Tu es triste
Alors pleure
Et fatiguée cette nuit
Parce que le matin
Attend ta joie
Demain
Et ton feu aussi
Tu es triste
Alors pleure
Et fatiguée cette nuit
Parce que le matin
Attend ta joie
Demain
Et ton feu aussi
On annonce des températures estivales pour le prochain pont de mai. Beaucoup de voitures sur les routes donc, et beaucoup de crème solaire dans l'océan, et beaucoup de mégots dans le sable, et beaucoup de bouteilles en plastique dans les poubelles ou ailleurs.
C'est vrai, l'écologie serait-elle grise, pluvieuse et ennuyeuse ?
C’est pénible, il suffit que je m’installe sur la table du salon avec mes crayons de couleur et mes feutres pour que tous les enfants rappliquent et me les piquent (et en plus pour pondre des horreurs que leurs hypocrites de parents scotcheront sur le réfrigérateur, à côté du calendrier de ramassage d’ordures et du numéro de téléphone de l’orthophoniste).
Alors, discrètement et sans me lever grâce à la télécommande, je leur allume la télévision et, pfft, ils disparaissent tous, du plus jeune au plus âgé. Ouf !
Le bourgeon ou la flore insoumise.
“Personne ne sait ce que peut le corps”, disait justement Spinoza. J’ajouterais bien “quand il n’est pas entravé par notre cerveau, ce roublard paresseux et opportuniste”.
On ne rentre pas facilement dans le cerveau des enfants, des chats et des schizophrènes, je le sais, pourtant j’ai le sentiment, quand je les vois jouer à la Bonne paye, qu’ils s’entretueraient sans vergogne si on distribuait des armes avec les cartes.
La puissance sans pouvoir est fumeuse ; le pouvoir sans puissance est hargneux.
Zeitgeist, disent les Allemands. On peut traduire par ‘esprit du temps’ ou ‘culture de l'époque’ ou ‘génie du siècle’... Sans doute manquons-nous de recul, mais aujourd'hui on ne perçoit pas encore distinctement le génie de notre époque. Esprit, es-tu là ?
Et les oiseaux ne chanteraient pas par pur plaisir ?
On sous-estime les effets biochimiques, géopolitiques et socioéconomiques des histoires.
La famille, bien sûr, la génétique, les pairs, les réseaux sociaux, tout cela se mélange pour déterminer nos caractères, mais n'oublions pas la géographie.
Habiter le littoral, par exemple, ça fait de vous un être de paradoxes, voire de contradictions. Le littoral est à la fois une frontière et un appel, un désir et une trace. C'est un repère précis qui ouvre pourtant sur les lointains et l'inconnu ; il nous fixe dans ce que l'on est et nous suggère aussi ce que l'on pourrait être, ce que l'on pourra être. C'est une invite et un ordre, la loi et le trouble. C'est cette bande indécise, le littoral, où se rencontrent la mémoire solide et les rêves liquides, les mesures rassurantes et les histoires fantastiques. Pierres d'ici et vents d'ailleurs, le littoral est un lieu qui ne se laisse pas localiser.
Pieds ancrés et souffle nomade, l’homme du littoral, piètre marin et terrien malhabile, fait parfois un bon poète.
Les médecins sont formels, vieillir en couple, ça conserve. Mais ça conserve quoi ? Les rancœurs ? Les travers ? Les préjugés ?
Je n'aime pas les romans dont l'histoire passionnante me fait oublier la langue. J'ai le sentiment de commettre une infidélité.
La machine aura dépassé l'homme le jour où elle cherchera à se rassurer qu'elle le domine bien.
Celui qui rit, celui qui pense, qui vit en société ou pleure ses morts, l’homme est surtout l’animal qui progresse – le seul. Parfois distrait ou inconstant, souvent bavard et prétentieux, il lui arrive même de stagner, mais incontestablement, si on lisse les courbes, il progresse vers sa perte.
Dans une librairie, je suis tombé par hasard sur un cahier d’écriture. Elles y étaient toutes : les minuscules, les majuscules, les capitales d’imprimerie, les cursives, dont le Q, magnifique et mystérieux.
Je l’ai pris, puis je suis allé au rayon sociologie, j’ai attrapé le premier livre que j’ai trouvé et que je ne lirai pas.
À la caisse, j’ai eu droit à un sourire complice. “Certainement un enseignant à la retraire qui s’ennuie un peu et va apprendre à écrire à sa petite-fille”, a-t-on pensé.
Je suis vite rentré faire quelques lignes. Jubilatoire.
C’est l’histoire d’une mauvaise blague de comptoir qui rêvait d’être une grande tragédie grecque. Un soir, alors qu’elle tournait lamentablement dans un bar à côté d’un théâtre, elle vit entrer un groupe d’acteurs qui venaient de jouer la Médée d’Euripide.
Elle la reconnut immédiatement, sombre et lumineuse à la fois, tel un monstre solaire. Médée, l’ignoble Médée était là ; Médée, sublime, forcément sublime.
Médée se leva, lourde et impitoyable, elle tendit un bras vengeur vers le comptoir et de son regard glaçant perça les âmes et les cœurs de tous. Dans une terreur infernale, elle cria :
– Du coup, je prendrai une saucisse-frites et un demi…
Finalement, la mauvaise blague de comptoir se dit que ce n’était pas si mal d’être une mauvaise blague de comptoir et elle retourna faire rigoler les poivrots encore là.
– D’accord, tu brilles et tu rayonnes, mais je te signale que tu n’es pas le seul, et puis, tu ne réfléchis pas beaucoup, envoya Terre à Soleil, un brin de mauvaise foi.
La rumeur – et que l’on cesse de se défausser sur elle – n’a ni bouche ni oreilles.
Tu peux te retourner si tu veux, mais tu regarderas toujours devant toi. Ta nuque t’échappera inexorablement, occupe-toi plutôt du bout de ton nez.
Je suis très sensible à l’esthétique du code-barre, élégant et romanesque. À l’inverse, le code QR me semble fouillis et puéril.
Si j’étais Dieu, je me demande si je croirais en moi ?
La joie est dispendieuse, inconséquente et féconde comme un printemps.
Tu es moche. D’accord, c’est relatif, le moche, le beau dépendent d’un étalon culturellement situé et daté et varient en fonction de l’environnement socio-économique. D’accord, mais voilà, tu es moche. Eh bien, si un jour quelqu’un venait à te dire “tu es beau” ou “tu es belle”, et ce de façon sincère (ce qui n’est pas simple à vérifier, on pourrait en vouloir à ton c. ou ta CB, mais rien n’est jamais simple), alors tu saurais avec certitude que ce quelqu’un t’aime pour ce que tu es et non pour ton apparence. Voilà bien un avantage fort appréciable par rapport à ceux qui ne sont pas moches.
Le hasard est le cache-misère de l’hypercomplexité.