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C'est Peu Dire

  • : Les Restes du Banquet
  • : LA PHRASE DU JOUR. Une "minime" quotidienne, modestement absurde, délibérément aléatoire, conceptuellement festive. Depuis octobre 2007
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Et Moi

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  • Philosophe inquiet, poète infidèle, chercheur en écritures. 55° 27' E 20° 53' S

Un Reste À Retrouver

7 octobre 2018 7 07 /10 /octobre /2018 02:19

À ce jour Nora ne m’a toujours pas envoyé le cahier noir ; elle ne le fera pas. Je ne l’attends plus. J’ai presque fini son livre. Nous sommes le 5 mars 1994 ; je le sais parce que Cyril Collard est mort il y a un an exactement. Il avait trente-cinq ans. C’est commode ce truc d’Odette d’associer les événements.

Cela m’avait fait quelque chose, sa mort. Il avait le sida. Je n’étais pas un proche, mais je l’avais croisé dans les années soixante-dix au lycée Hoche, à Versailles. Une certaine distance nous avait rapprochés, je veux dire distance au monde, aux valeurs, au sens. On écrivait tous les deux ; on avait échangé nos textes. Il était prolixe déjà, et très lumineux, étonnamment.  Et puis évidemment, je pensais à son film, Les Nuits fauves et à Lora (jouée par Romane Bohringer) qui ressemble un peu à Nora, à une lettre près le même prénom, les yeux noirs, la frange, les cheveux longs, les seins, l’insolence, la joie de vivre (à la différence que je n’ai jamais vu Nora s’effondrer). Moi, je ne ressemblais ni à Jean, ni à Samy, les deux autres pointes du triangle fou de ce film. Je venais d’apporter les dernières corrections au chapitre du « mariage à trois » d’Odette et je le comparais au trio infernal du film, Jean, Lora et Samy ; ils étaient aux antipodes. J’avais aimé ce film, mais j’en étais sorti harassé : le sida, les cris, la jalousie, le masochisme, la drogue, la vitesse, les ratonnades, l’hystérie, la passion. Le film d’un homme avide et pressé, attendu par une mort impatiente qui allait effectivement l’attraper quelques mois plus tard ; la fureur de vivre d’un condamné à mort.

Bien sûr, notre histoire d’amour n’avait rien à voir, nous étions lents, Nora et moi, sains, simples et nous étions deux, enfin c’est ce que j’ai toujours cru. Je me demandais néanmoins s’il n’y avait pas dans ce film une explication à la disparition de Nora. Nora aurait réussi là où Lora avait échoué : partir quand l’amour est à son zénith, totalement pur, partir avant qu’irrémédiablement il ne décline ou se délite et se transforme en ses contraires monstrueux, la folie ou la haine. Perdre l’amour pour le sauver ?

Mais non, c’était répondre à l’impossible par l’absurde, c’était lâcher la proie du quotidien pour l’ombre du mythe. Ne se cachait-il pas là aussi le mensonge romantique cher à Nora. Je n’avais pas les épaules d’un héros et ne voulais pas de son destin fatal ; je ne voulais pas être le personnage principal d’une histoire extrême, je ne voulais pas de la vie de Jean, brûlante, urgente, sans concessions. J’étais prêt à en faire, moi, des concessions, et une promenade lente au jardin des Tuileries, une sieste au Vert-Galant ou un navet au Paramount-Opéra m’auraient suffi. Je ne voyais pas en quoi l’excès, la frénésie et le désespoir étaient grandioses : mensonge romantique. Je n’avais pas soif d’absolu, ni faim de transcendance : mensonge romantique. Toutes ces formules ronflantes me semblaient ressortir à une pseudo-philosophie d’adolescents attardés. Et puis, ce qui était sublime au cinéma pouvait être inepte dans la vie. C’est pourtant très clair, le monde n’est pas un écran et la vie n’est pas un film.

