Même quand tu plies, tu déplies aussi, expliquait Jean-Claude Lumière, l'exégète implicite de Deleuze (laissant irrésolue la question de savoir si l’on plie aussi en dépliant).
Même quand tu plies, tu déplies aussi, expliquait Jean-Claude Lumière, l'exégète implicite de Deleuze (laissant irrésolue la question de savoir si l’on plie aussi en dépliant).
Je balance entre Hegel et Vince (mon copain coach de life). Certes, ce n’est pas le but [Zwecke], mais le développement progressif de la réalisation [Ausführung] qui importe. OK mais d’un autre côté, cocher des cases sur sa to-do list, c’est tellement cool.
Même quand ça coule pas, ça coule quand même, aurait dit Jean-Claude Lumière, exégète mal connu d’Héraclite l’Obscur.
Hier, colique néphrétique. Douleur suraiguë. Insupportable. J’ouvre au hasard les Entretiens d’Épictète. Heureusement pour lui, il n’était pas en face de moi autrement je lui aurais balancé le livre à la figure avec une bonne mandale en supplément. Le con !
En 1790 Kant clôturait sa trilogie philosophique avec sa fameuse Critique de la faculté de juger.
On a retrouvé récemment sur l’un de ses exemplaires une notule manuscrite jamais traduite encore. Je me permets donc d’en donner une version française, la plus littérale possible, en attendant que des germanistes me corrigent.
« Bande de tocards (guignols ou bouffons conviendraient aussi), depuis quand juger est une faculté ? Vous autres hypertrophiés du Ich (au moi obèse conviendrait mais serait retoqué par un sensitivity reader) apprendrez vite que juger est au contraire une infirmité, une impuissance, une incapacité à accueillir. Salut, les atrophiés du bulbe (non, petites bittes n’irait pas ici), et allez bien tous vous faire “faculter” » (jeu de mots intraduisible, néologisme osé ou coquille inopportune ? C’est à tout le moins un hapax dans l’œuvre du philosophe). C’est signé IK (pour Immanuel Kant). Il conviendrait néanmoins que des graphologues vérifient l’authenticité de cet ajout qui tranche, il est vrai, avec le reste de l'œuvre et pourrait être apocryphe.
[Spoiler alert]
La philosophie est une vieille femme, oui, mais qui aime être bousculée et adore qu’on l’emmène voir ailleurs si elle y est.
La philosophie n’explique pas le monde, elle en éclaire l’obscurité.
Les généralisations sont toutes (sauf une) abusives.
Il est une pensée hors sol qui produit des concepts sans défaut ni goût.
Les choses, singulières et chatoyantes, seraient prises dans les grossiers filets des langues et livrées à l’usage commun.
Il est plus probable que les langues, vivantes et maillées, délivrent les choses du bruit insensé et les offrent en partage.
Il est des regards perspicaces, quand l’œil aiguisé transperce et passe sans obstacle. D’autres sont plus lents, ronds et sinueux, pleins d’égards et d’abandon, ils se mêlent et s’emmêlent oubliant même s’ils sont l’œil ou le sujet, le poème ou le pays.
Le silence des nuits et la lenteur des absences.
Voilà ce qui manque aujourd’hui : le délié de l’existence.
Difficile de construire sur le terrain étroit de la présence souvent coincée entre l’envie et le regret.
Le doute ressemble au renoncement pareseux, et c’est regrettable car cela masque l’énergie qu’il requiert pour accueillir le multiple et en préserver le divers.
La mort n’a rien d’une conclusion mais n’est sans doute pas une introduction non plus, pas même des points de suspension comme dans une copie inachevée.
D'ailleurs, et quoique certains s’appliquent plus que d’autres, la vie n’est pas une rédaction.
D’un côté le pouvoir et l’arrogance, de l’autre le manque et la convoitise.
Entre les deux, la voie très étroite du contentement qui exige avant tout des qualités de fil-de-fériste.
L’erreur de l’individualisme est de confondre dépendance et lien (qui, il est vrai, ont un air de famille).
Changer de voiture et oublier suffisent pour recommencer à zéro.
Pour commencer, il faut marcher et rêver − c’est plus difficile.
On se méprend sur l’individu à considérer ses yeux et non ce qu’il regarde, mais on se trompe aussi à estimer ses héros plus que ses outils.
La veille est-elle autre que le suspens provisoire et vain d’un essentiel sommeil ?
Le moi profond et authentique, c’est un peu comme les clés de la voiture, on les cherche au fond du sac et elles sont posées là sur la table.
− Et que caches-tu encore dans ta besace trouée, grand savant ?
− Bien des choses, petit poète. Des idées, des traités, de gros livres complets sur presque tous les secrets de la terre et du ciel.
− Et le caillou sur le chemin et la main de l’ami et la confiture sur le pain et la cabane dans la forêt et le goût du baiser la nuit et le bruit sourd des matins et le désir qui fait trembler et la douleur derrière le cou et le sel sur la mangue verte et les rires offerts à l’horizon ?
− Non, pas ça. Chaque chose à sa place, le caillou sur le chemin, la douleur derrière le cou…
− … et l’idée dans la besace.
Déconstruire, raccorder, déboulonner, resserrer, vidanger, alimenter, distribuer… la philosophie doit beaucoup à la plomberie. Serait-elle une canalisation de la pensée ?
− Je n’existe pas.
− Évidemment. Et moi, je ne te parle pas.
− Je ne parle pas, je ne pleure pas, je ne plaisante pas.
− C'est vrai ça, tu n’es pas très drôle.
− Je n’est pas drôle, juste un jeu utile.
− Tu veux dire je ne suis…
− Non. Et tu ne veut rien dire non plus. Tu ne veut pas, ne veut rien.
− Je ne te comprends pas !
− Mais si, je comprend te et tu comprend je.
− Bien sûr. Ben moi préférer orthographe à métaphysique.
− Eh oui, les règles, les accords et chacun à sa place, c’est plus rassurant.
Méprise ton corps, méfie-toi du réel et maîtrise la nature. Voilà qui résume assez bien notre morale traditionnelle. Attention au retour de bâton !