À l’époque du complotisme et des fake news, le grand perdant c’est moins la vérité que le doute. Les temps sont durs pour les sceptiques.
À l’époque du complotisme et des fake news, le grand perdant c’est moins la vérité que le doute. Les temps sont durs pour les sceptiques.
Libère ton phrasé aime l’hiver laisse la porte ouverte soigne tes orteils cultive les aubes danse quand tu chantes et chante quand tu vas accueille les voix basses garde un peu de nuit dans tes jours salue la pluie salue le toit salue le vent et le matin offre tes mains au temps qui vient
Admettons, un coucher de soleil, ça peut être beau, mais comment ne pas s’extasier à chaque mot, à chaque ligne, à chaque phrase devant ces merveilles que sont les langues ?
– Moi : Bon, à vous !
– Lui : À moi ?
– Toi : Oui à toi.
– Moi : Oui, mais à vous aussi.
– Lui : À lui aussi vous voulez dire.
– Moi : Oui, si vous préférez.
– Toi : Moi, ça m’est égal.
– Lui : Mais tais-toi donc, ce n’est pas à toi qu’il parle.
– Moi : Certes, mais restez courtois.
– Toi : Mais je n’ai rien dit, moi ?
– Lui : C’est vrai ça, il n’a rien dit.
– Moi : Je sais, c’est à vous que je parlais. Bon, passons, à vous.
– Toi : À moi ?
– Lui : Oui
– Moi : À vous aussi.
– Toi : À toi aussi.
– Lui : À nous alors.
– Moi : Voilà, si vous trouvez ça plus clair.
– Toi : Non, pour moi, ce n’est pas plus clair.
– Lui : Mais arrête, ce n’est pas à toi qu’il parle.
– Moi : Mais si.
– Toi : Ah tu vois. Ce n’est pas clair pour toi non plus.
– Vous : Coupez ! Bravo, le texte, à la virgule près. Vous êtes très doués.
– Moi : Merci !
– Toi : Eh, il n’y a pas qu’à vous qu’il dit ça.
– Lui : Eh non, ce n’est pas à vous qu’il parle.
– Moi : Je sais, je n’ai jamais dit ça.
– Vous : Bon, ça va, merci, je vois que vous appréciez mon texte, mais on s’arrête là.
L’impossible équation : être soi-même, comme les autres.
Je suis inquiet pour mon avenir ; un peu comme avec un Seurat, plus je m’en approche et moins il a de sens.
Jusqu’à la limite.
Et un peu au-delà.
Si lundi tu es très gentille
Alors mardi je te cueille des myrtilles
Si mercredi tu fais la grimace
Alors jeudi je te donne une limace
Si vendredi tu m’envoies un sourire
Alors samedi je t’emmène sur mon navire
Si dimanche… euh, non dimanche on ne fait rien
C’est le jour des vacanches
Si lundi, oh pardon, ça, tu sais déjà
Alors, c'est fini pour la poésie
Ils sont commodes, en un sens, les pneus tubeless, surtout pour ceux qui ont toujours eu peur des accidents de cric, mais ne sont-ils pas aussi le signe d’un changement civilisationnel. Je parle de la disparition des bouées en chambre à air de camion, du plaisir de trouver le trou en cas de crevaison et de l’art de poser des rustines.
Dans la relation à autrui, y a-t-il une place entre la dépendance et l’indifférence ?
– Ce que je n’aime pas chez toi, c’est la faiblesse. Tu es faible, Poule. Tout t’effraie et tant que tu as ta ration de graines, tu acceptes tout.
– Ah oui, parce que toi, tu es fort, Œuf ? À la moindre chiquenaude, tu te brises et dégoulines comme une bave sans forme.
– Les amis, les amis, que d’engouement et de passion dans vos débats, se réjouit Panda. En voilà une question difficile, la force et la faiblesse, le faible et le fort. Le faible est faible quand sa faiblesse est au service du ressentiment et le fort est fort quand sa force ouvre et fait danser, mais le fort est faible quand il étiole et cadastre, tandis que le faible est fort quand il invente et maille.
– Panda, juste une question. Tu ne voudrais pas apprendre à parler comme nous, caqueta Poule ?
– Tu as raison, Poule, parler est un exil intérieur ; les ports aussi sont des pièges, mais on y échange des cartes, précisa Panda.
– Laisse tomber, Poule, conclut Œuf, on ne peut plus rien pour lui.
Traverser dans les clous n’est pas soumission, mais traverser hors des clous n’est pas rébellion.
J’ai beaucoup d’admiration pour l’audace de ces personnages qui échappent à leur auteur. Ils ne font pas toujours un bon roman, mais au moins, ils n’ennuient pas.