Une des premières fois que j’avais vu Nora poser une question sans enchaîner sur une multitude d’hypothèses ou une chanson de Renaud, c’était au square du Vert-Galant, on lisait Les Cerfs-volants de Gary. « Est-ce que tu sais ce que c’est l’amour, toi ? est-ce autre chose qu’un film ou une histoire ? » Je n’avais pas trouvé les mots et j’étais resté silencieux parce que je cherchais une réponse savante, là-haut, dans mon cerveau. J’aurais dû lui répondre que l’amour filmé ou écrit n’est pas l’amour, que l’amour ne supporte ni la caméra ni le stylo ; j’aurais dû lui dire que l’amour, comme la vie, peut être ordinaire, avoir ses moments d’hésitation, être courbaturé au réveil, avoir envie de silence et de solitude, j’aurais dû lui dire que l’amour s’accommode de la grisaille du quotidien et se dit parfois dans une prose peu inspirée. Ce n’est pas pour autant un amour que l’on économise, un amour à feu doux ; ce n’est pas un amour chétif que l’on ne sort que les jours de printemps. C’est un amour simple, un amour à vivre, un amour artisanal à fabriquer, à entretenir, à réparer en permanence. Alors bien sûr, ce n’est pas très romantique cette idée, pas même romanesque, peut-être est-ce tout simplement réel et, c’est vrai, le simplement réel ne fait pas de grandes histoires passionnantes. J’aurais dû lui répondre cela ; je ne sais pas ce qu’elle en aurait pensé.

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6 octobre 2018 6 06 /10 /octobre /2018 02:52

J’aime me lever avant tout le monde et surprendre le soleil lui-même. Et cette joie est décuplée quand je peux me recoucher à l’heure où les autres se réveillent.

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5 octobre 2018 5 05 /10 /octobre /2018 02:48

On est vieux quand on cesse de vouloir rester jeune ; ce qui ne signifie pas qu’on est encore jeune quand on ne veut pas être vieux.

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4 octobre 2018 4 04 /10 /octobre /2018 02:34

La perfection est infréquentable.

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3 octobre 2018 3 03 /10 /octobre /2018 02:40

À trop prévoir, on s’enferme ; à tout garder, on se fige. Répondre « présent ! » à l’appel du temps.

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2 octobre 2018 2 02 /10 /octobre /2018 02:14

La vie a quelque chose de ces casse-têtes très agaçants. Un jour on découvre que la solution était toute simple.

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1 octobre 2018 1 01 /10 /octobre /2018 02:39

Je dois vous avouer que je ne termine jamais mes trails parmi les premiers. Mais il y a une raison à cela, que vous ignorez et qui n’a rien à voir avec mes qualités incontestables de coureur. Je n’oublie jamais de m’arrêter, un petit kilomètre avant la ligne d’arrivée, pour remettre ma casquette d’aplomb, remonter mon short et enfiler un tee-shirt propre.

Oui parce qu’il faut toujours se tenir prêt, disait une grand-tante restée célibataire jusqu’à la fin. Se tenir prêt à quoi ? Mais à l’imprévisible justement, ce qui vient ou ne vient pas mais qui échappe toujours à toute stratégie et se moque de toute préparation.

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30 septembre 2018 7 30 /09 /septembre /2018 03:52

 « Je sais que tu ne me dois rien, c’est même plutôt l’inverse, mais finis-moi ce livre, ça ne devrait pas être très long. Tout est expliqué à l’intérieur ; il y a les enregistrements d’Odette, mes propres enquêtes et mes analyses. Je ne peux pas tout te dire, mais c’est plus qu’important. Fais-le en souvenir de nous, tu comprends. Je ne veux pas une deuxième chance, j’aimerais seulement une belle fin. Une fin plus belle que ce petit mot minable que j’ai jeté dans ta boîte aux lettres. Je pense que ça ne sera pas très difficile à écrire, il suffit de trier et ranger un peu, n’hésite pas à supprimer ce que tu veux. Tout à l’heure, tu disais à Zaïna que tu aimais les fins qui finissent sans finir. C’est quelque chose comme ça que je voudrais pour nous. »

« Tu sais, pour le mot, il faut que je te raconte. J’étais restée toute la nuit devant chez toi avant de le mettre dans ta boîte aux lettres, je le tenais dans ma poche et je regardais ta fenêtre, je te promets, je voyais les heures défiler et je n’arrivais pas à me décider. Vers cinq heures et demie, au lever du jour, je me suis approchée de ta boîte aux lettres, j’hésitais encore, j’attendais un signe qui me guiderait, j’ai même pensé à un moment monter en courant pour réveiller ton corps. Je ne savais pas quoi faire, jamais je n’avais hésité autant dans ma vie ; quand j’avais des choix à faire, il y avait toujours une voix en moi, une voix douce, mais très claire qui me disait ce que je devais faire. Et cette voix se taisait. »

« Et puis un voisin est passé, il m’a fait sursauter en me demandant si je cherchais quelque chose, alors, d’un geste totalement mécanique, j’ai glissé mon mot dans ta boîte aux lettres et je suis partie en courant, complètement paniquée. Mon mot, je le voyais tomber lentement comme un noyé qui coule dans l’océan, un corps qui tombe inexorablement et sans jamais toucher le fond ; cette chute lente et interminable me rendait folle. Excuse-moi de te raconter tout ça. J’aimerais juste que tu nous écrives une autre fin. »

