /juin /2025 02:16

Je me disais qu’il y avait quelque chose de bien présomptueux à écrire chaque jour une phrase et à espérer, de surcroît, qu’elle soit lue. Et puis, en déambulant innocemment dans la rue, je me suis aperçu que ça n’arrête pas de parler, que des centaines, des milliers et peut-être des millions de phrases sont proférées chaque jour avec l’espoir, de surcroît, qu’elles soient entendues.

On parle beaucoup.

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10 juin 2025 2 10 /06 /juin /2025 02:39

Le chant n’est pas une modalité de la parole. Il est l’ivresse du souffle.

On parle beaucoup, on ne chante pas assez.

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9 juin 2025 1 09 /06 /juin /2025 02:08

On nous apprend beaucoup de choses, certaines sont intéressantes et utiles. On ne nous apprend jamais, nulle part, la solitude.

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8 juin 2025 7 08 /06 /juin /2025 02:36

La vache la plus puissante du monde meugla, alors la vache la plus riche du monde bousa.

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7 juin 2025 6 07 /06 /juin /2025 02:51

Il faut le reconnaître, l’idée du pouce en opposition aux autres doigts était géniale ; les bois du renne, c’était moins heureux, heureusement, on n’y a pas eu droit ; les fesses, doubles et rondes, c’était assez harmonieux ; l’aileron du requin, c’était diaboliquement bien pensé à une époque où le cinéma n’existait pas encore… Allez, globalement, il y a du bon et du moins bon, mais franchement, à qui doit-on les testicules dans leur bourse ridicule ? C’est inesthétique, mal placé, fragile. Un pénis, oui, ça se tient, c’est vivant, manifeste sans être imposant, discret sans être absent, oui c’est bien un pénis, mais les testicules et leur bourse, non, c’était vraiment une idée grotesque.

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6 juin 2025 5 06 /06 /juin /2025 06:59

Il est des matins gris et déjà las et lassés, d’autres sont feu et or et tendus comme des ressorts.

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5 juin 2025 4 05 /06 /juin /2025 02:49

Vendredi, dernier jour

Adieu Stevenson ! Je ne vais pas te vendre au plus offrant, mais je vais quand même te laisser dans la bibliothèque du bateau et continuer sans toi. Je garde la version anglaise offerte par Ludmilla et laisse la traduction.  Je prends le temps de relire la première page sur laquelle j’étais passé assez vite. On voyage pour trouver des amis, écrit RLS, mais plus encore, les amis sont “la fin et la récompense de la vie (the end and the reward of life)”. C’est drôle, avant je pensais que je n’avais pas besoin d’amis, que j’en avais assez, j’avais Ludmilla, Diego, les parents, les cousins, mes potes de Guadalajara. Mais là, j’ai trouvé des personnes tellement différentes. Ce n’est pas d’en avoir plus que j’aime, c’est d’en avoir d’autres. (Euh… quelquefois, j’aimerais bien que quelqu’un m’explique ce que j’écris !). Ah, une phrase encore pour finir. RLS écrit qu’on voyage tous avec un âne (all travellers with a donkey)”. C’est bizarre de penser ça et je me demande bien quel est mon âne. Nubecito ?

