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C'est Peu Dire

  • : Les Restes du Banquet
  • : LA PHRASE DU JOUR. Une "minime" quotidienne, modestement absurde, délibérément aléatoire, conceptuellement festive. Depuis octobre 2007
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  • Philosophe inquiet, poète infidèle, chercheur en écritures. 55° 27' E 20° 53' S

Un Reste À Retrouver

3 mai 2025 6 03 /05 /mai /2025 02:21

Samedi, neuvième jour

The country of the camisards”. RLS progresse pour atteindre ce qu’il appelle “les Cévennes des Cévennes” et “prendre possession d’un nouveau quartier du monde (a new quarter of the world)”, tel “le solide Cortez” (la référence à Hernán le conquistador plaira sûrement à Ludmilla !). On peut diviser ces pages en trois thèmes. 1. Description de paysages. Là, il faut le reconnaître, il est vraiment très doué, l’Écossais ; quand tout le monde (dont moi) dirait “c’est beau quand même !”, lui, il vous balance quatre pages d’adjectifs, des couleurs, des plantes, des odeurs, des sons… 2. Histoire de la région :  les camisards. Je ne suis pas spécialiste en histoire, mais j’ai l’impression qu’il les prend pour des sauvages dérangés qui “écoutent avec dévotion les oracles d’enfants au cerveau malade (listening devoutly to the oracles of brain-sick children)”. Mais ils ne sont pas nés comme ça, une répression d’une violence inouïe (par les catholiques) a transformé leur foi en zèle maladif et barbare. Les persécutés devenaient persécuteurs dans un chaos innommable et des tueries sanglantes, “une guerre de bêtes sauvages (a war of wild beasts)”. Bon, on ne va pas non plus y passer dix pages, ces événements ne sont après tout qu’une “note de bas de page romantique dans l’histoire du monde (a romantic footnote in the history of the world)”. Quelle arrogance ! Les Cévenoles apprécieront. J’ai l’impression que c’est toujours ça l’histoire : un rétablissement héroïque du bien et du juste pour les vainqueurs ; une blessure honteuse qu’on ne peut ni oublier ni raconter pour les vaincus ; un détail pour les étrangers. 3. Anthropologie, une nouvelle race. On a droit à quelques lignes dignes de figurer dans une anthologie de la misogynie. Enfin, après dix jours de disette, sans voir une seule “jolie femme (pretty woman – ça me rappelle quelque chose !)”, le paysage humain change. On a ainsi droit au portrait de Clarisse qui ne le laisse pas indifférent. Elle servait dans l’auberge… les bras et le stylo m’en tombent… “like a performing cow” (Bury traduit par “comme une vache savante”, Bocquet embarrassé par l’adjectif ne le traduit pas et écrit “avec quelque chose de bovin”, moi je saute mon tour. Une vache savante, la Clarisse ? Et mes cornes dans ton derrière, Stevenson ! Et il continue en trouvant bien dommage de voir un si bon modèle laissé à des péquenots d’admirateurs à l’esprit de bouseux. Je n’invente rien, la preuve : “it seemed pitiful to see so good a model left to country admirers and a country way of thought”. Il tape fort, là, mais attendez, ce n’est pas fini. Il conclut en regrettant que la Clarisse, elle n’ait pas le postérieur qui aille avec son minois ! Je vous promets qu’il écrit ça : “her figure was unworthy of her face” (“sa silhouette était indigne de son visage”, dit Bury). Et le bouquet final : “hers was a case for stays”. Bocquet fait semblant de ne pas comprendre et écrit n’importe quoi : “Question secondaire que cela !” ; Bury, fin linguiste et styliste averti, traduit par “elle aurait dû porter un corset”. Et mes sabots dans ta saucisse, Stevenson !

Aujourd’hui, c’est dimanche, mais ici, rien ne ressemble plus à un lundi ou à un mercredi qu’un dimanche. En fait, c’est ça qui me manque, la diversité. Enfin je précise, diversité des choses, diversité des paysages, parce que pour les gens, je suis servi. Quand je regarde dehors, je vois tous les jours le même horizon. Si au moins on avait une grosse tempête pour bousculer un peu ce trait toujours identique et imperturbable. En revanche, quand je sors de la cabine et que je rencontre mes congénères, alors mes repères volent en éclat. Ils sont tellement différents. Avec un premier prix pour Olga, encore différemment différente.

Hier, on est restés tard au mess avec elle et Sam, puis Moby nous a rejoints avec quelques bières. Du vin pour Olga et du Coca pour moi. On a ri, on a pleuré, on a juré (Olga surtout). C’était vraiment une super soirée. Il y a une chose qui se confirme aussi, quand vient mon tour de parler, je n’ai pas grand-chose à raconter, enfin rien qui soit passionnant comme leurs histoires.

Sam a avoué qu’il allait repartir à Séoul chercher Sunny. Il s’est littéralement fait engueuler par Olga. “C’est à un chinese sunset qui tu vas assister” lui a-t-elle dit en éclatant de rire. Sam n’a pas compris ou pas trouvé ça drôle. Moby, en fin diplomate, lui a demandé s’il avait aussi des projets professionnels. Alors Sam, oubliant sa Sino-Coréenne, s’est illuminé et nous a expliqué son nouveau concept.

– J’ai lu un article récemment dans le Korean Time qui soulignait un paradoxe entre la chute du taux de natalité et l’explosion des importations de poussettes. En fait ça parlait du boum de la petconomy. Moby, traduis pour Nov, por favor.

– C’est tout le business qui tourne autour des pets.

– Tu veux dire les chiens et les chats.

