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C'est Peu Dire

  • : Les Restes du Banquet
  • : LA PHRASE DU JOUR. Une "minime" quotidienne, modestement absurde, délibérément aléatoire, conceptuellement festive. Depuis octobre 2007
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  • Philosophe inquiet, poète infidèle, chercheur en écritures. 55° 27' E 20° 53' S

Un Reste À Retrouver

28 novembre 2024 4 28 /11 /novembre /2024 02:03

Sans quitter du regard le phare de Cabo de Corrientes qu’il devait laisser à tribord avant de piquer nord-est, guidé par les lumières des hôtels de luxe de Punta Mita à qui il vendrait son poisson (il avait quelques vivaneaux rouges et trois belles dorades coryphènes), Diego écouta ce qu’Ola avait à lui dire. Dans un espagnol très correct, malgré un curieux accent assez indéfinissable, elle lui dit ceci :

– Écoute bien Diego, tu as la peau tannée et les mains fatiguées, ton bateau est lourd, tu es pauvre et ignore tout des horaires de trains sur le sous-continent indien (Diego ne s’étonna pas de ne pas comprendre l’allusion, alors, lecteurs, soyez patients vous aussi), mais je sais que tu es généreux.

C’était vrai ça, depuis tout petit, Diego était bon et généreux. Gentil fils, mari honnête, excellent copain, il avait toujours aimé tout le monde, et sans se forcer. Pourtant, la vie avait été sévère avec lui. Son père, pêcheur, était mort en mer ; sa mère, qui travaillait dans un bar du port, un matin, n’était plus rentrée. Je résume parce qu’on approche de Punta Mita. Sa femme, Purificacíon (prononcer Pouri-) n’aimait personne à part ses clients du bar du port. Mais Diego ne se plaignait jamais, car il avait aussi reçu le plus beau cadeau dont on puisse rêver. Inmaculada Concepción de María, sa fille (que j’appellerai Ludmilla, pour simplifier). Ludmilla, Diego disait toujours cela la voix tremblante, c’était comme une pêche miraculeuse, elle était tous les poissons. Belle comme un espadon voilier, intelligente comme un barracuda, indépendante comme une carangue, lumineuse comme un vivaneau à queue jaune et puis elle était vive, et drôle, et tellement gentille.

– Donc, Diego, tu m’écoutes, vérifia Ola. Alors voilà, je t’explique. Regarde, l’aube rentre, elle argente la mer et blanchit le ciel. Regarde, là, au-dessus de moi. Tu vois…

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26 novembre 2024 2 26 /11 /novembre /2024 03:01

C’est l’histoire d’une vague. Née du côté de la fosse des Mariannes, elle avait traversé le Pacifique et pouvait déjà distinguer au loin le littoral mexicain. Encore joliment cambrée, elle commençait pourtant à perdre de la hauteur et savait qu’elle déferlerait bientôt pour aller mourir à Puerto Vallarta, peut-être, ou plus au sud à Manzanillo. Je dis mourir, mais attention, Ola – je lui invente ce nom puisqu’elle n’en a pas ; vous comprenez bien que donner un patronyme à chaque vague prendrait beaucoup de temps et nous compliquerait la vie – n’était pas triste ni angoissée. Toutes les vagues finissent par déferler sur une côte, ce n’est ni douloureux ni humiliant et les vagues suivantes viennent écraser toute velléité de retour en arrière. C'est ainsi. D’accord, mais cette fois, il y avait un problème. Nubecito.

Ce jour, peu avant l’aube, alors qu’Ola méditait sur la vie après le déferlement, elle croisa la route d’un pêcheur mexicain (l’homme s’appelait Boris, mais par souci de cohérence, je l’appellerai Diego).

– Diego, dit doucement Ola, j’ai besoin de toi. Je n’ai pas le temps de tout t’expliquer, on devine déjà les hauteurs de la Sierra de Vallero, derrière la Bahia de Banderas (Ola aurait été incapable de situer Paris sur une carte, voire la France et sans doute même l’Europe, mais elle connaissait parfaitement la côte mexicaine) et bientôt je déferlerai. Je voudrais te confier une mission.

– Je t’écoute, répondit Diego sans paraître le moins du monde surpris. Il est vrai que Diego était très croyant, alors, qu’une vague lui parle ne lui semblait pas étonnant ; de plus, il pêchait depuis trois jours et n’avait pratiquement pas dormi, cela expliquait l'absence de surprise ; enfin, c’est une histoire et on n'est plus à une étrangeté près.

– Alors voilà, je t’explique…

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