La photo la plus objective est nourrie de souvenirs et de rêves qui se logent discrètement dans le doigt qui appuie et l’œil qui cadre… sans parler du travail du regardeur. L’objectif de l’appareil n’y peut rien.
La photo la plus objective est nourrie de souvenirs et de rêves qui se logent discrètement dans le doigt qui appuie et l’œil qui cadre… sans parler du travail du regardeur. L’objectif de l’appareil n’y peut rien.
Vise une étoile, mais pousse des racines d’abord.
L’originalité est une niche.
C’est curieux ce mot qui me vient à l’esprit à l’instant, sans que je sache pourquoi ; je me demande bien quand et où je l’ai entendu pour la dernière fois. Paletot. Paletot. J’ai l’impression d’un très vieux copain, paletot, pas vu depuis plus de cinquante ans, paletot, paletot, qui réapparaît soudainement.
Salut, c’est moi, Paletot. Eh bien salut Paletot, je suis ravi de te revoir, vraiment.
(Si, si, je suis ravi de le revoir, mais dis donc, il a pris un sacré coup de vieux.)
On ne dit pas quoi, on dit pourquoi.
– En fait, je suis bipolaire.
– N’importe quoi.
– Si, si, mais ça ne se voit pas parce que je n’ai eu que deux phases. J’ai été hyperactif les six premiers jours et depuis, mon bon Pierre, je déprime, se lamenta Dieu, mais tu vas voir, je termine ce truc et je vais retrouver des couleurs.
Écrire, pour compenser le déterminisme des artères par la liberté du stylo.
On aime bien porter les mêmes sapes ou écouter les mêmes sons, du coup on aime aussi parler comme les autres, ça fait sens et rend fort, on est de la même team.
Allez, juste pour finir en mode tête de mule, un peu du flow de Saint-John Perse qui va bien :
« Et la vésication de l’âme, sur sa langue, comme une intempérie,
Le goût poreux de l’âme, sur sa langue, comme une piastre d’argile… »
OK, je sors.
Quel est le petit malin qui a séparé perception, imagination et mémoire ? Comme trois fils entremêlés, elles trament le monde.
– Dis-moi Poupoule, tu as déjà fait l’amour ?
– Arrête tout de suite Œuf, on ne pose pas des questions comme ça. Et cesse de m’appeler Poupoule.
– D’accord Poule, mais comment je vais savoir, moi, comment on fait et si c’est bien, et tout et tout.
– Ça ne s’apprend pas ces choses-là, Œuf, ça se fait et on n’en parle pas.
– Pff, tout juste bonne à caqueter, tu dois être nulle en amour…
– Et toi, même pas encore formé…
– Hé bonjour les experts ! Toujours à débattre ! Et quel sujet, s’enthousiasma Panda ! L’amour, ah ! l’amour…
– Et bien sûr, comme d’habitude, Docteur Panda a une théorie sur la question, piqua Poule.
– En fait, moi la théorie, c’est pas ce qui m’intéresse le plus, surpiqua Œuf.
– Des théories, évidemment il y en a, et des discours, des formules, des théorèmes aussi, et même des équations, mais l’amour n’a rien à voir avec le vrai…
– Exact, on se trompe souvent en amour, railla Œuf.
– Faux, l’amour vrai est vraiment vrai, dérailla Poule.
– … peut-être est-ce ce qui réconcilie les sens et le sens, l’amour, le corps et les mots, le simple et le sublime, le dedans et le dehors…
– Ah oui, dedans dehors dedans dehors dedans, ricana Œuf.
– Je ne veux pas en entendre plus, cana Poule.
– … je crois surtout qu’il ne faut jamais céder sur l’amour, je veux dire toujours aimer aimer, alors la vie restera vivante, l’existence continuera d’exister et la couleur résistera à la ténèbre…
– Et nous on n’a rien compris, tiqua Poule
– En plus, ça va pas m’aider à trouver la meilleure position, critiqua Œuf.
– … l’amour, c’est le réveil d’un monde toujours guetté par le sommeil, vous voyez…
– Oui ben quand on a envie de dormir, il ne faut pas se retenir, devisa Poule.
– Dormir ou plutôt coucher, révisa Œuf.
Trouve ton port d’abord, alors seulement tu pourras embarquer.
Les questions convoquent la pensée ; les problèmes la provoquent – et elle aime.
