Ne sois pas impatient petit homme, demain arrive.
Ne sois pas impatient petit homme, demain arrive.
Là, tout de suite, allez savoir pourquoi, alors que les pales du brasseur d’air tournent lentement, je me souviens des bouillottes que mes tantes glissaient au fond de nos lits froids et humides, les soirs d’hiver. Pourquoi ce souvenir, maintenant ? Je devrais peut-être ranger un peu dans mon cerveau, mais par quoi commencer, dans quel ordre ? Peut-être faudrait-il aussi trier ou jeter ? Ou faire le ménage ? Mais vraiment faire le ménage, je veux dire nettoyer ces idées et ces souvenirs ; les passer au vinaigre blanc ou au savon de Marseille. Personne n’en parle jamais et je ne sais pas comment faire.
Des pluies torrentielles
Des appels inquiets
Des vents cycloniques
Des radios qui braillent
Des ciels noirs de bruit
Des enfants nerveux
Des flots déchaînés
Et dans ce vacarme épuisant, le silence des oiseaux qui se taisent et se terrent ou sont déjà partis.
Alors que je me promenais sur le sentier littoral en fin de journée, j’aperçus au loin un homme qui… jouait du parapluie. Je veux dire qu’il tenait son parapluie comme un saxophone et faisait mine d’en jouer. Je trouvais ça amusant mais en m’approchant, je compris qu’il ne faisait pas semblant, le malheureux, il pensait vraiment jouer. Tout à sa musique, il avait la gestuelle et les mimiques d’un saxophoniste, totalement étranger au reste du monde. C’était tout de suite moins amusant. Quelle tristesse, pensai-je, si jeune et déjà l’esprit dérangé. Alors bien sûr, il semblait inoffensif et apaisé, heureux dirais-je même. Enfin quand même, à trente ans à peine… il avait dû rester coincé dans un joli rêve et ne plus jamais revenir parmi nous. En arrivant à son niveau, je fus pris d’une envie de lui témoigner mon amitié et alors que je cherchais un mot ou un geste pour lui faire comprendre que j’étais là, malgré son absence à lui, il ne me vint rien d’autre que l’idée d’esquisser quelques pas de danse sur sa musique de parapluie. Il me sembla qu’il sourit timidement, enfin qu’il appréciait mon geste, mais il est tellement difficile de rentrer dans la tête de ces gens-là. En m’éloignant, je continuai à sautiller en rythme – ce qui ne fut pas très difficile, parce que, par une bizarrerie que je ne m’explique pas, émanaient de son parapluie de vrais sons de saxophone.
Concernant l’affaire Delon, je suis désolé, je n’ai aucun avis sur la question. Il faudrait pour cela que je m’informe, car j’ignore tout du dossier, mais cela ne m’intéresse pas, il y a tant de choses autrement graves à penser. En outre je manque de temps tout occupé que je suis avec l’affaire Jubillar (un nouveau témoin aurait des révélations à faire) et l’affaire Jonathan Daval (qui serait en couple avec un codétenu). À propos, si certains ont des informations récentes sur l’affaire Cauet, je suis preneur.
La langue, je veux dire celle de Rabelais ou Rimbaud, celle de Cervantès ou Gary, de Lao Tseu, de Beckett ou Césaire, la langue donc, est aussi l'outil efficace du grand capital et l'arme insidieuse des pires dictateurs.
C’est fascinant !
J’ai bien vérifié ce soir en passant devant la boutique de ma rue : les mêmes têtes, la même Dodo à la main, les mêmes éclats de voix, la même soif, le même désœuvrement. On annonçait pourtant un remaniement, mais chacun semble avoir gardé son poste.
L'inchangement, c'est maintenant.
Je n’ai pas d’idées
J’en trouverai au marché
Pommes poires prunes… ? Haiku !
Tiquounet n’avait plus grand espoir, il allait l’attendre encore jusqu’au matin, mais quelque chose lui disait qu’il ne reverrait plus jamais sa maman. Il avait déjà assisté à la mort de son papa quelques jours auparavant. Le sort s’acharnait sur sa famille. Pourquoi tant de haine, pensait-il doucement, n’ayant même plus la force de se révolter.
(En effet, sans connaître la vérité, bébé moustique ne revit plus jamais sa mère qui était morte d’épuisement à essayer de se sortir du piège de la moustiquaire. Quant à son père, s'il avait lentement agonisé, c'est parce qu'il avait été copieusement aspergé de N,N-diéthyl-3-méthylbenzamide.)
Penser par soi-même. Ben voyons ! Et pourquoi pas boire par soi-même, sans eau ni Leffe. Et puis, tant qu’on y est, respirer par soi-même, sans oxygène, sans azote et sans dioxyde de carbone !
Ce n’est pas bien, je sais, mais souvent, je n’entends pas tout ce que vous dites parce que j’écoute comment vous le dites. Pire encore – c’est le jour des confessions, en attendant celui des résolutions –, ce que vous dites m’intéresse moins.
Je me demande s’il existe des boudins de mer radicalisés ?
– Et de base, tu es influenceur ou créateur de contenus ?
– Je dirais plutôt producteur de contenants. J’ai toujours eu un faible pour les formes et nous savons tous ce que le fond leur doit, là est l’influence.
– Ah, cool. Et du coup, pour ma question ?
– Le poète : Je bafouille, balbutie, je chuchote ou marmotte. Le vent seul et le temps, et m’entendent et m’attendent. Je cherche des oreilles qui m’aiment et me ressemblent, car les mots du poète ne sonnent qu’à l’écho.