« Jolie Vera. J’ai encore un peu de mal à ne plus t’appeler Ludmilla quand je suis seul avec toi, mais ici tout le monde te connait comme Vera. J’ai reçu un bout de ton dernier mail, mais une partie était illisible, plein de caractères bizarres. Selon Sam, on a profité du wifi d’un paquebot en naviguant à côté de lui pendant la nuit, mais pas assez longtemps pour avoir des mails entiers. Ça m’a fait rire d’apprendre que Mam avait lu un de mes textes en cours en le présentant comme “une production imagée et sonore d’un jeune auteur contemporain”. Je ne suis pas sûr qu’elle soit très objective en parlant de son “fils préféré”. J’ai fini aussi mon journal de lecture de Stevenson. Je te l’enverrai dès mon arrivée au Havre. Je ne crois pas que ça plaira autant à Mam, j’ai peut-être un peu chargé la mule en le jugeant trop sévèrement. Pour la traversée de la Russie, ça se précise, mais j’ai encore des démarches administratives à faire. Si tout se passe bien, Moby m’accompagnera. Pour le moment, je me prépare à ma troisième étape jusqu’à Istanbul. Je te donnerai le détail. Ça commence par du vélo, puis du train et de la voiture ! C’est drôle cette impression, je sens que je change et en même temps, je sens que je suis toujours le même. Tu verras que tu me reconnaîtras facilement. Mais je n’arrive pas à bien isoler cette partie de moi que je garde et je ne sais pas non plus si c’est mon vrai moi, le plus profond ou juste comme une toute première couche de peinture qui résiste et qu’on n’arrive pas à décaper. En fait, ça ne me préoccupe pas plus que ça et – tu me connais – je ne travaille pas sur moi pour changer quoi que ce soit. Le gland ne se concentre pas pour devenir un beau chêne et pourtant, il pousse. Je suis un vrai gland – de ce point de vue ! Si, quand même, il y a une chose qui change. Je m’intéresse plus au monde, parce qu’en fait, c’est passionnant quand c’est raconté par des gens qui vivent ce dont ils parlent. Voilà, je te laisse. Demain, je t’appellerai en visio, je vais avoir du temps sur mon vélo. Can’t wait! Plein de bisous tendres, ma Ludvera. Ton Brov. »

La dernière journée à bord fut longue et chargée. Moby avait tout organisé et distribué des tâches à tout le monde. Dans la matinée la pilotine devait déposer le pilote, important, la fille de Glenn qui venait l’aider, sympathique, et le frais, essentiel. Le Commandant Le Douarin passerait ensuite au bureau et, dans l’après-midi, il irait chercher sa femme qui avait pour mission de le retenir un peu à terre jusqu’au repas surprise.

Comme toujours, quand Moby est à la barre, tout se déroule à merveille. La fête fut un grand moment. Des rires sincères, des débats animés et beaucoup d’émotion. D’abord tout le monde fut réuni dans le mess des officiers pour l’apéritif. On commença par les discours, celui de Xavier, un invité, un ponte de la CMA, ensuite le Second qui raconta deux ou trois anecdotes concernant le Pacha, puis le Pacha lui-même. Moby annonça qu’on allait passer à table. Il y eut alors comme une hésitation, un blanc, une gêne même. Comment, quelque chose n’avait pas été réglé ? Le grand ordonnancement millimétré de Moby déraillait ? Le Commandant fronça les sourcils, interrogateur ; Xavier regarda le Second, inquiet ; le Second se tourna vers Laurence qui chuchota quelque chose à son voisin et Moby fit des gestes discrets que tout le monde vit. Il manquait quelque chose. Le bateau était à quai et bien amarré, tout le monde était là, les discours d’usage avaient été prononcés, mais il manquait quelque chose. Bien sûr, il manquait le cadeau et la tradition voulait qu’il soit offert à la fin des discours. C’est Glenn, le vieux copain du Commandant qui vendit la mèche et fit retomber la tension.

– Avant de continuer, une petite explication. Notre cadeau de départ est un peu original. Il s’agit d’un repas gastronomique que j’ai préparé, assisté de ma fille Sterren et grâce à la cagnotte du personnel. Voilà pour vous donner une idée.

Il tendit au Commandant, aux officiers et aux invités les menus – enfin les parchemins enluminés de Moby. L’équipage rejoignit sa salle à manger et les autres, officiers, passagers et invités s’installèrent autour de la grande table du mess. D’un côté le Pacha, Madame Le Douarin, les amis et Glenn qui alternait présence à table et passages en cuisine, et de l’autre, les passagers ; entre ces deux groupes sociaux, Laurence, Moby, souvent debout lui aussi, et Sterren qui semblait préférer la compagnie de Sam à celle des quinquas, sexas et autres gradés.

La table était rectangulaire et longue, ce qui empêchait les conversations collectives, mais favorisait les discussions plus intimes. Avec discrétion et professionnalisme, Moby vérifiait que tout se passait bien et, passant d’un groupe à l’autre, glissait toujours un petit mot aimable, comme les mariés lors du repas de noce.

Le Commandant Le Douarin racontait comment il avait suivi sa femme au MuMa en traînant les pieds. Il l’aurait suivi dans n’importe quel concert, il aimait tous les genres, mais la peinture, ça le laissait de marbre.