– Oui. Et les lapins, les serpents, les capybaras, très en vogue et mêmes les fourmis…

– Donc, reprit Sam, il y a une demande de folie, il y a une offre aussi mais mal structurée et puis surtout, il y a des besoins à inventer ! Donc je suis en train de développer une application qui va organiser tout ça. On est trois sur le projet. Je repasse par Londres, j’y retrouve Oscar qui se réjouit à l’idée de tirer le portrait de gentils toutous, et Alan, son compagnon, qui est expert en intelligence artificielle. Il nous restera à trouver sur place une spécialiste en marketing digital, mais j’ai une piste…

– WTF, Sam, hurla Olga, tu ne vas rec…

–   Ça va, on se calme, je plaisante, rigola Sam. Donc, je continue. Finis les formulaires à remplir, les menus déroulants, les cases à cocher, les mots de passe à oublier. Tu envoies une photo de ton “bébé” et tu dialogues avec une IA. Pour le moment elle s’appelle HodoriX. Tu peux faire une demande précise, du genre un anniversaire pour ton chihuahua, une opération esthétique pour ton lapin (dents et/ou oreilles à refaire), les obsèques de ton hamster… mais tu pourras aussi demander des suggestions à HodoriX. Et dans la seconde, tu reçois des animations avec ton “bébé” en situation, par exemple déguisé, entouré de copains jouant dans un parc d’attractions pour animaux. Tu reçois aussi un devis, normal. Et derrière cette belle vitrine animée, il y aura plein de câbles. C’est ce que l’on est en train d’installer. Il y aura une partie shopping classique, ça c’est facile à faire, nourriture, jouets, matériel. Il y aura une partie soins, là on va copier votre modèle Doctolib qui n’est pas trop mal ficelé, même s’il commence à dater. Le plus compliqué et le plus amusant, ça sera la partie événementiel : un cani-trek au Laos, une retraite cat-yoga au Cambodge… Vous savez quoi, même une descente de rivière au Vietnam avec votre poisson, ça marcherait. On est en train de réfléchir à un sac à dos avec aquarium à l’arrière pour promener Némo ! Là, il ne suffit plus d’être un bon geek, il faut être aussi poète, inventeur d’histoires. Oscar est très bon là-dedans. Vous pigez : du code et du storytelling ! Et du pet love, bien sûr.

J’ai l’impression que Sam va mieux, se dit Nubecito. J’aime bien ce garçon, je trouve qu’il a une belle intelligence. Comment dire ? J’ai remarqué que les humains trop intelligents, parfois, pas toujours, surtout les scientifiques, s’absentent du monde. Je ne sais pas si ça se dit. Ce n’est pas par méchanceté, mais ils oublient le monde et les gens. Je trouve que Sam garde toujours les pieds sur terre et son esprit dans son corps. Enfin, je deviens bien prétentieux à juger comme ça aussi rapidement, alors que je connais peu de scientifiques. C’est peut-être à cause de mon contact prolongé avec les humains, je commence à les imiter. Bref, je l’aime bien, ce Sam. J’espère qu’il sera heureux, mais je pense que oui parce que c’est un inventeur et les inventeurs sont beaux et heureux le plus souvent. Bon allez, j’arrête avec mes généralités, ça devient n’importe quoi. Je vais écouter Olga, elle va peut-être parler de Dacca…

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2 mai 2025 5 02 /05 /mai /2025 02:38

« Le monde s’égare, le monde s’égare, ma dame

Las ! Le monde, non, mais nous nous égarons »

          Jean-René Ponsard

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1 mai 2025 4 01 /05 /mai /2025 02:33

Il vous faudra, jeunes gens, de l’imagination, de l’engagement et de la disponibilité pour vous en sortir. Ça tombe mal, c’est exactement ce que TikTok est en train de vous voler.

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30 avril 2025 3 30 /04 /avril /2025 02:19

Les infos, comme les M&M’s, ne sont pas satiétogènes mais addictogènes. Je cherche un produit de substitution.   

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29 avril 2025 2 29 /04 /avril /2025 02:18

Hier trop rigides, aujourd’hui trop mous. Quel mot pour décrire la posture idéale ?

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28 avril 2025 1 28 /04 /avril /2025 02:00

Samedi, huitième jour

Upper Gévaudan (continued)”. RLS quitte le monastère et reprend joyeusement sa route. Il en a fini avec la première partie de son voyage, finis la pluie, le vent et les paysages désolés, commence la deuxième partie, une descente “into the garden of the world”.  Effectivement, on a droit à un joli chapitre, “a night among the pines”, peut-être mon chapitre préféré, mais le texte anglais est très difficile, alors j’ai inversé – j’avoue – ma méthode. Je lis la traduction d’abord et retourne voir ensuite les mots de Bobby. Bob reprend sa méditation philosophique, c’est plus original cette fois, je trouve. Il compare la nuit dans une maison, sous un toit et la nuit à la belle étoile. Sous un toit, la nuit est “une période morte et monotone (a dead monotonous period)”, alors qu’en plein air, elle est “un léger sommeil vivant (a light and living slumber)” de plus, c’est un secret connu par les bergers et les vieux paysans seulement, vers deux heures du matin, tous ceux qui dorment dehors sont “rappelés à la vie (recalled to life)” par “une caresse délicate de la Nature (a gentle touch of Nature)”. Celui qui dort dehors s’échappe “de la Bastille de la civilisation” et redevient un moment “une brebis du troupeau de la Nature (a sheep of Nature’s flock)”. Bon,le vocabulaire biblique peut agacer, mais c’est vrai qu’en construisant nos murs et nos toits, non seulement on s’est inventé des dangers imaginaires, mais en plus, on a permis que des crimes bien réels soient commis en toute discrétion et souvent en toute impunité. Je m’éloigne peut-être du sujet, mais j’ai lu que la maison était un lieu moins sûr que la rue. Je ne parle pas des accidents domestiques, mais des viols et violences intrafamiliales. La Bête du Gévaudan a sans doute fait moins de victimes que le mari violent ou l’oncle pervers. (OK, là, je me suis perdu, mais après tout, c’est ça aussi le voyage.) Bobby termine son chapitre par un petit passage romantique sur le manque. Lui, le voyageur solitaire, le champion de l’autarcie qui se contente de saucisses et d’un havresac évoque “un manque étrange”. Comme c’est étrange ! “J’aurais voulu une compagne couchée près de moi… silencieuse et immobile, mais toujours à portée de main”. Alors là, la traduction ne me plaît pas du tout, il faudrait la changer. Mais le texte de Bobby ne me plait pas non plus, il faudrait le changer aussi. “A companion to lie near me… ever within touch”. Non et non, Bobby ! Ce sont les choses qu’on peut vouloir disponibles et à portée de main, pas une amoureuse. Quand même ! Louis Bocquet ne s’est pas embarrassé et a tordu un peu le texte (j’aurais fait pareil, pardon Mam !) “… une compagne… dont la main ne cesserait de toucher la mienne”. Le filou ! Bon, l’Écossais finit par se lever, joyeux et enthousiaste, tandis que la lumière inonde tout “d’un esprit de vie et de paix respirante (a spirit of life and of breathing peace)”. Il en rajoute peut-être un peu. Il va jusqu’à laisser quelques pièces sur l’herbe afin de payer cette nuit d’exception !