– Le philosophe : Je vois ce que tu veux dire et compatis. La parole est dialogique et intersubjective, c’est logique et objectif. Même bien hydraté, on ne peut discourir dans le désert. Il faut des langues et des cœurs pour accueillir les verbes et renvoyer leurs compléments.
– L’aphoriste : Le sens n’est pas la flèche, pas l’arc ni la cible ; serait-il la bière partagée au club-house ?
– Le conteur : C’est l’histoire d’une marmotte aux oreilles bleues qui habitait le désert de Wadi Rum. Un matin de janvier, alors qu’un vent vicieux outrageait les granits rouges, la marmotte se retrouva nez à nez avec l'arc d'un chasseur de loutres à langue scrotale. “Ami, tenta la malheureuse aux oreilles bleues, tu es transi de froid et totalement déshydraté, aimerais-tu partager avec moi une pinte de bière chaude”. Le bougre armé accepta, il but un verre puis deux puis trois et logiquement reprit son arc, mais à l’envers. Croyant cibler une loutre à langue scrotale, il s’envoya la flèche, bien profond, dans le cœur. Joyeuse et vivante, la marmotte s’enfuit en chantonnant “con con con comme un chasseur, rond rond rond comme un connard”, ce à quoi l’écho répondit (qui comprenait mal la langue marmotte) “concasseur -eur -eur, rondouillard -ar -ar”.
Qu’est-ce qu’il en pense, le Pape, du mariage café chocolat ? (Moi, j'adore)
Ça y est, on connait les cinquante personnalités préférées des Français. Des chanteurs, des footballeurs, des actrices et des acteurs, un astronaute et un jeune politique… Bon, les goûts, les couleurs et les préférences, ça ne se discute pas, mais les gens qui ont voté connaissaient-ils Kevin, le fils de la charcutière Madame Robert, connaissaient-ils Gros Lulu, tellement attachant, ou Monsieur Rodrigo, mon professeur d’espagnol, ou le vieux Félicien Morval ? Ces cinquante personnalités préférées appartiennent au petit monde des gens connus. Il faudrait aussi pouvoir faire le palmarès des cinquante inconnus préférés des Français. Ou peut-être les laisser tranquilles. Oui, ce serait bien aussi.
Ferme ton livre, éteins ton téléphone, laisse ta voiture au garage et va dialoguer avec le vent. Il parle peu, c’est pauvre et assez confus, mais voyons un peu ce que tu as à lui répondre.
– Bonjour. Je vends cinq tranches de foie gras, une bûche entière, des coquilles vides de Saint-Jacques (ça fait des cendriers originaux), des rillettes de thon (enfin, il faut les faire les rillettes, mais il y a une belle tranche de thon), un lot de flutes rincées, une paire de torchons ayant peu servi et quelques pétards.
– Mais qu’est-ce que vous faites sur mon blog ? C’est un blog littéraire de petites formes. Je ne comprends pas…
– Ah pardon, c’est le nom, j’ai dû confondre avec VendezVosRestes.fr.
– Je vous en prie, tout le monde peut se tromper.
– Bon, puisque je suis là, je peux en profiter pour souhaiter la bonne année à Francky, tonton Louis, Mémé, La Crapette (elle se reconnaîtra), les cousins Legros et Marylin du bar La Totoche ?
– Allez-y mais je ne suis pas certain que vos amis fréquentent mon blog.
– Zut alors, mais vous avez des visiteurs quand même ?
– Quelques fidèles oui.
– Ben si vous voulez, je dirai à Mémé de venir faire un tour, elle est forte en mots fléchés, ça peut l’intéresser. Mais ils sont bons autrement, vos restes.
– Ah, il n'y a que du frais, pas de surgelé, pas de réchauffé. Ça peut être frugal, mais c’est rarement indigeste.
– Allez, approche un peu, je brûle pour toi depuis si longtemps.
– Arrête, c’est non, et cesse de me harceler tous les jours, du matin au soir. Ouf ! Heureusement que l’année se termine, protesta Terre.
– M’en fous, je recommencerai l’année prochaine, marmonna Soleil.
Aïe, une caille en kayak
Couac, un yack lui taille le cou
Coucou, raille le haïku
La joie est saine et la santé est joyeuse.
Je me demande s’il existe des pilons empathiques ?
(Et des papillons patauds, ça existe ?)
Après des recherches approfondies, j’ai constaté n’avoir pas une seule fois utilisé les mots vilebrequin, topinambour et staccato cette année, je n’ai pas parlé non plus de la couronne perlée du gland. Je veillerai dorénavant à varier mon vocabulaire et ouvrir mon champ de réflexion.
« Il est admirable cet enthousiasme des spermatozoïdes dans leur course à la fécondation de l’ovule. »
Il est possible aussi, tempérait Papi en regardant le documentaire à la télévision, qu’on ne leur ait pas expliqué la suite de l’histoire.
– Alors, c’était bon hier soir ?
– Tu n’imagines même pas. En entrée, on a mangé le foie malade du vieux René, fondant et parfumé ; après on s’est régalés avec le petit Pierre en méchoui, un délice, il n’était pas encore sevré, ça se sentait bien ; ensuite il y a eu la cervelle des deux jumelles au beurre blanc, Germaine et Yolande, mais là je n’ai pas pu - Germaine quand même !
– Ben ça alors, je te croyais végétarienne ?
– C’est vrai ça, répondit Vache à Cochon, tu as raison, c’est donc pour ça que j’ai mal au ventre. Et elle partit vomir. Beaucoup.