Z ? Que voyez-vous ? Serait-ce un N qui fait un pied de nez ? Un I qui fait des zigzags ? Un E qu’on aurait dézingué ? Toujours est-il (pensez à la liaison quand vous prononcez : « toujours z’est-il ») que c’est avec le Z que vous terminerez cet abécédaire bizarroïde. Oui parce que Z, c’est la dernière lettre, comme dans zéro, qui lui est… le premier chiffre. Tiens, c’est bizarre ! Notez encore – vous pouvez trouver la chose de peu d’intérêt – que les nombres à deux chiffres, de onze à seize, semblent apprécier le Z.
À quoi ressemble un Z ? Allez, cherchez un peu ! Voyez-vous un cygne glissant sur un lac, à la « faveur des alizés », comme disait Césaire ? Devinez-vous un tableau, un Zao Wou-Ki plutôt qu’un Cézanne ? Un zazou qui aurait choisi l’Amérique du jazz contre l’Allemagne des nazis ? Serait-ce un zèbre déguisé en zébu ? un zigoto qui cache son zona derrière des topazes ? un zozo faisant le zinzin ? un zigue azimuté dansant la zumba ? Quel bazar dans ce zoo à Z !
Certains voient Zazie dans le métro, station Saint-Lazare, Zorro ou Zuperman, d’autres entendent Zeus ou Zarathoustra (celui de Strauss, pas celui de Nietzsche) ou Zinedine Zidane, le célèbre demi de mêlée du Quinze de France (je plaisante, c’est pour faire travailler vos zygomatiques). Quel binz !
Z, vous le voyez aussi, c’est une lettre pleine de zèle. Si l’on sent de la paresse, voire de la mollesse chez le S, le Z est leste et preste. Z est un zeste, pardon un geste nerveux comme des éclairs noirs zébrant une page blanche. Tout ce buzz autour du Z ne laisse pas d’amuser, mais cette lettre tapageuse et fougueuse sert aussi à composer l’onomatopée qui représente le sommeil, Zzz. Cette lettre évoque la langueur d’un ciel azuré, quand le soleil au zénith épuise le temps lui-même, curieusement, elle dit aussi la fulgurance et le fracas du blitz, à la guerre ou aux échecs.
N’y a-t-il pas quelque chose d’un peu schizophrène dans cette lettre qui, en même temps, finit l’alphabet et ouvre la suite des nombres ? C’est Izrael et c’est Gaza, c’est le zénith et l’horizon, c’est Balzac et Zola.
Vous allez penser que j’abuse, les distinctions précises sont la base de toute entreprise intellectuelle. Vous avez raison, on ne danse pas le zouk au bal des Laze et ce n’est pas en masquant le zoom que l’on rebouchera le trou dans la couche d’ozone. Il faut appeler un zèbre un zèbre et choisir entre A et non-A – c’était notre point initial qui résonne à nouveau. C’est la loi du tiers exclu. Chacun dans sa case, chacun dans sa zone. Choisissons nos alliés et soyons organisés.
À moins que le Z, précisément, nous instruise sur la chose, je veux dire l’ambiguïté et la confusion, la bêtise de l’exclusivité. Par une ruse de la déraison, le zigzag ne serait-il pas la voie la plus courte, parfois ? Les lignes brisées du Z ne seraient-elles pas préférables aux frontières aiguisées qui isolent et interdisent ? C’est la théorie du rhizome de Deleuze qui valorise les identités indécises et les organisations imprévisibles. Comment ne pas aimer le Z et sa musique douteuse qui épouse les hésitations des alizées ? Comment ne pas aimer le Z qui lézarde généreusement la page et laisse présager quelques séduisants désordres ?
Allez, finissons-en. C’est assez pour l’abécédaire.
Bizou.
Ze end