– C’est sûrement une faute de goût, mais ça m’ennuie, moi, un tableau. Ça ne bouge pas, ça ne sent pas, ni ronronnement de moteur ni cri de mouettes ni goût de gigot de sept heures. Je respecte l’art et les artistes, mais ça ne m’émeut pas. Heureusement, il y avait cette magnifique exposition sur les paquebots pour fêter les quatre-vingt-dix ans de la traversée inaugurale du Normandie. Quelle aventure, quelle folie, quand on y repense.

– C’est un peu tard pour une reconversion, mais tu penses que tu aurais aimé dresser une de ces jolies bêtes, demanda Xavier ? Tu t’y connais un peu en domptage de monstres.

– Sûrement pas. Je préfère gérer vingt-mille boites que mille passagers et autant de personnels. Un conteneur, ça ne vomit pas, ça n’attrape pas le Covid, ça ne passe pas par-dessus bord et si ça tombe, ça coule sans appeler.

– Vous faites le dur Commandant Le Douarin, s’amusa Moby, mais si on vous appelle – sauf votre respect – Doudou le marin, ce n’est pas par hasard.

– Ah, ah, oui, je sais. Dis-moi Moby, j’ai une dernière faveur à solliciter. Pour faire durer ce magnifique cadeau éphémère, j’aimerais pouvoir garder un de tes menus. Tu vois, tout à l’heure au musée, j’ai vu des Pissarro, des de Staël et des Renoir, des chefs d’œuvres selon mon épouse, eh bien, ton menu, que je ferai mettre sous verre, me transporte infiniment plus. Est-ce que tu pourras me le signer aussi ?

– Volontiers, c’est un grand honneur pour moi. Allez, on continue, je vais chercher les quenelles de Glenn. Elles aussi, elles vont vous faire tanguer.

Moby continua son tour de table. Il s’assit un moment avec Olga et Nov.

– Ça aura été un conflit intérieur pendant toute ma carrière, expliquait Olga. Est-ce qu’on doit rester neutres, nous les humanitaires ? Est-ce qu’il faut dénoncer ce que l’on voit, la corruption, les crimes impunis, les abus de pouvoir… et risquer d’être chassé et abandonner les malheureux à leur triste sort ? Ou bien est-ce qu’on doit fermer les yeux et se faire récupérer, être complices en un sens ? Il y a en moi deux énergies qui se télescopent, tu comprends. Je dois aider et essayer de bricoler un bout de monde un peu meilleur, mais plus je vieillis, bizarrement, plus j’ai envie de manifester, de dénoncer et de renverser la table. Parce que vraiment, il y en a qui déconne.

– Tu sais Olga, tu en as déjà fait plus que nous tous réunis. Et tu dois être fière de toi. En tous les cas, moi je suis fier d’être ton ami, dit sincèrement Moby, et souvent je parle de toi et je dis combien j’admire ton engagement.

Tout le monde a l’air d’aller bien, ça me fait plaisir. Sauf que moi, je déprime. Je ne me remets pas de ce qu’Olga a raconté. Les bidonvilles. Les slums. Les favelas. Chaque pays a son mot, mais c’est à chaque fois la même misère. J’espère qu’elle a menti, ou au moins exagéré. Je n’en ai jamais vu de mes propres yeux, mais j’ai entendu des cousins qui ont survolé l’Afrique en parler. Bizarrement, tous disaient que c’est assez beau à voir d’en haut, ça ressemble à un patchwork complexe et coloré, bien plus joli que les grands centres urbains modernes, tout gris et monotones, et qui sont toujours voilés par une couche sale et puante. Et là, bam ! je découvre comment on vit ou essaye de vivre dans ces lieux maudits. Ça me rend triste. Mais le pire, c’est que ça ne semble pas gêner les autres humains. Alors, on pourrait se dire, peut-être qu’ils ne savent pas, comme moi je ne savais pas pour les toilettes volantes, mais en fait, tout le monde sait. Il y a des reportages là-dessus, il y en a même qui vont y faire du tourisme et prennent plein de vidéos pour les mettre en ligne et avoir des likes. L’humain est comme ça, et je suis un peu déçu ; la misère, ailleurs, ça ne le perturbe pas. En plus – mais pourquoi les choses sont-elles aussi mal faites ? – nous, les nuages, avec les vents, les pluies et les vagues, c’est toujours là qu’on tape le plus fort. Heureusement quand même, il y a des gens qui donnent beaucoup pour essayer de changer les choses. L’humain est comme ça aussi.

