26 février 2011
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− « Ne mets pas une brosse à dents sous ta mousse à raser » me dit Robert Lin Tsi, doctement quoique la bouche pleine.
− « Soit ! Chaque chose a sa place et chaque objet sa fonction » lui répondis-je, tout en pensant que son dit du jour manquait d’éclat sans être obscur pourtant.
− « Pas du tout, cesse de penser le monde comme un bureau de notaire : tu n’es pas obligé de courir vite, mais ne garde pas le témoin ».
Je notai tout scrupuleusement et ajoutai dans la marge : penser à essayer de comprendre.
27 novembre 2010
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« Sois un bon vendeur, oublie l’inventaire de ton stock et l’aménagement de ta vitrine », me dit Robert Lin Tsi, alors que nous passions le 32 de la rue de Rennes.
Cela n’alla pas sans m’intriguer pour ce que, depuis toujours et sans réciproque pourtant, le commerce m’avait en horreur. Comme je m’essayais vainement à transposer son dit dans mon univers
existentialo-professionnel, il ajouta, achevant de m’enténébrer : « le ticket de caisse n’est pas un sujet de rédaction ».
28 octobre 2010
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− « Il n’y a pas de hors-jeu dans les vestiaires », me dit Robert Lin Tsi qui pourtant n’a jamais pratiqué d’autres sports que la pétanque et la course de vitesse d’ouverture
d’huîtres.
− « Tu veux dire que tous les coups y sont permis, à l’abri des caméras, des spectateurs et des sponsors ; quand l’arbitre dort, les souris d… ».
− « Non, m’interrompt-il, peu sensible à mon inventif détournement métaphorique, il n’y a pas de douche sur le terrain ».
26 septembre 2010
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− « Les mots sont une prison et la grammaire, sa geôlière » me glissa Robert Lin Tsi, en ce dimanche bruineux de grande marée, persistant à vouloir cueillir des palourdes, alors
qu’il n’y avait même plus de moules.
− « Ça je le comprends bien, un aphorisme sec et bien troussé vaut toujours mieux qu’un discours gras et nerveux », lui répondis-je, piégeant ingénieusement un stupide couteau
d’une généreuse pincée de sel (couteau que j’aime préparer en aumônière avec son beurre de karité, après une cuisson longue et à feu très doux).
− « Négatif, rectifia-t-il, les points de suspension ne valent pas mieux que les attributs du sujet. Cuis et ne cuis pas à la fois, si tu le peux, et fais tourner la substance ».
Parlait-il du sel ? Je ne saurais le dire.
18 août 2010
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02:11
− « N’oublie pas, après les plus vives de tes indignations, de toujours vérifier tes lacets », me dit Robert Lin Tsi, fouissant son nez avec application.
− Je commençais à bien comprendre sa dialectique du mou et du dur, du fade et de l’épicé. « Évidemment, complétai-je, initié et avisé, colère maîtrisée et souplesse monolithique, je
vois très… ».
− « … mal. Colère sans lacets, chaussures sans haine : renonce à couper le bout et innerve-toi. Parmi ».
− « … ! pourquoi fallait-il toujours qu’il finisse par m’énerver aussi beaucoup. »
31 juillet 2010
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02:55
« Assis ou debout, pour pisser il te faut choisir. Chier du moins les indécis n’embarrasse », asserta Robert Lin Tsi au moment de lancer sa boule.
Infidèle à son habitude, il me livrait là une leçon claire et définitive. « ça c’est vrai RLT, confirmai-je, choisir, c’est bien résorber la contingence et provisionner l’aléa ».
Surpris moi-même par l’insondable beauté de mon dit je poursuivai « téléologiquement parl… ».
« Non, m’interrompit-il inexorablement, choisir, c’est inventer son cloaque, pas le désodoriser ».
Vexé et/ou ébahi, je jetai le cochonnet dans les fourrés.
30 juin 2010
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« L’avoine n’est pas l’avoine. Invente ta place quand le parking est plein », me dit Robert Lin Tsi, d’autant plus énigmatique qu’il était définitivement infoutu de réussir un créneau.
Satisfaisant ma demande de supplément d’informations il ajouta, « le train a bien tort de ne pas regarder les vaches le regarder passer ».
Peut-être vit-il passer, dans mon regard à moi, un vif désespoir patiné d’agacement.
« … » ne poursuivit-il pas.
31 mai 2010
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02:44
− « Ne fais pas l’âne si tu es une dinde », me lança Robert Lin Tsi, illustrant son dit d’un sinistre braiement. Puis, cherchant généreusement à soulager la douloureuse ignorance
inquiète qui m’envahissait, il poursuivit : « Pâté d’âne ou cochon d’Inde, accorde ton participe ».