Oui non, bien mal, blanc noir, amour haine… que la langue est binaire et nous impose une vision simpliste du réel.
Certes, mais c’est elle encore, plus que le réel, qui donne à voir la nuance, le complexe, l’ambigu et l’indécidable.
Il est curieux de constater que le laxisme le plus obscène cohabite avec le puritanisme le plus rigide. On ne peut plus rien dire sans manquer de respect, mais on peut tout montrer pourvu que ce soit rentable.
Apprendre, c’est à 95% imiter et répéter. À l’ère des influenceur·euse·s et du life coaching, on est en droit de se biler.
Il y a plus important, je le concède, mais qui sait encore écrire à la main un Q majuscule ?
Le dialogue est un art redoutablement difficile et le seul que l’on réussisse est celui que l’on a avec soi-même.
Jean-Pierre Rallu parlait peu et ne pensait pas beaucoup ; il lui arrivait de siffloter. 68 ans, célibataire, retraité des travaux-publics, sans hobby particulier, sans vices notoires, il n’avait jamais eu de problème avec quiconque. Il buvait peu et ne fumait pas. Deux ou trois fois par semaine, il allait au café, prenait un lait-fraise ou un Perrier tranche et lisait le Parisien. Le dimanche, quand le temps le permettait, il se promenait sur les berges de la Seine et une fois par an, il allait rendre visite à son cousin Christian Bertaud, en Bretagne. Il partait le samedi matin et rentrait le dimanche après-midi. À cette occasion, il mangeait toujours une galette œuf-fromage (mais sans jambon) et buvait une bolée de cidre brut.
Hier, le 23 novembre 2021, c’était un mardi, Jean-Pierre Rallu passa une journée assez semblable aux autres sans se douter une seule seconde qu’il serait cité dans un blog prétendument littéraire le lendemain.
La grande majorité de nos souffrances sont des inventions, mais elles font réellement mal. Elles font mal, mais ce sont réellement des inventions.
– Dis donc Poule, il est où ?
– Je sais pas, Œuf. C’est inquiétant quand même.
– C’est surtout que je ne sais pas quoi dire d’intelligent.
– Pareil.
– Bonjour les amis, interrompit Panda, de qui parlez-vous ?
– Ben de l’auteur évidemment, répondirent Poule et Œuf. On ne l'a pas entendu depuis trois jours. Soit il s’est fait kidnapper, soit il est parti vivre une autre vie aux iles Caïmans, soit il n’a plus de connexion, soit il a été frappé d’une amnésie fulgurante, soit il fait une retraite chez les moines Cisterciens, soit il est en plein marathon de crapette, soit il a glissé en enfilant son slip et baigne dans une mare de sang depuis quatre jours sans que personne ne s’en soit aperçu, soit il fait la grève du post pour alerter les candidats à la présidentielle sur les conditions de travail indécentes des blogueurs, soit il fait monter le suspens espérant que ses lecteurs iront manifester devant l’ambassade de Chine ou les locaux de CNews, soit il n’a plus d’idées, soit il a trouvé un vrai métier, soit il nous a abandonnés trouvant qu’on était des personnages pas à sa hauteur, soit c’était un imposteur qui avait volé l’identité d’un vrai écrivain et il s’est fait prendre par la police et sera jugé bientôt, soit il a rencontré un fildefériste qui l'a...
– Hum, interrompit à nouveau Panda, je comprends votre inquiétude. Quant à moi je dirai que si l’auteur est toujours-déjà parti, l’écrivain n’est jamais-encore là. L’œuvre échappe au premier, et c’est bien ; l’écrit attend le second, et c’est bien aussi.
– N’importe quoi, pour changer. Viens Œuf, proposa Poule, je vais t’écrire ton dialogue.
– Quoi, sûrement pas, j’ai pas envie de caqueter et passer pour une buse. C’est moi qui écris.
– Jamais, avorton, c’est m…
– Non m…
– Comment dit-on ‘bonjour’ en biélorusse, tenta Œuf ?
– Arrête de faire ton intéressant, répliqua Poule.
Dans certains livres, l’histoire voile les mots, dans d’autres, plus rares, les mots font oublier l’histoire.
La littérature doit se trouver dans un entre-deux, quand des mots animent des histoires qui réveillent des mots qui éclairent des histoires qui…
On ne comble pas un silence, parce que ce n’est pas un vide, c’est au contraire un plein, la plénitude d’une présence.
– Ça va toi ?
– Qui ça, moi ?
– Non toi, moi ça va. Alors ?
– Ben oui, moi ça va.
– Je sais, je viens de le dire. Mais toi ?
– Toi ?
– Oui toi.
– Mais toi, ça ne va pas du tout !
– Ah tu vois, c’est bien ce que je pensais. Je peux faire quelque chose ?