Localiser son ennemi c’est bien, notait Sun Tzu dans son Art de la guerre, mais il faut aussi le connaître, il en est de plus pervers que d’autres. Et s’il apparaît que c’est un pied de guéridon, alors, sans totalement baisser la garde, modère ta réplique.
– Je suis nul, je suis vain, je suis sot.
– !
– Ce que je fais est sans effets, ce que je dis est sans crédit.
– Non mais qu’est-ce que tu…
– J’ignore tout du bien et le beau m’échappe.
– Tu exagères, c’est tout le contraire, tu…
– Mes succès sont des échecs et mes échecs, aussi.
– Alors là non, je ne te laisserai pas dire ça, tu…
– Je me sens libre quand je suis enchaîné, je me crois drôle quand je suis ennuyeux.
– Mais pas du tout, tu me fais souvent beaucoup rire, tu…
– Non mais tu ne vas pas arrêter de m’interrompre, Pierre, je suis en train de leur inventer une prière, s’énerva Dieu.
Je ne supporte pas les références philosophiques. C’est mon côté nietzschéen.
Le marionnettiste avait perdu ses marionnettes les unes après les autres, puis les fils avaient fini par tomber aussi. Sans aucun doute possible, il constatait depuis peu la disparition progressive de ses mains.
Allez savoir pourquoi, là, tout de suite, je me souviens de ma boîte à bons points, souvent pleine je dois dire, sans forfanterie. Je préférais garder mes bons points plutôt que de les échanger contre des images.
En revanche, impossible de savoir ce que j’ai fait mardi dernier.
Ma mémoire est joueuse. Moi aussi.
Il doit y avoir une bonne part d’invention dans la compréhension. Le cas contraire indique que ce qu'il faut comprendre est plat ou que celui qui comprend est creux.
(Disons au moins 66 %)
La guerre démolit ; la paix amollit.
– Gros Loulou : Pfff, il n’y a vraiment rien à faire ici, en plus je suis tout seul.
– Monsieur Lhodeur : Désolé, mais tu n’es pas seul, Gros Loulou.
– Gros Loulou : Non mais vous c’est pas pareil, Monsieur l’Auteur, vous comptez pas vraiment. Autrement, je préfère mon vrai nom, Gros Lulu.
– Monsieur Lhodeur : Pardon mais c’est écrit Gros Loulou, et moi c’est Lhodeur.
– Gros Loulou : L’odeur de quoi ?
– Monsieur Lhodeur : Non, L H O D. Monsieur Lhodeur.
– Gros Loulou : C’est vrai ça. On a changé de nom. Mais alors, on est des autres !
– M. L. : Calme-toi. On est les mêmes, c’est juste que l’auteur s’amuse. Et moi, je suis mort de rire. C’est un grand comique, l’auteur.
– G. L. : Bof, c’est pas très drôle. Au fait, il paraît que dans la vraie vie, les personnes elles peuvent avoir plusieurs personnalités. Alors peut-être que Gros Lulu il est un peu bête mais que Gros Loulou il est super intelligent, beau, gentil, riche et… intelligent vraiment.
– M. L. : Je vois, une version de Docteur Lu et Mister Lou. Si tu veux mon avis, bien que je ne sois pas l’auteur, je pense qu’il manque quelque chose à la règle des trois unités, tu comprends.
– G. L. : Non.
– M. L. : Mais si, l’unité de personnalité. Tu peux grandir, évoluer, dégénérer, mourir même, mais il doit y avoir du même qui traverse cette déambulation existentielle, autrement tu perds ton lecteur qui va voir ailleurs et a bien raison. Tu suis ?
– G. L. : Non. Toute façon, des lecteurs qui s’intéressent à Gros Lulu, il…
– M. L. : Les mauvais auteurs, ils s’emmêlent les pinceaux et leurs personnages souffrent tous du trouble de la personnalité multiple ; les bons auteurs, ce sont les paresseux qui ont compris qu’il faut déléguer, tu vois, laisser les personnages grandir à leur guise. Là, ils la tiennent leur unité de personnalité. Oui ?
– G. L. : Hein ?
(L’auteur du blog, très occupé mais qui écoute quand même : « Unité de personnalité », « déambulation existentielle », non mais pour qui il se prend ce Lhoteur. Il va peut-être m’apprendre mon métier. Je vais te lui coller un Alzheimer précoce et fulgurant et il va le chercher son même qui le traverse !)
La médisance, c’est la vantardise déguisée des planqués.
Et si on arrêtait de tout noter !