Il y avait une chose encore dont Brad n’avait pas parlé dans son Journal. La phrase de la compagne qui dort à côté était soulignée sur son livre. Après avoir vérifié attentivement, il avait constaté que ce n’était pas le même stylo qui avait écrit la dédicace et souligné ce passage. Il se demanda alors si ce n’était pas Ludmilla qui avait noté ce passage, comme pour lui envoyer un message. Alors qu’il se laissait aller à une douce rêverie, comme si la mélancolie romantique de Stevenson était contagieuse, il fut interrompu brutalement par Moby qui était accompagné d’Olga. Sans transition, il passa de la lumière sereine et chaleureuse du haut Gévaudan à la misère noire et impitoyable des bidonvilles de Rio.

– Bonjour Nov, Moby m’a déjà beaucoup parlé de toi. Je suis Olga. Mon anglais est imparfait, mais on va se comprendre. Je vais mieux. Moby t’a un peu raconté mon histoire, je crois. Je viens de terminer une mission longue au Brésil, São Paulo, Salvador de Bahia, Rio, enfin le Brésil quoi. Je n’ai rien connu de pire, pourtant j’en ai vu. Même Dacca. À Dacca, il y avait une petite fenêtre d’espoir. Tu connais Dacca ?

– Non, désolé.

– Et voilà, tout le monde connaît Rio, mais personne ne connaît Dacca. C’est pourtant l’une des plus grandes villes du monde. C’est la capitale du Bangladesh. Presque aussi peuplée que Tokyo. Évidemment, tout le monde connaît Tokyo. Et tout le monde veut aller à Tokyo. Mais personne ne va à Dacca. Dacca, c’est plus de vingt-cinq millions d’habitants. Dacca, c’est 70% d’habitants vivant dans des bidonvilles. Je te laisse faire le calcul. Dacca, c’est aussi une des plus fortes densités de la planète. C’est la ville de tous les records. Les gens adorent les records, mais personne ne connaît Dacca. Et personne ne va à Dacca. Remarque, ce n’est pas grave, dans vingt ans, un tiers du pays sera submergé par les eaux. Et là, qu’est-ce que j’apprends, que Trump veut leur imposer des taxes douanières de 37%. Parce qu’ils exportent beaucoup plus qu’ils n’importent des États-Unis. Mais cet homme a une calculette à la place du cœur et un grain de riz à la place du cerveau !

Olga parlait vite et beaucoup, mais avec un curieux accent serbo-brésilien qui rendait son anglais beaucoup plus facile à comprendre que celui de Sam. Et parfois, quand Brad faisait une moue d’incompréhension, Moby se lançait dans une traduction simultanée. Olga avait passé trois semaines au fond du trou après la mort violente de son compagnon, victime d’une balle perdue lors d’un échange de coups de feu entre gangs rivaux. Elle avait compris qu’elle n’aurait pas les ressources pour s’en sortir seule, alors elle avait laissé faire la chimie. Les antidépresseurs, le sommeil et la présence de son ami Moby l’avaient remise sur pieds.

– J’ai passé presque quinze ans au Brésil, c’est là que j’ai rencontré Octavio. Mais je préfère ne pas en parler, tu comprends. Octavio, c’est un de ceux qui ont le plus travaillé sur la réhabilitation des cortiços à Salvador de Bahia. Moi, j’étais plus sur les favelas, São Paulo, Rio, toutes les favelas cariocas. Mais surtout, la favela Rocinha, la plus grande d’Amérique latine, tu dois connaître. Tu as des notions d’architecture et d’urbanisme ?

– Non, pas du tout. Je fais des études de commerce international, mais je n’ai pas non plus de notions très précises de commerce.

– Je vois. Au moins tu es honnête. Les cortiços, ce sont des grandes maisons populaires où vivent plusieurs familles souvent très modestes qui partagent certaines pièces. Et les favelas… ben ce sont des favelas, des bidonvilles comme vous dites en français. Mais je ne peux pas encore en parler, c’est dur de parler de tout ça. Un jour, il faudra que je te raconte la vie là-bas parce qu’on dit tellement de conneries. Tu vis au Mexique, tu dois connaître un peu. Tu as vu La Cité de Dieu, je parie.

– Oui, j’ai vu le film. Et j’ai vu aussi Slumdog Millionaire. Et pour Octavio, ça s’est passé à la favela Rocinha ?

– Peut-être, mais je ne peux pas en parler. En plus je ne veux pas en rajouter sur ce slum déjà tristement célèbre. Ils n’ont pas besoin de moi pour la pub. Tu sais qu’on organise maintenant des favelas tours, de vrais safaris humains. Les favelas sont devenues des destinations touristiques prisées. Tu regarderas le documentaire Dark tourism sur Netflix. Le tourisme morbide. Je ne sais pas comment ça marche dans le cerveau des hommes, sans doute qu’ils aiment se rassurer sur leur condition minable en voyant plus misérable qu’eux. Mais je ne peux pas en parler. Je suis très en colère. On a tué Octavio qui a tellement fait pour le Brésil.

– Et la police a retrouvé les coupables ?

– C’est ça le problème. Qui est responsable ? Qui sont les vrais coupables ? Je vais te dire moi, ce sont les bobos comme toi, à Paris ou Berlin, les hipsters à New York, ceux qui ont la drogue propre et festive, c’est vous qui…

Moby interrompit Olga qui était très agitée et lui parla en portugais.

– Tu as raison Moby, comme d’habitude. Excuse-moi, Nov, bien sûr que tu n’y es pour rien. Je ne peux pas encore en parler maintenant. La question de la responsabilité est complexe. Tu comprends, la drogue, c’est un réseau tentaculaire. Des coupables, on en trouve toujours, s’ils sont encore vivants. Les pistoleiros, tu sais vous les appelez sicarios au Mexique, les tueurs à gages, de pauvres gamins, de plus en plus jeunes qui tuent et s’entretuent pour quelques dollars et qui ont probablement tué Octavio sans le vouloir, mais on oublie toujours à l’autre bout de la chaîne, le consommateur confortablement installé dans sa vie sans danger. Je devrais te parler d’autre chose. Tu sais, Octavio, tous les matins, il se levait avec le sourire et plein d’espoir et tous les soirs, il se couchait avec de nouveaux projets. Combien de cortiços il a réhabilités ? Et combien de familles il a relogées ? Et combien de quartiers il a illuminés ? C’était un bâtisseur humaniste, un magicien qui construisait du bonheur. J’ai du mal à parler de lui, j’ai du mal à parler du Brésil. Plus tard peut-être, je pourrai te raconter. En plus, moi, depuis Dacca, j’ai toujours été plus intéressée par le vide que par le plein, plus par les réseaux que par les structures. Moi, j’ai beaucoup “dé-bâti”.  Moby traduis-lui, s’il te plait, on dirait qu’il ne comprend pas.