« Je sais bien qu’il ne s’agit pas de nous, je ne suis pas Odette ni Yvonne, sa cousine, ni Berthe, sa tante, mais j’y ai mis un peu de moi quand même, dans cette enquête. Et peut-être un peu de toi. Je ne veux pas une thèse d’anthropologie, d’ailleurs j’ai abandonné l’anthropologie, je veux que tu racontes une histoire. Mais pas une biographie linéaire non plus. J’aimerais un livre court et doux. J’ai lu ton roman, Les Filles en automne, c’est beau, sincère, intelligent, tu as du talent. Écris une belle histoire, pour moi, pour Odette, pour nous. Tu as carte blanche, tu peux trier, j’aimerais que tu n’inventes rien. À la demande d’Odette, j’ai modifié quelques noms, mais l’essentiel est vrai. Encore une chose très importante, signe le livre de ton nom. Je sais, ça paraît contradictoire tout ça, essaie quand même. Ah, il y a aussi le cahier noir d’Émile que je dois encore te donner, je te l’envoie rapidement. »

 

Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai accepté. Au moment de la quitter, je crois que j’aurais aimé la voir rester. Nous nous sommes longuement regardés, j’avais envie de la raccompagner chez elle, enfin, j’avais envie qu’elle ait envie que je la raccompagne. Je ne savais pas ce qu’elle voulait, elle. J’ai espéré qu’elle parle ; je n’ai rien dit. Puis elle m’a pris la main et m’a dit « Odette est morte apaisée, je crois, moi je suis vivante, mais ça ne va pas trop fort, j’ai besoin que tu écrives ce livre, c’est important ». Elle m’a embrassé, sur la joue, à la naissance des lèvres, avec une infinie tendresse. Il me semble que j’ai essayé de retenir sa main. Je crois qu’elle s’est dégagée doucement. Elle m’a fixé, sourcils froncés, lèvres serrées, yeux immobiles ; j’attendais qu’elle sourie. Elle m’a souri. J’allais ouvrir la bouche, je devais parler, il fallait que je lui dise quelque chose, je ne sais pas, reste un peu encore ou quelque chose comme cela, ou bien que je lui propose d’aller voir Les Amants du pont Neuf au Paramount-Opéra. Elle a mis son index sur mes lèvres et a soufflé « chut... ». Puis elle est partie, elle s’est retournée une fois, elle souriait toujours, je crois qu’elle pleurait aussi, je n’en suis pas sûr. Elle a disparu.

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29 septembre 2018 6 29 /09 /septembre /2018 02:59

Face à l’odieux, le rigide, le haineux, le mortifère, je suis pour la liberté de ne pas écouter.

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28 septembre 2018 5 28 /09 /septembre /2018 02:14

Il faut pour réussir un dialogue, écoute et bienveillance ; pour réussir un débat, il faut des protéines et des décibels.

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27 septembre 2018 4 27 /09 /septembre /2018 02:39

Préserver sans thésauriser ; donner sans dissiper.

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26 septembre 2018 3 26 /09 /septembre /2018 02:27

Six chimères déçues chargées de six mères déchues dessus qui déchargent à la chaîne : quelle scène ! Ça sert à rien mais ça déchire.

Quant à la chasse, il faut cesser ce chahut si choquant.

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25 septembre 2018 2 25 /09 /septembre /2018 02:18

L’innocent parfois ignore, mais l’ignorant est-il toujours innocent ?

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23 septembre 2018 7 23 /09 /septembre /2018 03:51

« Tu vas peut-être me dire que ça n’a aucun sens et que ça vient trop tard aujourd’hui, mais je voudrais m’excuser. Ça va te paraître absurde que je te dise ça, mais tout s’est effondré pour moi aussi et il n’est pas certain que je m’en sois jamais remise. C’est vrai que j’ai tout aimé de toi, tes belles idées et tes petites bouderies courtes et ridicules, tes fragilités, ta culture, ton côté sombre et rentré et ton écriture si claire, si vive, si juste. Et bien sûr, tes câlins interminables. C’est pour tout ça que j’ai pensé à toi aujourd’hui, je vais t’expliquer. Bon, pardonne-moi, en effet c’était très lâche, en plus je pense que ça a été une énorme connerie, cette rupture, mais comme tu dis on ne fait pas demi-tour dans la vie. »