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4 juin 2025 3 04 /06 /juin /2025 02:53

Incontestablement, des tournants se succèdent dans l’histoire du monde. Cela nous invite à reconsidérer l’idée que l’on se fait d’un mouvement progressif et linéaire pour demander plutôt si l’on “avance” en serpentant, en tournant en rond ou en errant éperdument.

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3 juin 2025 2 03 /06 /juin /2025 02:35

Le complexe est parfois le cache-misère de l’ignorance, mais le simple n’est pas toujours la lumière du juste. Et pourtant, si tu veux le boire, ton café, il faut le faire couler.

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2 juin 2025 1 02 /06 /juin /2025 02:00

L’insomniaque le sait, la veille est d’argent, le sommeil est d’or.

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1 juin 2025 7 01 /06 /juin /2025 02:00

– Dis donc, comment tu comprends la puissance du négatif, demanda l’éléphant en train de faire son gainage ?

– Il faut situer ça dans le cheminement du concept, sinon ça n’a pas de sens, lui répondit le rasoir électrique en train de tester son autonomie.

– Oui, c’est bon ça, dit le scénariste, tout en pensant qu’il lui manquait encore quelques répliques pertinentes.

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31 mai 2025 6 31 /05 /mai /2025 09:00

Jeudi, quatorzième jour

“Adieu, Modestine !” Dernier chapitre ; ce n’est pas mon préféré. Il ne s’est pas foulé, l’Écossais, en plus, je ne le trouve pas très sincère. Moins de deux pages qui se terminent par des larmes de crocodile. Il avait dû abandonner sa chère Modestine, sa “lady friend” (bon, là c’est plutôt mimi de l’appeler comme ça), trop fatiguée pour continuer. Il se retrouvait seul et à deux jambes pour finir son périple commencé avec leurs six pattes (with our six legs)” (là, c’est plutôt cucul). Il avait envie de pleurer. “Mais maintenant elle était partie (but now she was gone)”… et l’inspiration avec elle, apparemment. Finalement, se retrouvant dans une diligence avec “quatre ou cinq jeunes hommes agréables” (là, on ne voit pas le rapport), il se lâche : “je n’hésitai pas à céder à mon émotion (I did not hesitate to yield to my emotion)”. Pour ceux qui n’auraient pas compris : il pleure. Il semblait moins ému quand il marchandait pour en tirer un bon prix ; moins ému également d’avoir “acheté sa liberté avec ce marché (I had bought my freedom into the bargain)”. Pas grand-chose pour sauver ce chapitre. Allez, j’aime bien une idée, pour partie. “Les défauts de Modestine étaient ceux de sa race et de son sexe, ses vertus étaient les siennes (her faults were those of her race and sex ; her virtues were her own)”. On ne pouvait donc pas la blâmer, “la pauvre âme”, pour ses défauts alors qu’on devait la louer pour ses qualités. Quant aux défauts propres au sexe féminin, on va laisser Stevenson tranquille sur cette question. Son voyage se termine, il retrouve “un pays civilisé avec des diligences (a civilised country of stage-coaches)”. Notre ethnologue en a fini avec ses sauvages, il ne lui reste qu’à faire un livre de son périple… pour financer le suivant.

– Bon, tout le monde est là. Merci d’avoir répondu à mon appel, annonça Moby avec solennité. L’heure n’est pas grave mais importante, nous devons réfléchir au voyage de Nov. Laurence va passer en coup de vent, elle a une proposition à te faire, Nov. En fait, le problème, c’est la traversée de la Russie. Ce n’est pas interdit, ce n’est pas impossible, mais c’est compliqué, surtout avec un passeport français. C’est notre manie aussi de confondre les gouvernements et leur peuple. Les Français n’aiment pas les Russes et réciproquement. Pour moi, il n’y a qu’une solution : entrer en Russie par la Turquie. Nov, donne-nous un peu ton calendrier prévisionnel.