– En fait, je comprends les mots, mais je ne comprends pas ce que ça veut dire.

– OK, son. Je t’explique. Tu sais ce que c’est les flying toilets ?

– Olga, il est déjà dix-huit heures, je suis en retard pour le service, en plus tu es nerveusement épuisée. Je te propose un truc. Vous allez vous reposer et on se retrouve au mess pour le dîner.

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27 avril 2025 7 27 /04 /avril /2025 02:22

– La différence d’âge ne te gêne pas ?

– Non, au contraire, je ne m’entends pas avec les outils de mon âge, répondit la ponceuse électrique au rabot, ils ne pensent qu’à la performance et essaient toujours de passer en force.  

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26 avril 2025 6 26 /04 /avril /2025 02:21

Le fond est mou

Qui vous sonnera ?

La nuit s’en va

La vie s’ennuie

C’est déjà ce loir

Les faux se massent

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25 avril 2025 5 25 /04 /avril /2025 02:52

Des amoureux de la nature organisent un lâcher de pétrels de Barau après les avoir recueillis et soignés ; geste salutaire pour cette espèce menacée.

Qui organisera un lâcher d’aphoristes avant leur extinction ?

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24 avril 2025 4 24 /04 /avril /2025 02:04

C’est l’histoire d’un A qui n’avait d’yeux que pour un M.

– Un mot, un jour, nous unira-t-il peut-être, j’en connais plusieurs qui commencent par AM, et pas seulement amanite phalloïde, amibiase ou aménorrhée.

Malheureux A, ignorait-il donc qu’un imprimeur, jamais, ne mélange des lettres de polices différentes ?

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23 avril 2025 3 23 /04 /avril /2025 09:23

Vendredi, septième  jour

Our Lady of the Snows”. RLS reprend la route après avoir modifié son chargement qui ressemble désormais à “a green sausage six feet long with a tuft of blue wool hanging out of either end (une longue saucisse de deux mètres avec une touffe de laine bleue pendant aux deux bouts)”. Je ne me lancerai pas dans une lecture freudienne de la description, mais je note quand même une certaine récurrence de la saucisse. En route, il rencontre le Père Apollinaire (rien à voir avec le poète préféré de Mam, qui n’est pas encore né !), moine trappiste qui lui explique que son vœu de silence ne vaut qu’à l’intérieur du monastère. Il ne dit rien du périmètre de son vœu de chasteté… On a droit alors au portrait des moines et des pensionnaires, c’est déjà plus intéressant que la description des paysages glacials, lugubres et monotones. Ça peut étonner, mais l’athée écossais va éprouver beaucoup plus de sympathie pour les religieux que pour les “retraitants”. Pleins de gentillesse et de tolérance, les moines le surprennent : “freshness of the face and cheerfulness of the mind (fastoche la traduction : Anima Sana In Corpore Sano – comme les chaussures ASICS)”. Au contraire, les deux autres pensionnaires, un curé et un militaire, deviennent “bitter and upright and narrow (acharnés, rigides et étroits”) quand ils découvrent qu’il est un hérétique. Ils se scandalisent de sa mécréance et s’obstinent violemment – et vainement – à le convertir. “The hunt was up (la chasse était lancée)”.

On a droit aussi à un très joli passage, bien misogyne, sur les deux raisons qui divisent les hommes : la présence de femmes et la langue. Quand il y a des femmes, “it is but a touch-and-go association that can be formed among defenceless men (ils ne peuvent construire que des relations peu durables, les hommes sans défense)” ! J'ai lu de travers ou quoi ? Les pauvres hommes, sans défense face à “two sweet eyes and a caressing accent (deux yeux doux et un accent caressant)”, qui sont forcés, bien malgré eux, de se limiter aux coups d’un soir ! Eh, Bobby, tu déconnes là ! Bon, on est en 1878 et MeToo n’est pas encore passé par là. Vivre entre mecs et la fermer, voilà en quoi la vie des moines trappistes est “a model of wisdom (un modèle de sagesse)”. Je sais que les critiques rétrospectives sont faciles, Aristote justifiait l’esclavage il y a deux mille ans, Darwin considérait que la femme était naturellement moins intelligente il y a deux cents ans et Matzneff faisait l’éloge de la pédophilie il y a cinquante ans, mais quand même, c’est choquant ! J’espère qu’à l’époque, j’aurais été du bon côté…

Allez, je vais faire un tour. J’aime de plus en plus écrire dans mon journal et finalement, ça vient plus facilement que je ne croyais, mais malgré tout, au bout d’un moment, il faut que je fasse, comme dit Laurence. Encore que je me demande si écrire c’est vraiment ne rien faire ?  Bon, je vais aller faire un peu de vélo à la salle ; à onze heures j’ai rendez-vous avec Moby pour l’aider à ranger son “épicerie”. Il m’amuse, il me fait penser à Mam qui range régulièrement sa bibliothèque comme si elle se dérangeait toute seule. Est-ce que je mets Montaigne avec les philosophes ou avec les écrivains ? Est-ce que je mets les petits pois avec les flageolets ou avec les haricots verts ? La dernière fois Moby parlait de Dieu, il disait qu’il le gâtait parfois et parfois il l’oubliait. Moi, je ne sais pas si c’est Dieu, le hasard ou une bonne étoile, mais on dirait que quelqu’un n’arrête pas de mettre sur ma route des gens incroyables.

– Salut Moby. Alors, on range les conserves par couleur aujourd’hui ?

