Il faut des mots pour penser, sans eux les idées restent brutes, sourdes et fumeuses.
Il faut des mots pour penser, sans eux les idées restent brutes, sourdes et fumeuses.
Terrain vague, salon classique, paysage romantique, espace intime, rue gouailleuse, place pudique, chambre à soi, ville invisible, champ d'été. La langue est le lieu de tous les lieux.
Les mots figent les pensées, bien sûr, et durcissent les sentiments qui ne sont que des ombres molles et fugaces.
Petits trucs mnémotechniques pour ne plus hésiter sur le genre de quelques mots.
Apogée est masculin. Facile à retenir : son initiale a- est la deuxième lettre de mAsculin, sa dernière lettre -e est la dernière lettre de hommE et quand on renverse les trois lettres centrales -ogé- ça donne égo, qui est très masculin aussi.
Épithète est féminin. Encore plus facile : on rajoute un f au début, on change le p en m et on obtient fémi ; évidemment, on peut aussi penser à Pithiviers qui a vu naître l’une des plus féminines de nos actrices, Vahina Giocante ; si ça ne suffit pas, on peut encore rapprocher –thète de tète ou téton (il faut éviter de penser à têtue, qui nous éloigne et risque de créer une polémique peu pédagogique).
Notez que les meilleurs trucs sont ceux que l’on invente soi-même, je vous laisse donc poursuivre.
Le langage est fragile de sa puissance. Il peut tant. Comme la mer, comme l’amour, il sait porter si loin les désirs et les rêves. Et comme la mer, comme l’amour, il se retrouve parfois embringué dans les coups les plus foireux. Sans résistance. Monstrueusement sublime.
Au commencement était le verbe, fier, sain, sobre et toujours conjugué par quelque chasseur ou conteur, puis sont venus les noms propres et leurs gros propriétaires, les pronoms et leur petit personnel, les adverbes vraiment maniérés et les adjectifs attribuant tout ce que l’on peut posséder.
Le langage est devenu une belle vitrine.
Un monde sans langage ne serait pas doucement silencieux, il serait braillard, hostile, dissonant, étroit, confus, fade, désordonné, dangereux et bavard, terriblement bavard. Il fallait, pour faire parler le monde, le faire taire.
À la différence du bois, plus le discours est creux, plus il est lourd.
Parfois le bruit des mots couvre leur sens.
Mes mots sont les éclats d’un être dont je ne suis que le rêve.
Au commencement étaient le verbe et l’amour libre.
Plus tard vint l’accord du participe passé.
On n’admire pas assez les fabricants de mots, ceux qui ont pensé à faire rimer, par exemple, dieux et cieux, gargantuesque et sardanapalesque, mollesse et fesse, Billie Holiday et Johnny Hallyday, c’est souvent pertinent et imagé.
Bien sûr, il y a quelques ratés ; je m’étonne qu’ils aient laissé passer Bernadette et galipette (une vengeance mesquine sans doute) ou Versaillaise et merguez !
L’immigration massive continue.
Prenez jogging, pourquoi laisser passer cet étranger, casse-tête orthographique de surcroît, alors que nous avions déjà le très français, très clair et très populaire footing.
Mais on me signale que déjà le running arrive. Voyez comme ils sont vites et nombreux ces clandestins !
Dialoguer, c’est exposer l’étranger que l’on cache tous en soi et entendre le frère que tout étranger cache en lui.
Certains prennent la parole pour parler, d’autres, plus nombreux, parlent pour prendre la parole.
Faire taire n'est pas pacifier ; laisser parler n'est pas libérer.
Il y a ceux qui parlent pour ne rien dire.
Il y a ceux qui disent sans se parler.
Au commencement était le signe – juste après le singe.
L’écoute est la vertu de la parole.
Un peu comme un artiste, qui amuse ou intéresse d'abord, puis agace ensuite, pour finalement sombrer dans l'indifférence, elle va finir par se vexer.
Je ne suis pas un objet, ni un meuble, j'ai une âme aussi, hurlerait-elle, si elle avait la parole, la langue.