Je n'aime pas les romans dont l'histoire passionnante me fait oublier la langue. J'ai le sentiment de commettre une infidélité.
Je n'aime pas les romans dont l'histoire passionnante me fait oublier la langue. J'ai le sentiment de commettre une infidélité.
La machine aura dépassé l'homme le jour où elle cherchera à se rassurer qu'elle le domine bien.
Celui qui rit, celui qui pense, qui vit en société ou pleure ses morts, l’homme est surtout l’animal qui progresse – le seul. Parfois distrait ou inconstant, souvent bavard et prétentieux, il lui arrive même de stagner, mais incontestablement, si on lisse les courbes, il progresse vers sa perte.
Dans une librairie, je suis tombé par hasard sur un cahier d’écriture. Elles y étaient toutes : les minuscules, les majuscules, les capitales d’imprimerie, les cursives, dont le Q, magnifique et mystérieux.
Je l’ai pris, puis je suis allé au rayon sociologie, j’ai attrapé le premier livre que j’ai trouvé et que je ne lirai pas.
À la caisse, j’ai eu droit à un sourire complice. “Certainement un enseignant à la retraire qui s’ennuie un peu et va apprendre à écrire à sa petite-fille”, a-t-on pensé.
Je suis vite rentré faire quelques lignes. Jubilatoire.
C’est l’histoire d’une mauvaise blague de comptoir qui rêvait d’être une grande tragédie grecque. Un soir, alors qu’elle tournait lamentablement dans un bar à côté d’un théâtre, elle vit entrer un groupe d’acteurs qui venaient de jouer la Médée d’Euripide.
Elle la reconnut immédiatement, sombre et lumineuse à la fois, tel un monstre solaire. Médée, l’ignoble Médée était là ; Médée, sublime, forcément sublime.
Médée se leva, lourde et impitoyable, elle tendit un bras vengeur vers le comptoir et de son regard glaçant perça les âmes et les cœurs de tous. Dans une terreur infernale, elle cria :
– Du coup, je prendrai une saucisse-frites et un demi…
Finalement, la mauvaise blague de comptoir se dit que ce n’était pas si mal d’être une mauvaise blague de comptoir et elle retourna faire rigoler les poivrots encore là.
– D’accord, tu brilles et tu rayonnes, mais je te signale que tu n’es pas le seul, et puis, tu ne réfléchis pas beaucoup, envoya Terre à Soleil, un brin de mauvaise foi.
La rumeur – et que l’on cesse de se défausser sur elle – n’a ni bouche ni oreilles.
Tu peux te retourner si tu veux, mais tu regarderas toujours devant toi. Ta nuque t’échappera inexorablement, occupe-toi plutôt du bout de ton nez.
Je suis très sensible à l’esthétique du code-barre, élégant et romanesque. À l’inverse, le code QR me semble fouillis et puéril.
Si j’étais Dieu, je me demande si je croirais en moi ?
La joie est dispendieuse, inconséquente et féconde comme un printemps.
Tu es moche. D’accord, c’est relatif, le moche, le beau dépendent d’un étalon culturellement situé et daté et varient en fonction de l’environnement socio-économique. D’accord, mais voilà, tu es moche. Eh bien, si un jour quelqu’un venait à te dire “tu es beau” ou “tu es belle”, et ce de façon sincère (ce qui n’est pas simple à vérifier, on pourrait en vouloir à ton c. ou ta CB, mais rien n’est jamais simple), alors tu saurais avec certitude que ce quelqu’un t’aime pour ce que tu es et non pour ton apparence. Voilà bien un avantage fort appréciable par rapport à ceux qui ne sont pas moches.
Le hasard est le cache-misère de l’hypercomplexité.
Si j’étais une perceuse à percussion, je ne m’aimerais pas et je me suiciderais en espérant me réincarner dans une boîte de crayons de couleur.
Distinguons ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas, conseillaient les Stoïciens. Bon, je n’affirme rien, je ne conteste rien, mais je m’interroge, sincèrement. Y aurait-il des choses qui dépendent de nous ? Ne peut-on pas remonter en amont de tout acte, toute décision, toute pensée et trouver des causes qui les motivent mais nous échappent ? Sincèrement, je m’interroge.
Je souris gentiment à cet enfant qui mange sa gaufre au chocolat. Il semble que cela dépende de moi, que je pourrais tout aussi bien l'ignorer ou lui jeter un regard accusateur. Soit. Mais ne serait-ce pas l'envie de croquer un bout de sa gaufre qui active mes zygomatiques (majeurs et mineurs) plutôt que la volonté d'être agréable ?
Manger m’ennuie, lire me fatigue, parler m’agace, écouter m’insupporte, voyager m’assomme… et conjuguer me bassine.
– Si j’étais gaucher, je serais content de ne pas être droitier.
– Mais tu es gaucher !
– Ah oui c'est vrai. Qu’est-ce que je suis content de ne pas être droitier.
Quand je cours, on dirait un peu – on me le dit souvent, mais c’est sans malveillance et je n’ai aucune raison d’en douter même si du dedans, je n’ai pas cette impression – un ours qui imite un canard.
Marcel Mauss nous a appris que marcher, courir, nager, mais aussi pêcher la crevette, planter des choux de Bruxelles ou tenir son téléphone portable sont des gestes culturels qui marquent un désir inconscient d’imiter un modèle prestigieux afin d’appartenir à une communauté.
Je suis sincèrement très heureux d’apprendre que j’imite l’ours, que je tiens effectivement pour un être vivant exemplaire, et désire appartenir à la famille des canards dont j’aime la sage indifférence.
La sagesse, c’est comprendre que l’exotisme est au bout de sa rue. La connaissance du monde, l’expérience des voyages et l’arthrose le confirment.
Difficile que le spéculatif ne vire au spéculaire. La pensée du réel s'arrête souvent à une contemplation du miroir.
Je suis complètement d’accord avec ceux qui cherchent toujours le dissensus, le consensus est foncièrement suspect.
Les deux jambes du pantalon, c’était vraiment une bonne idée ; la braguette pour hommes, là on frôle le génie, mais pourquoi s’être arrêté si tôt et ne pas l’avoir continué jusqu’au dos. Pisser et chier en auraient été simplifiés. À moins qu’il y ait un problème technique qui m’échappe. Ça vaudrait le coup de créer un prototype. Bon, moi je suis retenu par mon écriture littéraire. Dommage !
Jette loin ton regard au-delà de l’ordinaire et ouvre-toi à la vastitude du divers, mais n’oublie pas de nettoyer tes traces.
Le cynisme pour les adolescents, l’épicurisme pour les adultes, le stoïcisme pour les vieux et le babarisme pour le début et la fin.
Mes pieds, les trois banians du front de mer et l’accord du participe passé.