– Ah ah, tu te moques, mais je dois toujours savoir à tout moment ce que j’ai, et où. Autrement le patron me remplacera par l’appli de Sam. J’aimerais bien travailler encore quelques années. Mon idéal, mais je ne le dis pas à mes enfants, c’est qu’ils aient tous fini leurs études, trouvé un bon travail et commencé à construire leur famille. Après, si Dieu me donne encore un peu de temps, avec l’aide d’Olga, Esmeralda et moi, on voudrait ouvrir une sorte de centre de formation à Manille. On verra, mais je comprendrais si Dieu m’oublie, il a tellement à faire aujourd’hui avec toute cette pauvreté partout sur la planète. Rien qu’aux Philippines, il a un travail de Titans. Tu as peut-être suivi l’affaire, en ce moment, l’ancien président Duterte est jugé pour crimes contre l’humanité. C’est ma fille Irma qui pourrait t’expliquer ça très bien, elle est avocate maintenant et elle est très engagée dans la lutte pour les droits des femmes et des enfants. Et son grand frère Jethro, c’était son meilleur ami, alors aujourd’hui, c’est son héros. C’est dommage qu’elle ne soit pas là pour tout t’expliquer clairement, moi, ça se mélange un peu dans ma tête. Et puis, ça fait encore très mal. Je te raconte. Donc Digong, c’est-à-dire Rodrigo Duterte est élu président en mai 2016 et là, dès le premier jour, il lance sa guerre sanglante contre la drogue. C’est vrai que nous, on a un problème avec le shabu, c’est le crack du pauvre aux Philippines. Mais lui, il ne se posait pas de questions. Et toutes les nuits, c’était des dizaines de personnes, souvent des jeunes hommes, qui étaient tués par la police ou par des milices parce que, soi-disant, ils étaient dealers ou consommateurs. Quelquefois, il y avait des “ratés”, et c’était des opposants politiques qui y passaient, tu saisis ? Mais il n’y avait jamais d’enquêtes ni de jugements. Et le 31 décembre 2016, Jethro et ses amis faisaient une fête, bien sûr qu’il y avait de l’alcool et de l’herbe qui circulaient. À deux heures du matin, au moins vingt policiers ont débarqué pour une simple vérification, qu’ils disaient. Ils ont dit aussi, après à la télévision, que des drogués criminels avaient commencé à leur lancer des bouteilles et même qu’un coup de feu avait été tiré. À la télévision ils ont montré un impact sur un gilet pare-balles, tu parles d’une preuve. Alors ils ont répliqué. Légitime défense. Et ça a été un carnage. Il y a eu sept morts, une dizaine de blessés et cinq arrestations. Que des jeunes de moins de vingt-cinq ans. Ensuite, la police scientifique est arrivée et ils auraient retrouvé des armes et une grande quantité de drogue sur les morts. Heureusement que la police a agi vite, on a évité une hécatombe, a dit le ministre ! Ça c’était la méthode Duterte. Ça a duré des années. Irma dit qu’il a fait tuer au moins vingt-cinq mille personnes. Il y a un mois à peine, Duterte s’est fait arrêter, à Manille, pour crimes contre l’humanité. Tu sais ce qu’il disait ? “Humanité, mais de quelle humanité parle-t-on, ces drogués ne sont pas des humains”. Tu imagines le personnage ! On va voir ce que le procès va donner. Mais comme rien n’est simple chez nous, sa fille, Sara Duterte est aujourd’hui vice-présidente, donc numéro deux du pouvoir. Enfin, pour le moment, parce que les députés viennent de voter sa destitution. D’abord parce qu’elle aurait piqué dans les caisses de l’État et ensuite, parce que – tiens-toi bien ! – elle a menacé de mort sur les réseaux sociaux, devine qui, le président Marcos, Marcos Junior, le fils du dictateur ! Tu connais Game of Thrones, eh bien c’est du pipi de chat à côté de notre histoire politique. Sauf que chez nous, ce n’est pas un jeu et ça se passe dans la vraie vie. Et ce que je ne comprends pas, c’est que tous ces tyrans, corrompus, des voleurs, des assassins, eh bien, ils sont soutenus par la population. Ils ont tué mon Jethro. Tu te rends compte, il n’avait même pas vingt ans. Je sais que ce n’était pas un ange, il consommait un peu de cannabis pendant les fêtes. Mais tu penses qu’il méritait d’être exécuté sauvagement ? Pourquoi ils l’ont tué ?

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22 avril 2025 2 22 /04 /avril /2025 02:43

Deux poules observaient un match de football.

– Qu’est-ce que c’est crétin, un humain, quand même, dit l’une !

– Alors là détrompe-toi, dit l’autre, des chercheurs ont récemment montré qu’ils sont plus intelligents qu’on ne le croit, ils ont une grande capacité d’imitation et peuvent faire des calculs assez complexes.

– Mouais, encore des chercheurs de l’université d’Harvard, je parie !

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21 avril 2025 1 21 /04 /avril /2025 02:03

Déjà privés du droit de ne pas naître, on ne va pas aussi nous refuser celui de mourir dignement.

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20 avril 2025 7 20 /04 /avril /2025 02:28

On parle beaucoup plus des taxes douanières de Donald Trump que des poèmes de Derek Walcott. C’est dommage.

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19 avril 2025 6 19 /04 /avril /2025 02:25

Depuis l’invention de l’intimité, la littérature sent le moisi.

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18 avril 2025 5 18 /04 /avril /2025 02:03

Ces terres donc seraient rares, soit, mais la Terre, elle, est unique jusqu’à la preuve du contraire.

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17 avril 2025 4 17 /04 /avril /2025 02:08