− « Mais encore ? » l’interrogeai-je, de retour de mon insistante perplexité.
− « Oui », me répondit-il, tendant son verre.
20 avril 2010
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09:27
« Qui morve en juillet crève en solo » me dit Robert Lin Tsi, sans mollesse, mais sans emphase. N’étant pas habitué au style tragique je cherchais à décoder la blague et
l’invitais à m’y aider. « N’hésite pas à jouer ta vie à la tique, plus tard tu mourras », m'aida-t-il..
J’avais oublié les règles du jeu de billes et n’avais encore rien prévu pour ma mort, je n’étais pas bien sûr de comprendre le dit de RLT, pourtant je le quittai en sifflotant, léger comme un
printemps, beau comme un calot.
20 mars 2010
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03:30
« On n’efface pas les âmes avec du typex », lança Robert Lin Tsi, ex cathedra, quoique quiet dans ses espadrilles.
Tout à ma joie − une fois n’était coutume − de le comprendre, je lui enjoignais de poursuivre.
« Poursuis, RLT », lui enjoignis-je.
« La trace est aveugle et sourde et muette mais elle ne sera pas seule le soir de la Sainte-Blanche », poursuivit-il, visionnaire, tout en délogeant un petit caillou coincé dans la
semelle de son espadrille droite.
« Oui je sais, comprendre n’est pas comprendre, mais, à l’inverse, ne pas comprendre n’est pas comprendre », conclus-je dépité.
6 novembre 2009
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Ne chie pas sur du béton, c’est mauvais pour les tympans, me dit Robert Lin Tsi, la main droite farfouillant dans la poche droite de son improbable pantalon fuchsia.
Puis, alerté par mon froncement de sourcils, il mima de la main gauche, souriant et libéré, la mort du cygne.
Enfin, s’abonnant à une prolixité inordinaire, il continua, « lâche et laisse et danse ».
26 octobre 2009
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03:11
« Méfie-toi de ton agenda, c’est un voleur de temps », me mit en garde Robert Lin Tsi.
Et pour satisfaire ma demande de complément d’information il ajouta, « si tu ne peux mesurer en pas, mesure en pieds ». Il attendit ensuite que son sucre fonde.
2 juillet 2009
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02:10
« Préfère être en avance sur le dernier qu'en retard sur le premier », me dit Robert Lin Tsi, admirant les volutes anarchiques de son cigarillo de contrebande.
Et, en herméneute averti de sa propre œuvre, il ajouta : « Dieu est mort de solitude ».
25 mai 2009
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02:23
« Tu peux, si tu le veux vraiment, empêcher la montagne de grandir et le ciel de tomber. Mais ne t'aventure pas, me confie doctement Robert Lin Tsi, à contenir un éternuement ».
Et d'ajouter, dans un excipit très pascalien : « Le grand n'est pas le grand, le petit n'est pas le petit ».
18 mai 2009
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02:05
Les scoubidous à un fil et une couleur ne sont pas moins solides, moins jolis, moins fermes, moins variés ; ils ne sont pas des scoubidous », lança Robert Lin Tsi, la bouche encore à
moitié pleine de maroilles crémeux.
Puis, s'autoglosant, après une rapide déglutition, il ajouta sans appel : « 1 + 2 = 3 ».
8 mai 2009
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12:28
« Ne jette pas la porte avec l'eau de la clé », me dit, sibyllin, Robert Lin Tsi.
Et, sur le ton de la confidence, il ajouta, « avant d'avoir été alter-écolo, et après avoir été krypto-mao, j'ai été serrurier ».
4 mars 2009
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03:51
« Qui chie mou ne peut nicher », affirme Robert Lin Tsi, sédentaire militant et localiste altérophile. Et, dans une envolée sublime dont il a le secret, il poursuit, « à trop
fermer sa porte on s'explose le colon ».
« Habite et n'habite pas ta maison » disait déjà René Char, avec beaucoup moins d'élégance.
31 janvier 2009
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03:47
Qui héberge des pachydermes doit ouvrir grand sa porte, me dit, énigmatique, Robert Lin Tsi, qui, pour faire plus oriental et mystérieux, tentait vainement de plisser les yeux, qu’il avait ronds
et rieurs, et de lisser une barbichette virtuelle, qui de toute façon aurait détonné avec son piercing ostentatoire, militant et revendicatif.
Ressers-moi garçon, continua-t-il, de plus en plus obscur.