« Nora, mon problème n’a jamais été d’excuser et encore moins de pardonner, juste de comprendre. Pourquoi ? Pourquoi être partie ? »

« Comprendre, oui. Tu sais, c’est compliqué, moi-même je ne comprends pas tout. C’est difficile de parler parfois. Mais je ne veux pas de tristesse aujourd’hui. Pas de nostalgie, juste quelques souvenirs. Tiens, tu sais que Freddie Mercury vient de mourir. Il avait le sida. Il était malade depuis longtemps, mais il ne voulait pas que cela se sache. C’est difficile de parler de sa maladie, tu ne sais jamais ce que l’autre peut en faire ; tu ne sais jamais ce que l’autre peut te faire. L’autre, quel drôle d’animal, quelle chose curieuse ; ce n’est pas notre spécialité, hein ? ni à toi ni à moi ; enfin tu t’es peut-être amélioré depuis, moi c’est toujours "peut mieux faire" dans la matière. Tu écoutes encore Queen ? »

Elle a sorti de son sac un walkman et m’a mis le casque sur les oreilles.

« C’est ce que j’écoutais en venant, ça s’appelle The Show Must Go On, c’est le dernier morceau de leur 33 tours. Freddie Mercury sait qu’il est condamné, ça sonne comme un testament et en même temps c’est un hymne à la vie. C’est beau. Empty spaces – what are we living for ? Excuse-moi, j’abuse, j’espère que je ne t’agace pas, je ne voudrais surtout pas te faire souffrir ; je sais bien que tu as besoin d’avancer. Does anybody know what we are looking for ? Je vais te laisser, mais je suis tellement contente de te voir. Tu entends, I’ll soon be turning around the corner. Outside the dawn is breaking. Pour ne rien te cacher, j’ai un peu de mal avec mon présent, alors je retourne parfois dans mon passé, tu vas dire que ce n’est pas un retour, mais une fuite, peut-être, mais j’y suis bien, au calme. Et avec toi. But inside in the dark I’m aching to be free. Alors, tu aimes ? De temps en temps je réécoute Bohemian Rhapsody. Tu te souviens, caught in a landslide, no escape from reality ; qu’est-ce qu’on a pu l’écouter, ce morceau, on le connaissait par cœur, je n’ai pas oublié les paroles, anyway the wind blows. »

« Nora. »

« OK. Excuse-moi. Donc, que je te dise pourquoi je veux te voir. C’est grave et urgent. »

 

Elle a rangé son walkman et sorti à la place un épais dossier jaune qu’elle a posé sur la table. Il contenait deux à trois cents pages dactylographiées, une centaine de pages manuscrites (avec beaucoup de ratures, découpages, collages), une centaine de fiches A5 et quelques photos, il y avait aussi un sac rempli d’une dizaine de cassettes audio.

« Tiens, c’est l’histoire d’Odette, le monde retrouvé d’Odette. C’est un récit de vie à partir d’entretiens que j’ai menés. Odette était une mercière analphabète, née à Baume-les-Messieurs à la fin du XIXe siècle. Je l’ai rencontrée dans les années quatre-vingt. Je suis sur le projet depuis dix ans, je n’y arrive plus, ça m’oppresse, je te donne tout ; j’ai accumulé et juxtaposé trop de détails, je ne vois plus aucune cohérence, il me manque un fil narratif et une intention. Je t’en supplie, termine. »

Comme elle le faisait, elle s’est arrêtée longuement, me fixant, sans rien attendre, comme pour laisser un blanc dans le temps, un blanc, une parenthèse pour s’y glisser et exister purement et simplement, sans raison. Puis elle a continué.

 

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22 septembre 2018 6 22 /09 /septembre /2018 02:03

Chez Sacha, quand ça suinte du chibre, c’est sa chère qui lèche – la chance !

Quant à la chasse, il faut cesser ce chahut si choquant.

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21 septembre 2018 5 21 /09 /septembre /2018 02:41

Il est une spiritualité de la transcendance qui donne le torticolis ; il est aussi une spiritualité laïque, à hauteur d’homme.

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20 septembre 2018 4 20 /09 /septembre /2018 02:04

Le chien sachant sécher sans échasses doit châtier les chats chassant sans chagrin

Quant à la chasse, il faut cesser ce chahut si choquant.

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19 septembre 2018 3 19 /09 /septembre /2018 02:33

La poésie est gratitude, le monde est offrande.