Jeudi, sixième jour

Perdu dans “le haut Gévaudan”. Direction Le Cheylard. Peu de changement, le décor est toujours désertique et inhospitalier, la météo s’aggrave, il fait froid, il pleut, il grêle, il vente. En plus, Modestine n’avance pas et la nuit tombe. Une nuit noire. Logiquement Bobby se perd et, comme tous les voyageurs perdus, il tourne en rond. Inutile de compter sur l’aide des locaux “little disposed to councel a wayfarer (peu disposés à renseigner un pèlerin), sans parler de deux “impudent sly sluts (je traduirai, sans certitude, par petites garces ou pestes, effrontées et fourbes)” qui se moquent de notre voyageur, lui conseillant de suivre les vaches en lui tirant la langue. Bobby commence à éprouver de la sympathie pour la Bête du Gévaudan (“the Beast”, même nom que la voiture de Trump) parce qu’il aurait mangé une centaine d’enfants ! (Et moi, je commence à éprouver de la sympathie pour l'humour de Stevenson). Bref, perdu entre Fouzilhic et Fouzilhac (en patois cévenol, ça doit vouloir dire, “c’est pas ici” et “c’est pas là”), trempé et gelé, il passe finalement la nuit dans un bois après avoir mangé ses délicieuses saucisses de Bologne en boite accompagnées d’un succulent gâteau au chocolat. Miam miam ! Tu peux être sûr que le Bob, il n’aurait pas réussi l’entretien d’embauche de cuistot chez les Saadé. Heureusement, le lendemain, il tombe sur le gentil du coin qui, malgré son âge et ses rhumatismes, le remet sur le bon chemin. Pour le paysage, ça ne s’arrange pas : “cold, naked, ignoble”. Mais qui peut bien désirer visiter ces lieux, se demande-t-il ? Question rhétorique qui lui permet de balancer son petit couplet philosophique : “I travel not to go anywhere, but to go” qui va inspirer des générations de gourous et autres coachs de vie. En substance, il faut quitter le lit douillet de la civilisation pour sentir les nécessités et les difficultés de la vraie vie, à commencer par les cailloux coupants des chemins. Bref, il faut souffrir pour se sentir vivant. C’est un peu la version soft du film génial Fight Club avec Brad Pitt (“Frappe-moi. Je n’ai pas envie de mourir sans cicatrices”). En trois mots : je sens (mes bleus ou mes ampoules) donc je suis. Enfin, après avoir traversé ce paysage désolé “sorry lanscape”, Bob trouve une auberge. On aurait pu en rester là, mais non, il finit son chapitre par se plaindre à nouveau : transi de froid, il regrette les bois où il aurait pu trouver refuge dans son sac de couchage en peau de mouton. Jamais content !

– Nov, si ça ne t’ennuie pas, je vais t’appeler Nov, je préfère, regarde ce petit cumulus un petit peu à part, on dirait un champignon avec une tête de chat sur un tapis volant. C’est ton Nubecito, j’en suis sûr. Tu sais, Diego, je ne le connais pas, mais je pense que c’est un sacré bonhomme. Les gens, c’est comme les nuages, il y en a beaucoup qui volent ensemble, qui parlent ensemble et qui se ressemblent, et puis il y en a d’autres, moins nombreux, qui sont différents et qui volent un tout petit peu à part. Qui a décidé ça ? Je ne sais pas. Ma femme Esmeralda te dirait que c’est Dieu, moi aussi, je crois un peu que c’est lui. Mes filles, elles te diraient que ce n’est pas lui. Parfois, Dieu, il m’a donné des bonnes cartes, je t’ai raconté et parfois, il a été cruel.

– Tu penses à ton fils Jethro, j’imagine.

– Oui, je te raconterai plus tard, mais viens maintenant, la fête va commencer.

– OK. J’arrive, mais je n’ai pas de cadeau. Au fait, quel âge elle a, Laurence ?

– Elle m’a demandé de ne pas le dire. C’est drôle, vous les Français, vous n’aimez pas vieillir et vous combattez les rides et les cheveux blancs comme des ennemis intérieurs ; c’est une vraie guerre civile. Nous, les Philippins, on triche aussi sur notre âge, mais pour se vieillir : moi je préfère mon âge-passeport à mon âge réel ! Peut-être aussi parce que l’enfance, c’est souvent votre période préférée.

C’était la première fois qu’on passait un peu de temps avec l’équipage, il y avait presque tout le monde sauf le Commandant. Laurence m’a demandé si je ne m’ennuyais pas, je lui ai dit que je lisais et écrivais un peu.

– Moi, je lis peu. Depuis toute petite, il faut que je fasse. Vélo, course à pied, kite surf, ski… Pendant mon travail, les éléments, je ne peux que les regarder ou les entendre, calfeutrée dans notre boite à boites, alors dès que je peux, je fais du outdoor. Et tu lis quoi ?

On en est donc venu à parler du Travel de Stevenson.

– Ah oui le GR 70 dans le Massif central.  Je n’ai pas lu le livre, mais j’ai fait le GR, en mode trail.

Ça veut dire qu’elle a fait les 260 km en courant, en six jours au lieu de douze. Elles étaient quatre femmes très sportives qui couraient à peu près cinq heures par jour et retrouvaient à chaque étape leurs bagages transportés en voiture par l’un des gentils maris. Le grand luxe pour elles, une douche, des vêtements propres, un bon dîner et un lit confortable dans une auberge tous les soirs. Laurence était vive et volubile. Sans que je comprenne pourquoi, elle m’a demandé s’il y avait des sujets qu’elle devait éviter et comme je m’étonnais, elle m’a parlé des discussions avec les autres touristes, le soir, à chaque étape.

– On pouvait évoquer tous les thèmes, métier, vacances, famille, origines, on pouvait parler musique, séries ou politique, tout cela se faisait avec modération et tolérance, mais il y avait un sujet à éviter, car ça dérapait systématiquement, c’était le débat trail vs randonnée, courir ou marcher. C’est drôle comme les sujets de discorde évoluent. Aujourd’hui, tu peux voter RN, tu peux préférer les nuggets à la ratatouille, tu peux dire que tu vas sur les sites de rencontre, et ça ne dérange personne. Il y en a même toujours un pour dire à ce moment-là, avec un air solennel, “qui je suis, moi, pour te juger”. Et puis, le juge, tapi en chacun de nous, réapparait brutalement comme le clown diabolique sur ressort jaillit de sa boite quand tu dis à des randonneurs que tu préfères courir sur les sentiers. Ça, c’est un véritable casus belli.

– Vous ne regardez que vos pieds, vous méprisez la nature, vous bousculez les marcheurs, vous importez le stress urbain sur les chemins de la paix (promis, j'ai entendu ça), vous vous mettez en danger, ça ce n’est pas grave, mais vous mettez aussi en danger les secouristes, vous êtes obsédés par la performance, vous ne rencontrez personne (– Ben si, toi justement, et je m’en serais bien passé, grosse nouille, pour le dire poliment !)…

– Est-ce que tu as besoin de souffrir pour te sentir plus vivante ?

