Parfois c’est au forceps que tu vas la chercher, jusqu’au tréfonds de tes viscères, la motivation. Et toujours le canapé te fait de l’œil.
Parfois c’est au forceps que tu vas la chercher, jusqu’au tréfonds de tes viscères, la motivation. Et toujours le canapé te fait de l’œil.
Les grandes philosophies ne se résument pas. Certaines philosophies parviennent à tenir sur un PowerPoint en dix slides, mais les grandes débordent toujours, déroutent, détournent, elles glissent toujours, justement, d’une image à l’autre. Impossibles à chiffrer ou à situer, elles désespèrent les guides, les investisseurs et les points de pouvoir.
Les amateurs de bons crus le savent bien, il faut laisser le vin respirer en carafe avant de le boire. Je fais de même avec les grands poèmes, je laisse ouvert le livre un moment avant de boire, puis je lis à petites gorgées jusqu'à être doucement grisé.
« … La nuit tous les pas se mêlent
Ce qui nous mène est perdu… », Joë Bousquet
Vous allez trouver – et ce sera juste – que mon esprit est affecté d’une vilaine torsion et mon cœur d’une sécheresse désolante, mais voilà – c’est très net – chaque fois que je nous entends, d’une voix émue et hésitante, remercier parents, anges gardiens, sponsors, entraîneurs… la liste est longue… masseurs, cuisiniers, mémé Jeanne décédée, monsieur Lambert retraité et tous les autres sans qui notre victoire aurait été impossible, eh bien je nous entends surtout – ah ça, c’est vraiment très net – hurler notre mérite pour ce magnifique exploit dont la responsabilité nous revient pleinement.
Torsion spirituelle et sécheresse cordiale ; je vous avais prévenu.
Il y a les vivants, les morts et les poètes.
– C’est triste à voir, mais aucun doute, il se tasse et se courbe, regarde, il se ramollit depuis quelque temps.
– Mais de qui parles-tu ?
– De lui là, l’être humain. L’homme, la femme, les jeunes et les vieux. Il y a bien leurs petits qui courent encore et sautent dans tous les sens, mais pour les autres, c’est carrément une mutation morphologique, l’homo erectus a mis bas un homo sedens.
– C’est vrai qu’ils en passent du temps dans leur canapé.
– Et tu sais comment ils appellent ça ? S’avachir !
– Sans blague ! Ils sont vachement drôles ! On va leur apprendre à manger et à dormir debout.
– Cela dit, leur aventure risque de ne plus durer très longtemps, s’il ne se redresse pas, Môssieu Erectus va être victime d’une grosse panne.
– Ah ah ! Tu n’es jamais avare d’une petite vacherie.
Et la Germaine et la Fernande partirent dans une bonne poilade tout en bousant généreusement.
La poésie survivra à la philosophie car elle n’a jamais été en guerre ni en recherche d’alliance avec les religions, les sciences ou les pouvoirs. Sans alliés ni ennemis, sans frontières ni dogmes, la poésie, sans prêtres ni électeurs, elle chante les petites choses et se moque d’avoir raison. Vigile subtil de ce qui nous échappe.
N’attends rien, ni du soleil ni du voisin ni de tes mollets, mais souris s’il te plait, souris la vie.
Pas facile de savoir à quoi pense une bitte, mais je ne suis pas certain qu’en voyant les amarres partir avec le navire, elle les jalouse.
Tel un marieur clandestin, moi l’insomniaque, je mets du jour dans mes nuits et de la nuit dans mes jours. Et ils vont bien ensemble.
Je connais le coup du bateau dans la bouteille, mais je me demande bien comment vous avez fait rentrer monsieur Jean dans cette dame-jeanne.
C’est l’histoire malheureuse d’une brosse à dents secrètement amoureuse d’un rasoir mécanique qui n’avait d’yeux que pour une paire de ciseaux à bouts ronds. La paire de ciseaux à bouts ronds avait déjà son voisin le coupe-ongle, mais de toute façon, elle se suffisait affectivement à elle-même et ne portait aucune attention au rasoir mécanique. Ne supportant pas d’être ainsi ignoré par la paire de ciseaux à bouts ronds, le rasoir mécanique oscillait entre déception et fureur, mais toujours méprisait la brosse à dents avec dureté et constance.
Une nuit d’automne humide et ratée, un cri de bipède à poils déchira l’ennui et la frustration du peuple de la salle de bains.
Une fois l’effroi passé, la brosse à dents se dit que quelque chose de grave avait dû avoir lieu qui allait peut-être réorganiser les rapports de pouvoir et de sentiments sur l’étagère. Elle se dit aussi que peut-être ce cri terrible ferait naître dans l’esprit étroit de l’auteur une idée de chute lumineuse.
À tort.
