Ne compare pas ton œuvre à son projet, mais à d’autres œuvres.
Ne compare pas ton œuvre à son projet, mais à d’autres œuvres.
Certains savent beaucoup, d’autres très peu ; tous ignorent infiniment.
Je reviens sur les librairies.
Si l’on rangeait à l’ombre des escaliers les œuvres de Platon, Spinoza et Kant, c’est sans doute qu’elles portaient en elles suffisamment de lumière. Que penser alors des ouvrages installés sous les spots, en tête de gondole ?
À l’occasion de l’Épiphanie, j’ai généreusement annoncé un cessez-le-feu unilatéral aux moustiques qui m’agressent sans répit. Évidemment, ils n’en ont pas tenu compte. J’ai donc décidé unilatéralement de cesser mon cessez-le-feu.
Je serais pour une réhabilitation du besoin et de sa satisfaction que l’on pense toujours à l’aune du désir pour nous prémunir de la bête qui somnole en nous. Boire quand on a soif, déféquer quand il le faut, s’accoupler, crier, marcher, dormir quand on le veut, respirer, seulement respirer…
C’est la vie des corps. Et justement, c’est plus qu’on ne pense un corps ; c'est plus qu'on ne croit la vie.
… et on pourrait aussi le rebaptiser Poutin.
Vous l’aviez remarqué comme moi, dans les librairies, les rayons réservés aux ouvrages de philosophie se trouvaient traditionnellement au fond à droite, dans un petit coin sous l’escalier. Eh bien depuis quelque temps, cette section – rebaptisée d’ailleurs « philosophie/sagesse/bien-être » – occupe souvent un large pan bien éclairé à gauche en entrant.
Je n’ai pas vérifié de près, mais je pense qu’il y a lieu de se réjouir pour Aristote, Leibniz et Schelling qui se voient accorder enfin la lumière qu’ils méritent.
La bicyclette aussi est une invention géniale et, ne nous y trompons pas, si elle devient vite inconfortable, c’est à l’inventeur du corps qu’il faut s’en prendre, lui qui a négligé nos fessiers toujours très mal adaptés aux selles.
Il est de grandes inventions qui témoignent du génie humain. Les exemples sont nombreux, j’évoquerai pour ma part la roue, la pince à linge (et dans une moindre mesure la barrette à cheveux), la crapette, le cœur-avec-les-doigts (doigts des mains, LOL), la cuiller à pamplemousse pour gaucher, le conatus spinoziste, le Royal au chocolat, le haïku, le coquelicot sauvage (ce n’est pas une invention humaine me direz-vous, c’est vrai, mais qu’est-ce que c’est réussi !), la tapette à souris (monstrueux, mais génialement monstrueux), la voûte à claveaux, l’accord du participe passé (pervers, mais génialement pervers), le trombone à coulisse, le chiffre zéro et quelques autres inventions.
J’ajouterai à la liste les parenthèses (“petites lunes”, disait joliment Érasme) qui trouent un texte (ça fuit, le sens) et l’animent, qui multiplient les voix, les plans, les incidences, qui ouvrent un axe perpendiculaire à celui du récit (rupture sans fracture).
Simplement génial !
[… au fait, les pitayas sont arrivés sur les étals.]
Silence bleu de l’aube
Paix souveraine du café
Vroum vroum la tondeuse
Le commencement nous échappe toujours.
Lui (gourmand mais nostalgique, tout excité pourtant) : Dis donc, en attendant minuit, on pourrait se faire une soirée diapo.
Elle (naïve mais déconcertée, voire franchement agitée) : Hein ? Diapo ? C’est quoi ce truc ?
Autre hypothèse (plus complexe à appréhender) : quoique nous déclinions résolument, c’était encore pire avant.
Moi aussi, je peux ne pas être d’accord et j’imagine le carnage si j’avais dans mon réfrigérateur un petit stock de Novitchok prêt à l’emploi.