– Non, ça c’est du blabla de pseudo-intellos. Mais, c’est vrai, j’ai besoin de jouer avec mes limites, et sans jamais franchir la frontière, je cherche à me rapprocher de là où ça peut basculer, j’aime aller là où tu ne contrôles pas tout. Mais rassure-toi, sur le GR, on était quatre, dont deux urgentistes, on courait de jour, avec téléphone et GPS, et en plus, on croisait sans arrêt de charmants randonneurs, aucun danger donc. Dans mon métier, je suis hyper concentrée, il n'y a pas de place pour le hasard ou l’intuition, je gère, je calcule, j’anticipe. Je ne dois jamais être surprise. En trail, je pose mon cerveau et je dépose mon égo, si tu vois ce que je veux dire. Il y a quelque chose d’animal qui remonte, une présence à la nature. Enfin, je n’ai pas les mots précis pour dire tout ça. Bon, on aura l’occasion de se revoir avant Le Havre. Merci à tous pour ce gentil moment, Moby, comme d’habitude, tu as été parfait. Allez, le devoir m’appelle…

« Chers tous. Troisième mail. Je n’ai toujours rien reçu de vous. Vous commencez à sérieusement me manquer. J’avance. Mon anglais s’améliore et Stevenson m’amuse. Parfois. Et m’inspire ce petit bric-à-brac poétique :

Il en a sa claque, le Télémaque, de ses bivouacs cradoques

Il rêve d’une Ithaque idyllique avec Médoc at five o’clock

Entre Fouzilhic et Fouzilhac

Il bloque sur sa clique d’alcooliques, ils sont tous braques et débloquent

Il est mélancolique : sa bicoque paradisiaque, son feedback aphrodisiaque,

Son chant du coq bucolique, son époque baroque et sa baraque psychédélique

Entre Fouzilhic et Fouzilhac

Ici c’est n’importe nawak, colique diabolique et morbaques plein le froc,

Maniaques démoniques, flics loufoques et duchnoques foutraques

Il veut faire son comeback dans une république sans couacs ni matraques

Entre Fouzilhic et Fouzilhac

Sinon, toujours beaucoup de mer. Heureusement, pour compenser ce sorry landscape comme dit Bob, je rencontre des gens incroyables. Aujourd’hui, c’était l’anniversaire de la Cheffe mécanicien, Laurence, quarante ans, peut-être un peu plus, une sportive qui a fait le chemin de Stevenson, mais en courant ! La bougie sur le gâteau, c’était un point d’interrogation, une attention délicate de Moby. Et dans quelques jours, je devrais rencontrer Olga la Brésilienne, en fait une slumologue serbe… Voilà. Bisou. Je vous aime. Je n’ai pas changé d’adresse. Nov. »

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16 avril 2025 3 16 /04 /avril /2025 02:42

Les mots sont dociles, jusqu’à un certain point.

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15 avril 2025 2 15 /04 /avril /2025 02:27

Hier, j’ai écrit “demain est déjà là !”. Ça ne mérite pas le prix Nobel de l’intelligence, mais quand même, j’ai eu une bonne intuition.

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14 avril 2025 1 14 /04 /avril /2025 02:08

– C’est lâche et monstrueux ce que vous faites, dit le pêcheur au chasseur, contre vos armes de guerre, ils n’ont aucune chance.

– C’est inhumain et sadique ce que vous faites, répondit le chasseur au pêcheur, vous vous attaquez à des animaux stupides que vous faites souffrir pendant des heures.

Consterné par cet échange et prêt à régler le problème en vingt-quatre heures, Dieu demanda à Pierre :

– Dis donc, ils votent pour moi, eux ?

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13 avril 2025 7 13 /04 /avril /2025 02:05

Wol : Bonejou’, bonejou’ !

Martin : Tu sais, tu as beau essayer de parler français, rentrer le ventre et porter une baguette sous le bras, on voit bien que tu es américain, Wayoflife. Allez, sois patient, peut-être redeviendras-tu séduisant un jour.

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12 avril 2025 6 12 /04 /avril /2025 02:47

Mercredi, matin suivant

I have a goad”. RLS découvre l’efficacité de l’aiguillon sur Modestine. Mais d’abord il découvre les joies de la vie en auberge.  “The stable and kitchen in a suite”, ça j’ai compris sans la traduction parce que, quand je voyageais avec mes parents, on prenait toujours "a suite", nous aussi. Comme ça ils étaient tranquilles dans leur chambre et moi, dans la mienne.  En l’occurrence, c’est Modestine et lui qui partagent la suite, c’est presque pareil. Après, il est vraiment difficile l’Écossais : pas assez de nourriture, vin dégoûtant et alcool, “abominable” (je ne traduis pas). On cuisine, dort, mange et se lave (pour celui qui aurait cette idée farfelue, précise-t-il) dans la même pièce, on peut même y croiser une grosse truie (je n’invente rien). Il y a juste une chambre supplémentaire où s’entassent tous les voyageurs. Encore une chose qui m’agace chez lui, sa condescendance vis-à-vis des paysans :  “these peasantry are rude and forbidding (grossiers et hostiles) on the highway, they show a tincture of kind breeding when you share their hearth” que je traduirai approximativement par “très cons au premier abord, ils sont en fait bien braves quand on les connaît un peu”.  Après ce séjour en Ploucland, il repart. “The road was dead solitary all the way”. Heureusement, pour casser la mortelle monotonie du road trip, un événement menaçant vient tout bousculer : ils se font charger par un joli poulain à cloche qui change d’avis et de direction au dernier moment. Mon Dieu, quelle angoisse ! On a évité une fin anticipée et un livre trop court… Finalement, il trouve encore le moyen de faire le malin en se plaignant de l’absence de loups (un comble au pays du Gévaudan) et de bandits dans cette Europe devenue trop confortable où l’aventure n’est plus possible. Quel kéké !

Aujourd’hui, c’est l’anniversaire du Chef mécanicien, une Cheffe en fait, Laurence. Moby est très pris par l’organisation d’une petite fête surprise. J’en profite pour visiter le salon et la “bibliothèque”. Il y a une dizaine de livres. Je tombe sur Bonjour Tristesse de Françoise Sagan. Normal ! Je lis la première page, « Cet été-là j’avais dix-sept ans et j’étais parfaitement heureuse. Les “autres” étaient mon père et Elsa, sa maîtresse. Il me faut tout de suite expliquer cette situation qui peut paraître fausse. Mon père avait quarante ans, il était veuf depuis quinze ; c’était un homme jeune, plein de vitalité, de possibilités, et, à ma sortie de pension, deux ans plus tôt, je n’avais pas pu ne pas comprendre qu’il vécût avec une femme. J’avais moins vite admis qu’il en changeât tous les six mois ! Mais bientôt sa séduction, cette vie nouvelle et facile, mes dispositions m’y amenèrent. » Mouais, pas mal. J’irai voir le film avec Lily McInerny.

