Difficile que le spéculatif ne vire au spéculaire. La pensée du réel s'arrête souvent à une contemplation du miroir.
Difficile que le spéculatif ne vire au spéculaire. La pensée du réel s'arrête souvent à une contemplation du miroir.
Sans penser, on avance dans l’obscurité ; en pensant, on avance dans la confusion.
Les idées qui nous viennent en marchant sont vigoureuses et engagées. Malheureusement, quand on rentre, elles continuent sans nous et nous laissent avec nos pensées domestiques.
L’épuisement des stocks est manifeste, il nous faut trouver des sources de pensée renouvelables.
Penser, c’est rencontrer quelque chose à penser, tomber sur ou buter contre un obstacle. Les plus romantiques diront que c’est répondre à un appel. Les plus crus diront que c’est traiter, comme on traite un problème ou un malade.
Cela dit, rien n’empêche le cerveau de produire secrètement appels, obstacles ou maladies. Je me demande même s’il n’est pas capable de déclencher des incendies pour jouer ensuite les pompiers sagaces et vaillants.
Je trouve crétine la formule ‘tourne sept fois ta langue dans ta bouche avant de parler’. Je dirais plutôt ‘essaie sept tournures de ta phrase sur ton cahier avant de penser’.
Parce que, même si c’est difficile à admettre, la pensée est un effet. Et ce n’est pas rien.
La généralisation est ce qui rend possible la pensée, condamnée sans elle à inventorier. Elle est aussi ce qui annule la pensée, la réduisant à d’ineptes jugements.
La pensée n’est pas un sport collectif.
Il me semble – je ne suis pas spécialiste – que les grandes idées naissent dans la solitude du banc de touche, pas dans la cohésion du terrain.
La pensée, c’est une question de savoir-vivre.
Quand une idée se présente, il faut être accueillant, l’inviter à entrer, lui offrir quelque chose pour se restaurer, lui faire la conversation, mais ne pas la retenir trop longtemps et la présenter aux voisins. Il arrive qu’on s’en fasse une amie ; elle peut alors revenir de temps en temps ou vous envoyer une de ses relations.
Certains parlent si fort que ça les gêne pour penser.
Je pense donc je suis, soit, mais penses-tu si tu suis ?
Lève-toi et pense.
De l’intelligence, je ne sais, de la culture, peut-être, mais c’est de la souplesse surtout dont le penseur a besoin qui risque toujours le lumbago ou le cliché.
Interpréter, c’est renvoyer la balle.
La pensée est un jeu et le gardien lui-même ne doit rien garder.
– C’est insupportable, cette pensée commune !
– Insupportable.
Savoir, c’est ne plus croire, penser, ne plus savoir et croire, ne plus penser.
Non sans paradoxe, la pensée n’est féconde qu’à se retirer.
L’ambiguïté, c’est ce jeu dans la pensée qui interdit l’arrêt sur idées.
Qu’elle anticipe ou tire les leçons, la pensée n’est jamais à l’heure. Seule l’action est ponctuelle.
La pensée en cadence : signe de décadence avancée.
L’embryon – inutile de vous raconter – suppose la rencontre d’un spermatozoïde et d’un ovule. Eh bien l’idée c’est pareil, elle ne nait pas seule dans un cerveau vierge, elle suppose la rencontre avec un morceau de monde, un éclat de réel, un bruit de langue ou un bout de sens qui fécondent votre désir de penser.
Si je devais condenser ma pensée en un mot singulier, ce serait pluriel.
Et pense à penser !
Rature tes plus belles idées, alors peut-être, hors des gribouillis, bondiront les traits vivants de tes pensées.
Si ma pensée avait un visage, il serait – mais cela a-t-il un sens ? – souriant et soucieux à la fois.