Mais bon sang où ai-je mis mes oreilles ? Ah ah ! suis-je bête, elles sont sous mes branches, s’amusa Paire de lunettes.
Mais bon sang où ai-je mis mes oreilles ? Ah ah ! suis-je bête, elles sont sous mes branches, s’amusa Paire de lunettes.
Les objets, me semble-t-il, n’ont ni âme ni neurones, ils ne pensent pas, ils ne sentent pas et n’agissent pas en secret. Je veille pourtant à m’entourer le moins possible de matière synthétique car, d’une façon que je ne saurais décrire, ces objets qui m’entourent me touchent.
La fatigue est une ruse grossière de l’esprit, mais pour ne pas le vexer, car il peut encore servir, je fais mine de ne rien voir et m’économise.
Enfant, je détestais l’heure du coucher, pourtant, une fois au lit, je sombrais instantanément dans un sommeil profond. Maintenant que je suis vieux, j’adore aller me coucher alors même que le sommeil m’ignore une bonne partie de la nuit.
Je ne sais pas qui a la gestion de ces questions d’endormissement, mais franchement, ça laisse à désirer.
Hier, Jean-Luc dit Babouk et Barak dit la Barique ont fêté leur Pacs devant Vidocq déguisé en évêque. Ç’a été épique. Cardiaques et réacs, fallait s’abstenir.
Ni bonbecs ni manioc ni biftèque ni pastèque, mais de la schneck (alsacienne) et du Médoc (en réduc), plus des trucs ad hoc importés du Maroc et de la Jamaïque (et c’était pas du toc). Ils avaient invité des beaux mecs, des viocs nazebroques, une doc (spécialisée en coma éthylique) mais pas de mac ni de crack. Y’avait des Blacks et des Polaques, une Amerloque en croc top et dreadlocks, une geek gothique et un Aztèque de Pétaouchnock qui montrait ses pecs. Y’avait aussi Dominique la prof d’aérobic en cloque, Anouk et sa perruque en bolduc, Itzhak, petit-fils de Mauriac (par maman) et petit-fils de Kerouac (par tonton), Loïc, un éduc spé (enfin spé en trucs aphrodisiaques), le mec à Farouk, sympathique et plein de fric (il a fait un gros chèque mais en kopecks), Annick la maniaque et ce trouduc de Jacques (qui envoie des dick pics à toutes les chicks [sic]). Y’avait encore Isaac, laïque sauf à Pâques, Tariq (et son gonocoque choppé dans un tuk-tuk à Bangkok), le petit-neveu de Pollock qui vit d’allocs à Buc (c’est glauque !), un blanc-bec acnéique qui faisait le coq en mangeant des tucs, Malek avec son look d’archiduc, un flic de la Bac (stoïque et sans matraque) rencontré sur Facebook et venu avec Mick, un eunuque woke (le hic, c’est suite à un électrochoc : couic ! Depuis il a moins la niaque, le Mick). Y’avait aussi Kodak le Bosniaque et toute sa clique, Patrick du Mozambique (on l’appelle Trique-Papa), Éric, prof de rhétorique foutraque à la fac de Thessalonique, Cadillac, un phobique qui traque les poils blancs de son bouc et Chuck qui fait la collec de gourdes en peau de bique. Quelle bande de cinoques !
C’était dans une bicoque à Bar-le-Duc. Pas paradisiaque, pas bucolique et même craspec voire cradoque, mais on s’en ballec. On a mis un sacré souk.
Véronique voulait parler de la PAC et des BRICS, mais Zach voulait un truc plus électrique, alors Angélique a fait une démo de yoga tantrique (sans froc, sur le clic-clac), mi-lyrique, mi-lubrique et au total bien graphique.
On s’est essayés au zouk, aux chants bibliques et aux hymnes patriotiques ; au début, on avait le trac mais ça s’est fini en danse des phoques sur une zique de Bach – complètement loufoque ! Belle équipe de ploucs. Mon dieu, quelle époque ! Personne n’a le BAC et c’est des sacrés loustics, mais ils sont tous trop chics et tellement chou, conclurent Jean-Luc et Barak en croquant une part de space cake !
Le mot chut ! n’est vraiment pas discret.
Les choses, les choses, les choses ! Bien sûr qu’elles sont irremplaçables, irréfutables, irracontables, irréductibles, indiscutables et indicibles même si vous y tenez, voire ineffables, mais enfin, il faut bien s’y résoudre, les mots toujours auront le dernier mot.
Le poète abrite une absence – là s’y rencontrent en confiance des mots simples et des choses ordinaires.
– Un jeune écrivant, rêvant secrètement de devenir un écrivain assez célèbre : Je ne serai jamais un écrivain.
– Écrivain 1, plutôt vieux mais assez célèbre : Ah ? Mais pourquoi ça ?
– Le jeune écrivant, etc. : Parce que je n’ai pas de style.
– Écrivain 1 : Ah ah ah ! Arghh…
Et il mourut de rire.
– Écrivain 2, plutôt célèbre mais assez vieux : Jeune écrivant, il ne faut pas vous décourager. Continuez d’écrire !
– Le jeune écrivant, etc. : Oui mais je n’ai pas de grandes et belles idées.
– Écrivain 2 : Ah ah ah ! Arghh…
Et il mourut de rire aussi.
– Le jeune écrivant, etc. : Bon, deux de moins.
Le veau est l’avenir de l’homme, me dit ma voisine qui n’a pas sa langue dans sa poche, puis elle ajoute à voix basse mais j’ai très bien entendu, et le porc est son passé. Un peu de considération, répondis-je, ils ne nous ont rien fait.