– Hey, salut Brad, tu admires notre bibliothèque. Tu peux prendre ce que tu veux, tu peux aussi faire un don. Tu connais celui-là, j’imagine, Moby-Dick de Melville, le capitaine Achab, la baleine blanche…

– Hein ! Mais alors, c’est de là que vient ton nom ? Je croyais… Oui, je pense que je connais, c’est l’histoire d’un type qui est avalé par une baleine, non ?

– Non, ça c’est Jonas, c’est dans la Bible.

– Zut, je confonds tout ! Melville, Sepúlveda, la Bible, Paul Watson… Mais qu’est-ce qu’ils ont tous aussi avec les baleines. Je croyais que ton prénom venait de Moby, le chanteur américain. En tous les cas, j’adore, c’est bien choisi. Moi aussi j’ai un autre prénom, Nov. C’est mon amie Vera, enfin, Ludmilla, qui me l’a donné et avant encore, je m’appelais Aurélien-Louis.

– J’aime bien Nov. Ça me fait penser à Casanova, supernova et novel en anglais, novio, novedad en espagnol, et Novossibirsk en Russie, tu connais ?, c’est sur la route du Transsibérien, et Novi Sad, c’est de là que vient Olga. C’est vraiment international, comme prénom. En plus, mes trois filles sont nées en novembre, c’est mon mois préféré. Avec ma femme, on aime bien février aussi…

– Ah ah, la routine des marins. Olga ? Tu parles de la passagère brésilienne ?

– Non, pas brésilienne, serbe. Novi Sad, c’est en Serbie. Olga est Serbe, elle était à Rio dernièrement, mais c’était pour son job. Elle travaille pour Architects without Borders et s’occupe des bidonvilles, elle est “slumologue”, comme elle dit. Ce n’est pas vraiment une passagère, c’est une vieille amie, je l’ai connue aux Philippines il y a très longtemps et on est restés en contact. Elle est géniale, tu verras, je te la présenterai, mais là, ce n’est pas possible. Il lui faut encore un peu de repos, je t’expliquerai. Elle est en convalescence. Dépression. Raconte-moi plutôt qui est Nubecito ? À moins que ce soit l'un de tes nombreux prénoms.

– Ah ah, tu te moques. C’est vrai que c’est un peu compliqué. Aurélien-Louis, ce sont mes parents qui ont choisi, ça vient de je ne sais plus quel livre. Brad, c’est moi qui ai choisi, mais je n’étais pas très inspiré, c’était surtout une façon crétine de m’opposer à mes parents, à l’époque je pensais qu’ils voulaient que je devienne un héros de livre ! Nov, c’est Ludmilla qui a choisi, juste au moment de l’embarquement. Je ne sais pas où elle a trouvé ça. Et Nubecito, c’est quelqu’un d’autre. Enfin, quelqu’un ou quelque chose… En fait, c’est un nuage hawaïen qui s’est perdu. En jouant avec la vague Ola, ils ont fini par atterrir au Mexique. Là, avant de mourir, Ola a fait promettre au pêcheur Diego de raccompagner Nubecito chez lui. Diego a demandé à sa fille Ludmilla d’organiser ça et Ludmilla m’a chargé d’exécuter la mission.

–  Euh… Oui. Bien sûr. Logique. Et tu passes par où ?

– Normalement, je dois retrouver mon père à Paris, il travaille à l’ambassade, et aller ensuite en Lettonie pour rejoindre Moscou et prendre le Transsibérien justement.

– Ben voyons ! N’importe quoi !

Brad fut surpris et un peu déçu par la réaction brutale de Moby. Et puis, il se dit que c’était finalement normal qu’il ne croie pas une histoire incroyable à laquelle, lui-même, ne croyait qu’à moitié.

– Vous rêvez tous les deux. Votre histoire ne tient pas la route. Impossible.

– Oui, je sais. Ludmilla dit parfois que Nubecito, c’est mon ombre.

– Ça, je ne sais pas ce que ça veut dire. Ce que je sais, c’est que tu ne rentreras jamais en Russie par la Lettonie. Et en plus avec un passeport français ! Mais vous ne suivez pas les actualités. Pour le Transsibérien, ça pourrait être possible, mais ça serait très très difficile.

Moby se tut. Il semblait contrarié et présentait un visage fermé, hostile presque, que Brad ne lui connaissait pas. Puis, il se remit à sourire.

– Écoute garçon. J’adore ton histoire, vraiment, et tu dois raccompagner Nubecito, mais là, il y a un chapitre qu’il faut réécrire. Tu comprends ce que je veux dire ? Et c’est Olga qui va nous aider, pas parce qu’elle écrit bien, mais parce qu’elle est serbe. Il va falloir oublier la Lettonie.

Puis, semblant réfléchir, il marmonna.

– Genève, Milan, Ljubljana, Zagreb, Belgrade, Sofia, Istanbul, Moscou… Bon, on a encore le temps de peaufiner. J’adore ton histoire, je te jure. On va attendre qu’Olga aille mieux et on va te faire entrer en Russie. On réserve cette partie, comme dit le chef, on en reparlera, je te le promets. Vraiment, ton histoire, je l’adore. Tiens, si on allait faire un tour sur la passerelle pour voir comment se porte Nubecito ?

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11 avril 2025 5 11 /04 /avril /2025 02:59

Bien sûr, le cerveau, le cœur, la peau ont besoin de nutriments, faute de quoi, ils dépérissent, car exister, c’est se nourrir et on ne jeûne pas impunément, mais il nous faut aussi entretenir un chaos, un vide, une ignorance intérieurs, faute de quoi, on ne devient plus, on répète et se répète, car exister, c’est exhaler et exalter, exprimer et expirer.

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10 avril 2025 4 10 /04 /avril /2025 02:19

– Il se pourrait bien que le dehors soit une illusion.

– En effet, mais il est fort probable aussi que le dedans ne soit qu’un chaos.

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9 avril 2025 3 09 /04 /avril /2025 07:35

Pourtant vierge et désarmée, on ne l’entend jamais se plaindre, la feuille blanche, d’avoir peur du gros stylo baveux de vieux écrivains obsessionnels.

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