– Alors. Je dois retrouver mon père à Paris dans une petite semaine. Ensuite, lui, il doit passer par Genève et aller à Ljubljana pour un festival du film francophone où on restera quelques jours ensemble. Mais je pense passer plutôt par l’Italie, parce que les réunions à Genève, ça risque d’être long et soulant. Ensuite je pourrais rejoindre la Tur…

– … la Serbie, oui, bien sûr ! Excellente idée. Je t’accueille à Novi Sad, c’est sur ta route, et on fait quelques manifs ensemble !

– Je pense que ce n’est pas une mauvaise idée, Olga. Voici comment je vois les choses, dit Moby, en dessinant le trajet dans le vide comme s’il visionnait une carte. Paris, Milan, Trieste, puis la Slovénie avec papa. Ensuite, la Croatie et la Serbie avec Olga. Puis la Bulg…

– Correct. Je te ferai visiter, je te présenterai ma mère et mes amis et on descendra ensemble jusqu’à Istanbul en passant par Sofia que je ne connais même pas. J’ai une jolie Yugo qui n’a pas vingt ans et qui roule très bien encore. Tu connais ? En fait, c’était un projet de FIAT que le big boss avait été refusé. Pas assez classe et moderne pour les Italiens, mais parfait pour nous-autres, retardés de Yougoslaves, comme mon père et ma…

– Excellente idée Olga, interrompit Moby. Ça te conviendrait Nov ?

– Tu plaisantes. Évidemment, ça serait génial de faire la route avec Olga, après, je serai incollable sur l’histoire politique et culturelle des Balkans. Pour ta Yugo, on verra.

– Et peut-être, si vous voulez encore de moi, ajouta Moby avec un sourire espiègle, on se rejoint à Istanbul. Je descends en bateau en Turquie, j’y serai dans trois ou quatre semaines. On se retrouve tous les trois à l’Orient bar pour boire un café turc avec des graines de pistache.

Krouta! Génial, surtout si c’est CMA qui régale, rigola Olga. En passant, Nov, si tu veux un café turc à Novi Sad, demande un café serbe. Même couleur, même odeur, même goût, mais nom différent. Qu’est-ce qu’on est cons parfois avec nos histoires de pays et de frontières ! Mais je te rassure, tout va très bien en ce moment entre Vucic et Erdogan, ils sont très copains, ils font du bon business ensemble. Moi, ce ne sont pas mes potes, ni l’un ni l’autre. Il est très copain avec ton Macron aussi, Vucic, depuis qu’il a acheté tes p. d’Rafales-la-mort.

Olga, Zamolchi!, dit fermement Moby en russe. On reste concentrés.

– Ça va, Moby, je commence à la connaître. Malheureusement, Olga, je ne possède aucun Rafale, sinon je le vendrais pour acheter des latrines à Dacca. Pour le reste, la politique du fric et du deal, je crois que je suis d’accord avec toi.

– … ensuite, continua Moby imperturbable, tu prends un vol Istanbul Moscou et enfin, tu poses tes fesses dans le Transsibérien. Il te faudra un visa et ton billet de train avant d’arriver en Russie et quelques documents. Je ferais bien le voyage avec toi. Je suis allé des dizaines de fois en Russie, mais je n’ai jamais dépassé Moscou.

– Eh bien vas-y, lança Olga. Tes enfants ne sont pas aux Philippines en ce moment et Esmeralda se débrouille très bien sans toi. Prends-toi de vraies vacances. En plus, tu imagines, pour Nov, avoir un guide et un traducteur comme toi.

Brilliant! Comme ça on se retrouve à Séoul, compléta Sam. C’est très facile par le ferry de rejoindre Donghae depuis Vladivostok. Après, Nov ira vers Hawaï et Moby vers Manille.

Qué guay! Je vais en faire des kilomètres et en plus toujours tellement bien accompagné.

Tout le monde était très excité, mais Brad sentait Moby hésiter, comme si quelque chose le retenait. Il avait tellement envie que son ami l’accompagne. Il pensa que la question financière le souciait, mais qu’il n’osait pas en parler. Brad voulait lui proposer de lui payer le voyage, mais avait peur de le blesser. Il lui fit quand même la proposition, mais en français, pour que la chose reste discrète.