Le pouvoir commence souvent dans la soumission et se termine toujours dans la domination.
– Suis-je caricatural, ajouta-t-il sur un ton faussement soumis ?
Il y a les naïfs qui s’imaginent savoir ; il y a les imposteurs qui contrefont la naïveté ; il y a les cyniques qui raillent les imposteurs ; il y a les militants qui daubent sur les cyniques ; les (autres) militants qui ferraillent avec les militants ; il y a les paresseux qui vilipendent les militants ; il y a les naïfs qui morigènent les paresseux. Et puis il y a les charpentiers qui n’ont plus assez de bois pour construire l’arche qui sauverait tout ce beau monde du déluge à venir.
À l’origine était le manque, à la fin sera l’excès.
Argh ! ça m’énerve de m’énerver alors que je sais pertinemment que ça ne sert à rien. (Mais le plus énervant encore, c’est qu’on me le dise.)
L’aphorisme, malgré qu’il en ait, est l’open bar de la pensée. Certains, terrassés par la diversité infinie des interprétations, restent secs et ne tentent rien, d’autres, fascinés par l’abondance de lectures possibles, osent tout et n’importe quoi.
– Tu entends le chant de ces galets qui roulent, ils montent, descendent et remontent, accompagnant le jeu infatigable des vagues ? Eh bien – rassure-toi, je sais ce qu’est l’anthropomorphisme, ce n’est qu’une image – je pense qu’ils chantent parce qu’ils sont joyeux d’être ce qu’ils sont.
En entendant cela, le filao glissa à son voisin : comme ils sont perspicaces ces humains ! Et ils partirent dans une bonne poilade en se secouant les branches.
L’homme augmenté, d’où augmente-t-il ? Force, mémoire, intelligence, vitesse… tout croît en effet, mais à l’extérieur de lui. Quant à son pancréas ou sa glotte, à peu de chose près, ils n’augmentent pas et l’on n’observe ni supplément d’âme ni extension de pénis.
On me répond que l’on va bientôt pouvoir internaliser ces augmentations. Sans doute. Où ira alors se loger son intériorité ? Résistera-t-elle plus à l’intérieur encore ou se fondra-t-elle dans cette nouvelle intimité ; s’exilera-t-elle ou disparaîtra-t-elle ?
Les égologues ont de beaux débats en perspective et les homininés, des perspectives imprévisibles.
Ils seraient en train de réfléchir à une OQTeF.
Depuis qu’ils ont migré du Code rural au Code civil, les caribous, saumons, colverts et autres chihuahuas ont trouvé leur bouc émissaire. Nous ! Et ils travailleraient à une Obligation de Quitter la Terre – et Fissa !
C’est injuste et irresponsable. Avec leur cerveau de bulot, ils ont oublié un détail. Qui ouvrira leur boite de pâté ? qui payera trente-cinq euros pour aller les distraire à Thoiry ? qui écrira des Jonathan le Goéland ou des Croc-Blanc ou des Petit ours brun ?
Il n’est jamais trop tard et ne faisons pas dire aux horloges ce qu’elles ne disent pas.
Eh bien je vous le dis tout de go, si vous me croisez aujourd’hui, vous serez chanceux car je suis d’excellente humeur ; la raison en est que je viens d’acheter mon nouvel agenda 2025. J’avais inutilement noté ça sur l’ancien, je n’oublie jamais ce petit rituel annuel qui me ravit.
Une trop grande joie pour un si petit plaisir, allez-vous chicaner. Alors là, je vous arrête tout de suite. L’agenda n’a rien d’un objet ordinaire, il manque d’ailleurs une philosophie de l’agenda. Je lis ici ou là qu’il sert à organiser son temps, permet de le planifier et l’optimiser, il aide à la gestion de notre vie, à la priorisation de nos activités… quelle horreur ! Parle-t-on de la même chose ?
Pour le dire en un mot – mais je développerai cela, c’est déjà noté sur mon nouvel agenda – c’est une puissance ontogénique, bon, ça c’est assez évident, mais de surcroit c’est un antidote réticulaire et poétique. Et bam ! Soit, mais antidote à quoi ? Antidote au poison de l’un et au virus de la substance.
Là je vous sens très impatients de lire la suite, oui mais il faudra attendre un peu. Une ou deux pages.
La recherche de la petite phrase nuit à la sincérité du propos, mais la sincérité du propos donne rarement de grandes phrases.
Sur Facebook, pour définir votre statut, vous avez le choix entre ‘en couple’, ‘célibataire’ ou ‘c’est compliqué’. Bravo les geeks, c’est bien vu. Un mot quand même : ce n’est pas parce que c’est compliqué qu’on ne peut pas expliquer, c’est compliqué parce que l’on ne veut pas comprendre. Par paresse, par lâcheté, par ennui, enfin, ce n’est pas simple…