– Salut Poulette, ça boum, lança gaiement Œuf ?
– Arrête de m’appeler comme ça ou je t’appelle Neuneuf, râla Poule.
– OK ma poule, calmos. Dis, je me demandais, tu penses qu’on est célèbres ?
– Célèbre pour ta bêtise, oui, dans tout le poulailler. Et aussi, je ne suis pas ta poule.
– D’accord. Mais tu ne réponds pas. Est-ce qu’on est célèbres ? Est-ce que quelque part quelqu’un parle de Œuf et Poule ? Dans des livres ou dans des conférences ou dans la radio…
– J’espère que non, grognonna Poule.
– Mais est-ce qu’on peut être célèbre sans le savoir, insista Œuf ?
– Demande à ton oncle Mimosa, pignouf à coquilles.
– Méchante ! D’abord, Mimosa il est bien moins célèbre que ta cousine, la poule de Monsieur Seguin…
– Hé bonjour les copains, intervint Panda, j’adore vos débats. C’est une drôle de question ça, qui est célèbre ? qu’est-ce que la célébrité ? que doit-on célébrer ?
– … oh le nul, c’était une chèvre…
– Alors bien sûr, c’est très tendance de taper sur l’ego, mais c’est toujours un autre ego qui tape ; combat d’egos, combat d’ergots, rigola Panda.
– … ouais ben, il avait aussi une poule, Monsieur Seguin, en plus, lui, il est vraiment célèbre…
– Ce qui me semble plus important, c’est de ne jamais cesser de célébrer. Oui célébrer.
– … ce que je sais c’est que le loup, il a mangé la chèvre pas la poule…
– Célébrer, continua Panda, c’est chanter le bleu du ciel et le blanc des naissances, c’est louer l’enfant qui rit et fêter la pluie qui vient.
– … normal, c’est dégueu une poule, avec toutes les plumes partout…
– Célébrer, c’est choisir les plus beaux mots pour les offrir aux abeilles, au marchand de savon et aux plages de galets.
– … et une omelette baveuse, c’est encore plus dégoutant, je te ferai dire…
– Célébrer, c’est poser l’ombre de la parole sur l’éclat de l’être, enfin, quelque chose comme ça, et ça n’a rien à voir avec la célébrité. Tu as raison Poule, c’est dégoûtant la célébrité.
– !?, gloussa Poule.
– ?!, glosa Œuf.
Parler, c’est imposer ; se taire, c’est capituler. Le dialogue est si rare.
– Gros Lulu : Qu’est-ce que j’peux faire ? J’sais pas quoi faire. Monsieur l’Auteur, j’aimerais bien qu’il m’arrive quelque chose, c’est trop tranquille ici.
– Monsieur Lhoteur : Quelle génération de personnages ! Toujours malcontents, incapables de séjourner dans la présence.
– G L : Moi je ne demande pas grand-chose, mais quand même, un peu d’action. Tiens par exemple, j’aimerais voyager. Vous pouvez faire ça puisque c’est vous l’auteur.
– M. L. : Non, moi c’est Lhoteur, cela étant, vu ce que l’auteur nous donne à dire, n’importe qui pourrait faire le job. Allez, si tu veux, je te fais voyager.
Ce neuf août au matin, l’esprit clair, le pied alerte et le regard aiguisé, Gros Lulu décida de rejoindre la tour de Belém en trottinette électrique. Il partit de la place du Commerce et longea le Tage. Lisbonne était sa destination favorite et il y séjournait plusieurs semaines tous les ans pour deux bonnes raisons : Pessoa, son auteur préféré, et les pastéis, doucement sucrés.
– M. L. : Alors ?
– G. L. : Mais c’est nul ce voyage, j’ai pas bougé, je suis toujours coincé dans ce blog. En plus je ne sais pas qui c’est Pessoa et je ne dois pas manger trop de sucre, dommage.
– M. L. : Qu’est-ce que je disais, la génération des râleurs incultes et dénués d’imagination. Évidemment, le « voyage immobile », ça ne te dit rien et « l’intranquillité » non plus.
– G. L. : Non. Et les pastéis, ça a goût de quoi ?
(L’auteur, toujours un œil sur ses personnages : Quel cuistre ce Lhoteur, il commence à m’agacer, je vais m’occuper de son cas. Quant à Gros Lulu, quel boulet, je ne vois toujours pas ce que je vais pouvoir faire de lui. C’est ça mon problème, je n’ai pas les personnages que je mérite.)