L’ambition souvent, dans son sillage bruyant, entraîne le mépris du présent.
L’ambition souvent, dans son sillage bruyant, entraîne le mépris du présent.
Certains, allez savoir pourquoi, aiment et pratiquent, à longueur de pages, parfois jusqu’à l’ennui, la phrase fluide ; d’autres vous offrent des textes dangereusement cahoteux et abondamment ponctués comme des chapelets de sens.
Et puis, il y a ceux qui préfèrent la tartiflette.
Problème d’égologie géométrique.
Comment tracer un cercle dont on est le centre, rejoindre la circonférence en empruntant le rayon et prendre la tangente ?
À être tu, l’amour s’émousse quand croit la haine.
Il se raconte que là-haut on parie sur la date d’extinction de l’espèce humaine, non sans un petit plaisir revanchard.
Les gens normaux m’ennuient, les gens sérieux m’indiffèrent, les gens puissants me font fuir.
Je préfère le bruit des galets, roulés par les vagues et ta douce insolence.
La vie est une mauvaise série. Il n’y a qu’une saison, peu de suspens, trop de personnages et la fin est souvent bâclée.
Être soi, c’est ni plus ni moins renoncer à être. Car l’être n’est qu’à devenir autre et à se nier soi-même.
Seulement voilà, un coach qui proposerait « ne soyez pas vous-même » risque fort de devoir se reconvertir.
La frontière est, qui sépare l’absurde du sensé, est assez bien marquée et surveillée. À l’ouest en revanche, l’absurde s’enfonce dans une zone trouble dans laquelle nos connaissances et compétences deviennent inefficaces, voire contre-productives. Aucune signalisation, les rivières peuvent remonter à la source, les craies et les tableaux entamer une conversation, les guides eux-mêmes s’y perdent ; mais – à part la règle de l’accord du participe passé des verbes essentiellement pronominaux qui reste tyrannique (et je m’étonne que les Talibans, les Femen ou les Gilets jaunes n’agissent pas) – on y fait un peu ce que l’on veut.
– Bonjour, vous faites quoi, vous ?
– Moi, j’efface. Et vous ?
– Moi, j’écris.
Craie hésitait, elle avait trouvé le n°1 (Tableau, ou quelque chose comme ça) vraiment intéressant. Le n°3, Effaceur, lui plaisait aussi.
Il était écrit dans le règlement que l’on ne pouvait choisir qu’un seul partenaire. C’était vraiment stupide car ils auraient sans doute formé un beau trio. Elle nota donc sur la main de Tableau : « le n°2 donne rendez-vous au n°1 ET au n°3 au fond du parking ». Ce qu’Effaceur s’empressa d’effacer.
À ce jour, Craie vit toujours dans une boite avec neuf cousines. Sans vouloir médire, elles ne sont plus de la première jeunesse.
Voilà que j’apprends que des robots enregistrent, stockent et analysent nos conversations téléphoniques. C’est terrible et très dangereux. Ils vont vite s’apercevoir que 98% de nos conversations sont ineptes (le reste étant inaudible), vont décomplexer quant à une éventuelle infériorité et finir par prendre le pouvoir.
Se tenir au seuil du sens, là où l’étrangeté nous est malgré tout familière.
J’aime ces lieux stratégiques où l’on est suffisamment dedans pour s’entendre mais suffisamment dehors pour pouvoir partir à tout moment.
Que ne se tient-on à croquer l’herbe fraîche au lieu de ruminer de vieux restes fielleux ou de stocker de la paille sans vie pour des rendez-vous incertains !
La vie est une succession de ruptures. Le néant est l’autre nom du continu.
Figurez-vous qu’hier soir, alors que je relisais le paragraphe 82 de Sein und Zeit (j’aime vérifier régulièrement que le temps n’érode pas mon incompréhension totale de certains grands textes), fit soudain irruption dans mon esprit, sans que je m’en explique encore la raison, le mot écouvillon.
Écouvillon, répétai-je à voix haute. Je pensai alors, le mot tombe lentement en désuétude pour être remplacé par goupillon, notamment par les jeunes parents (- chéri, as-tu vu le goupillon ? – oui mon cœur, je l’ai mis dans le lave-vaisselle, il sentait trop fort), je décidai donc de lui consacrer quelques lignes, écouvillon, pour le donner à voir et à entendre un peu encore. Non qu’il soit particulièrement beau ou sonore (il y a dans l’écouvillon des écrouelles, du vil et du couillon), mais enfin tout de même, les mots sont irremplaçables, et un de moins, c’est un bout de monde qui disparaît.
Bien sûr, certains diront, oui mais alors pourquoi deux mots pour une seule chose. Certes, et pourquoi trente noms pour une lessive ?
La littérature apprend peu et ne donne aucune maîtrise ; on comprend que certains s’en détournent. D’autres la tiennent en haute estime pour ces mêmes raisons.
L’ombre feutre les voix.
Quelle honte ! Lors d’un de ces spectacles immondes où d'anciens ministres de l’intérieur (encore dans la force de l’âge) sont livrés à la sauvagerie perverse de vaches cornues, on a vu dans le public, et au premier rang s'il vous plait, deux gros taureaux bien connus dans la région.
On dit qu’en vieillissant, on dort moins. Il va pourtant falloir s’habituer.
Pas encore certain que l’on y parvienne, mais on aura assurément battu tous les records de vitesse si l’on arrive à tout détruire.
Il faut, pour parler, renoncer à téter.
Si tu veux durer – sans être honteux, le projet manque pourtant d’ambition – donne ce que tu n’as pas et ne donne pas ce que tu as.
Sommes-nous trop nombreux ; je ne sais ? Trop bavards, pour sûr !
– Pierre (affligé) : Dis donc, tu as vu ça ! Ils ont transformé une église en boîte de nuit. Qu’est-ce qu’on fait ?
– Dieu (cherchant la télécommande) : Ah non Pierre, on a dit qu’on ne parlait pas boulot le dimanche.
– Pierre (consterné ; in petto) : En plus, c’est toujours lui qui choisit la chaîne.
Il faut être habile pour écrire un roman ; il faut être intelligent pour écrire un essai. Pour écrire un poème, il faut être poète.