– Écoute Moby, j’aimerais tellement faire le voyage avec toi. D’abord parce que tu es mon ami et en plus parce que tu pourrais m’aider. Rien que pour lire le nom des gares, je serais perdu. Alors voilà, je te propose de t’offrir le voyage. Pour moi, ce n’est rien. D’ailleurs, ce n’est même pas moi qui paye, c’est mes parents. Je ne veux pas te gêner, mais j’aimerais vraiment que tu acceptes.

– Oui moi aussi j’aimerais beaucoup, continua Moby en anglais, merci de payer pour moi, mais je dois encore régler un problème. Les enfants, ma femme, ils m’attendront, mais c’est Lope, le beau-père, il est très vieux et fatigué. Je dois téléphoner d’abord avant de décider, mais je crois que je vais dire oui.

Brad fut surpris sur le coup. L’idée de se faire payer le voyage ne semblait pas gêner Moby, il n’avait même sans doute jamais envisagé de le payer lui-même, tout simplement parce qu’il n’en avait pas les moyens. Son hésitation n’avait rien à voir avec l’argent. C’est presque comme s’il trouvait normal de ne pas payer. Rapidement, Brad se dit qu’il venait de recevoir une nouvelle leçon. On n’achète rien d’essentiel.

– C’est sûr que pour toi, ça serait plus simple et plus sûr, j’ai même un copain qui travaille aux douanes à l’aéroport de Vnukovo. Ça peut aider. Il y a de moins de moins de bakchich, mais un cadeau fait toujours plaisir, si tu vois ce que je veux dire.

– Cool, on serait tous plus rassurés, dit Sam. Surtout tes parents. J’ai un cadeau moi aussi, une balise GPS pour qu’on puisse te suivre en live pendant tout ton parcours. Je la commande maintenant et la fais livrer, on la retirera à la capitainerie après-demain, comme ça, je pourrais la paramétrer et te montrer comment ça fonctionne. C’est tout petit, ça a plusieurs mois d’autonomie, tu pourras la glisser au fond de ton sac et l’oublier. Et nous, on verra un petit bonhomme traverser la planète sur nos téléphones. Tes parents vont adorer.

Hi guys, dit Laurence qui venait d’arriver, puis elle continua en français. Bon Nov, j’ai juste trois minutes pour te faire une proposition. Je fais court. On devait remonter à Paris en vélo avec deux copines, le long de la Seine. 400 kilomètres à peine et 1300 mètres de D+. Malheureusement notre accompagnateur nous lâche. Alors voilà. Est-ce que tu veux le remplacer ? Ce n’est pas pour une balade, mais ce ne sera pas une course non plus. Disons entre les deux. Enfin plus course quand même. Nous, on sera en Gravel montés avec du 28 mm, il y a surtout du bitume, mais aussi du chemin blanc et du sentier, mais attention, on n’y va pas pour compter les brins d’herbe. Toi, tu seras en Gravel électrique, un Cube, la Rolls des VAE, en plus il est débridé, parce que sinon, dans les descentes, on te perdrait. Tu auras un sac avec toutes les affaires, mais on va vraiment s’alléger pour ne garder que le minimum. Tout est prévu, le matériel, la trace, les réservations. Quatre jours, trois nuits, un peu moins de cent kilomètres par jour, cinq heures grand maximum, sans les pauses. Qu’en penses-tu ? Tu me connais, je suis directe, alors n’hésite pas à me répondre franchement aussi.

Puis, avant de disparaître, elle lança en anglais :

Your answer before tonight, please.

What’s going on, demanda Sam ?

Chto proiskhodit, répéta Olga en russe ? Moby, traduis-nous s’il te plait.

– Ça c’est du Laurence tout craché, direct, carré et efficace, mais je n’ai pas tout compris. Nov, qu’est-ce que tu en dis ?

– Ah ah, moi non plus je n’ai pas tout compris, mais je vais dire oui évidemment.

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30 mai 2025 5 30 /05 /mai /2025 02:07

– Du coup, on en tire un ?

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