Ça va, j’ai dit « j’imagine… ».
Nous ne sommes faits que d’imitations et de citations – approximatives, le plus souvent.
Les experts m’exaspèrent.
Je l’ai déjà dit récemment ? Eh bien ça veut dire qu’ils m’exaspèrent encore et beaucoup.
Régler un conflit, dit-on justement. Je résiste contre cette idée froide et rigide qui pourtant s’impose : la paix n’a que faire de la rondeur des émotions et du galbe des sentiments, il lui faut d’abord un cadre juridique, des règles de droit, un plan aux traits nets et aux mots précis.
Le boudin blanc passe bien avec un Costières de Nîmes. On dit aussi qu’il serait plus petit que celui d’un Noir. Alors là, je demande à voir… enfin, c’est une formule.
… et bonne dégustation !
Bon, demain c’est Noël et je cherche. Il me faut trouver quelque chose de joli à dire, qui soit comme un cadeau de mots offert à mes lecteurs. Une petite phrase belle, courte et joyeuse. Je cherche. C’est bête, j’aurais pu prévoir ça, parce que Noël, c’est toujours le 25 décembre et feindre la surprise serait malhonnête. Pour le moment, je ne vois pas. Je cherche mais ne vois pas. Il me reste quelques minutes, ça suffira peut-être. Alors évidemment, il ne faut pas s’attendre au cadeau du siècle, la petite phrase géniale qui vous vient une fois dans votre existence. Là, je cherche encore et on en est loin. Remarquez, je me contenterais de la petite phrase de l’année parce que la petite phrase du siècle, c’est très rare qu’elle vienne surtout quand on la cherche. C’est un peu comme vos lunettes ou vos clés, vous ne les trouvez – c’est ballot – que quand vous ne les cherchez pas. Oui je sais, la comparaison est ridicule, mais je n’ai pas dit que c’était ma phrase de l’année. Ou peut-être la phrase du mois. Oui ce serait déjà bien, vous offrir la phrase du mois. Seulement voilà, ça ne vient toujours pas et l’heure tourne. Je devrais commencer par délimiter un champ et chercher une phrase sur la paix ou le football ou Annie Ernaux ou Petit Ours Brun ou la Transnistrie ou le revenge porn ou les marrons glacés ou le CBD ou la Clio V ou, je ne sais pas moi, le cancer du côlon ou le gaslighting (ah bon ! vous ne connaissez pas ?) ou Céline Quatennens… les sujets ne manquent pas, non ce qui manque, c’est autre chose. En plus, je vous connais, vous vous dites, comme d’habitude il va nous trouver une chute remarquable. Mais non, je n’ai pas de chute, pas de petite phrase du mois - ou de la semaine, ça irait aussi - et c’est maintenant l’heure de mettre en ligne mon texte. Je pourrais tricher et taper sur mon moteur de recherche « petite phrase du jour ». Mais non, ce serait manquer d’ambition et ce n’est pas mon genre. Aïe c’est l’heure…
Chouette, j’ai trouvé !
« La phrase est en toi et nulle part ailleurs. »
(On dirait du Christophe André, vous ne trouvez pas ? Promis je n’ai pas copié.)
Chez moi, la première réaction est toujours mauvaise. Ce qui ne signifie pas que la seconde soit meilleure.
Dorment en nous tous un héros ou une crapule. Si la guerre les réveille, la paix entretient leur somnolence.
On parle peu du « délit de contexte ». Qu’un abruti patenté émette une vérité profonde et originale, on trouvera cela plat et rebattu ; qu’un intellectuel reconnu professe des âneries et l’on imaginera un sens caché et sublime.
Il colle à la peau, le contexte et farde les discours.
– M6.
– Touché.
– C8.
– Coulé.
– Mais non !
– Messi !
Alors là, le Buy French Act, je vote pour. D’ailleurs, dans la foulée, je proposerais bien un Speak French Act.