… mais le calcul assure rarement l’originalité.
La spontanéité est le nom de code du conformisme.
La main qui écrit ne vole rien à la bouche qui parle, elle accueille ses mots et les installe. C’est plus ou moins coquet, plus ou moins confortable. Et la bouche qui parle ne moque pas la main qui écrit, elle sort ses mots et les promène. C’est plus ou moins dépaysant, plus ou moins récréatif.
Et puis, il y a la main qui parle, ça peut être sec et cru, ça peut être délicat ou enflammé. C’est très beau une main qui parle.
(Non, les bouches n’écrivent pas. Jamais.)
Ne sois pas impatient petit homme, demain arrive.
Là, tout de suite, allez savoir pourquoi, alors que les pales du brasseur d’air tournent lentement, je me souviens des bouillottes que mes tantes glissaient au fond de nos lits froids et humides, les soirs d’hiver. Pourquoi ce souvenir, maintenant ? Je devrais peut-être ranger un peu dans mon cerveau, mais par quoi commencer, dans quel ordre ? Peut-être faudrait-il aussi trier ou jeter ? Ou faire le ménage ? Mais vraiment faire le ménage, je veux dire nettoyer ces idées et ces souvenirs ; les passer au vinaigre blanc ou au savon de Marseille. Personne n’en parle jamais et je ne sais pas comment faire.
Des pluies torrentielles
Des appels inquiets
Des vents cycloniques
Des radios qui braillent
Des ciels noirs de bruit
Des enfants nerveux
Des flots déchaînés
Et dans ce vacarme épuisant, le silence des oiseaux qui se taisent et se terrent ou sont déjà partis.
Alors que je me promenais sur le sentier littoral en fin de journée, j’aperçus au loin un homme qui… jouait du parapluie. Je veux dire qu’il tenait son parapluie comme un saxophone et faisait mine d’en jouer. Je trouvais ça amusant mais en m’approchant, je compris qu’il ne faisait pas semblant, le malheureux, il pensait vraiment jouer. Tout à sa musique, il avait la gestuelle et les mimiques d’un saxophoniste, totalement étranger au reste du monde. C’était tout de suite moins amusant. Quelle tristesse, pensai-je, si jeune et déjà l’esprit dérangé. Alors bien sûr, il semblait inoffensif et apaisé, heureux dirais-je même. Enfin quand même, à trente ans à peine… il avait dû rester coincé dans un joli rêve et ne plus jamais revenir parmi nous. En arrivant à son niveau, je fus pris d’une envie de lui témoigner mon amitié et alors que je cherchais un mot ou un geste pour lui faire comprendre que j’étais là, malgré son absence à lui, il ne me vint rien d’autre que l’idée d’esquisser quelques pas de danse sur sa musique de parapluie. Il me sembla qu’il sourit timidement, enfin qu’il appréciait mon geste, mais il est tellement difficile de rentrer dans la tête de ces gens-là. En m’éloignant, je continuai à sautiller en rythme – ce qui ne fut pas très difficile, parce que, par une bizarrerie que je ne m’explique pas, émanaient de son parapluie de vrais sons de saxophone.
Concernant l’affaire Delon, je suis désolé, je n’ai aucun avis sur la question. Il faudrait pour cela que je m’informe, car j’ignore tout du dossier, mais cela ne m’intéresse pas, il y a tant de choses autrement graves à penser. En outre je manque de temps tout occupé que je suis avec l’affaire Jubillar (un nouveau témoin aurait des révélations à faire) et l’affaire Jonathan Daval (qui serait en couple avec un codétenu). À propos, si certains ont des informations récentes sur l’affaire Cauet, je suis preneur.
La langue, je veux dire celle de Rabelais ou Rimbaud, celle de Cervantès ou Gary, de Lao Tseu, de Beckett ou Césaire, la langue donc, est aussi l'outil efficace du grand capital et l'arme insidieuse des pires dictateurs.
C’est fascinant !
J’ai bien vérifié ce soir en passant devant la boutique de ma rue : les mêmes têtes, la même Dodo à la main, les mêmes éclats de voix, la même soif, le même désœuvrement. On annonçait pourtant un remaniement, mais chacun semble avoir gardé son poste.
L'inchangement, c'est maintenant.
Je n’ai pas d’idées
J’en trouverai au marché
Pommes poires prunes… ? Haiku !
Tiquounet n’avait plus grand espoir, il allait l’attendre encore jusqu’au matin, mais quelque chose lui disait qu’il ne reverrait plus jamais sa maman. Il avait déjà assisté à la mort de son papa quelques jours auparavant. Le sort s’acharnait sur sa famille. Pourquoi tant de haine, pensait-il doucement, n’ayant même plus la force de se révolter.
(En effet, sans connaître la vérité, bébé moustique ne revit plus jamais sa mère qui était morte d’épuisement à essayer de se sortir du piège de la moustiquaire. Quant à son père, s'il avait lentement agonisé, c'est parce qu'il avait été copieusement aspergé de N,N-diéthyl-3-méthylbenzamide.)
Penser par soi-même. Ben voyons ! Et pourquoi pas boire par soi-même, sans eau ni Leffe. Et puis, tant qu’on y est, respirer par soi-même, sans oxygène, sans azote et sans dioxyde de carbone !
Ce n’est pas bien, je sais, mais souvent, je n’entends pas tout ce que vous dites parce que j’écoute comment vous le dites. Pire encore – c’est le jour des confessions, en attendant celui des résolutions –, ce que vous dites m’intéresse moins.
Je me demande s’il existe des boudins de mer radicalisés ?