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18 septembre 2018 2 18 /09 /septembre /2018 02:15

Pendant que l’on débat pour décider qui de la poule ou de l’œuf a précédé l’autre, on oublie le seul vrai problème : le harcèlement sexuel du coq.

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17 septembre 2018 1 17 /09 /septembre /2018 02:19

Le philosophe n’est pas un orpailleur, à la recherche de quelque brillant secret enfoui depuis toujours dans le ventre des hommes ou la nuit du monde, il est un artisan qui répète souvent, invente parfois et travaille toujours, modèle, fabrique, déplie, assemble ou taille afin de donner forme à l’inquiétude sourde qu’il croit éprouver.

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16 septembre 2018 7 16 /09 /septembre /2018 03:50

 « Mais, Nora, je ne savais pas que tu avais une fille. »

« Tu ne pouvais pas le savoir, je l’ai eue bien après notre rupture. Et moi je ne te savais pas si à l’aise avec les enfants, mais tu en as peut-être maintenant, ou bien des neveux ou des nièces. Enfin, ça ne me regarde pas. Écoute, je voudrais te parler d’autre chose. »

Nora ne souhaitait pas en dire plus sur le sujet, je la connaissais, ce n’était pas la peine d’insister. J’aurais pourtant bien aimé connaître la date de conception de Zaïna. Une question d’homme sans doute. Cela ne pouvait pas être avant notre rupture (enfin rupture, c’est elle qui employait ce mot, il serait plus juste de parler de disparition, de fuite lâche et sans explication) ; cela devait être juste après, mais vraiment pas longtemps après. Je préférais ne pas calculer. Et puis j’essayais de me convaincre que je n’avais pas le droit de l’ennuyer avec ces questions. Mais quand même, à peine un mois après !

« Tu te souviens un peu de nous ?  Je ne sais pas si je te l’avais dit à l’époque, mais personne ne m’avait fait l’amour comme toi, c’était trop... »

« Écoute Nora, je suis content d’avoir de tes nouvelles après tout ce temps et je suis très flatté, mais s’il s’agit de cela je préfère te dire tout de... »

« Attends, jeune homme, laisse-moi parler. Il s’agit de tout autre chose. Ce qui m’avait frappée quand je t’ai rencontré, c’était ta douceur, tu vois, ta gentillesse et au début, quand tu me parlais de Romain Gary ou de Georges Perec, je t’écoutais à moitié parce que je me demandais si tu étais aussi doux quand tu couchais avec les filles. C’est ça qui m’intéressait ! Je n’ai vraiment pas été déçue. »

« Qu’est-ce que tu veux Nora ? »

« Tu comprends, ce n’était pas une question de performance, c’était juste cette incroyable douceur qui se diffusait lentement. Moi, j’étais toujours dans le combat et l’affrontement, je donnais des coups et toi, tu m’apprenais à recevoir des caresses. Mon corps en a gardé un souvenir précis : je sentais le plaisir monter le long de la colonne vertébrale et se répandre dans le corps à chaque intersection, ça suivait, je ne sais pas, le réseau des nerfs ou des muscles, et ça continuait à monter encore jusqu’à la nuque, bien sûr c’était plus fort dans le ventre, tout rayonnait à partir de là, ça durait, ça durait, ça durait, c’était divin. Je me sentais comme pleine de ton amour. Bon, c’est un peu cucul la praline, tu vas trouver la formule trop nulle, mais tu m’as appris à aimer mon corps, et ça en me caressant. »

« Peut-être, tant mieux pour toi, mais moi je ne comprends pas pourquoi tu veux me revoir aujourd’hui, cela fait dix ans que tu es partie, tu me parles de notre sexualité et tu me présentes toute ta petite famille ; je ne serais pas étonné que tu m’invites à l’anniversaire de ta fille pour que je rencontre ton ex-belle-mère. Le temps peut ressembler à un long chemin, Nora, on peut ralentir ou accélérer, on peut même se retourner et regarder derrière en sanglotant, mais on ne fait jamais demi-tour. »

« Oui monsieur le philosophe, je suis d’accord. Détends-toi, je ne vais pas te manger, je vais t’expliquer. Tu te rappelles un des premiers matins je t’ai demandé : est-ce que tu écris comme tu fais l’amour ? Alors tu m’as fait lire un passage du roman sur lequel tu travaillais, Les Caresses du temps. J’en ai pleuré, c’était trop beau. »

« C’était Les Gestes du temps. Moi aussi, pour ne rien te cacher, j’ai pleuré, beaucoup pleuré quand j’ai lu ton mot courageusement déposé dans ma boîte aux lettres. "Je te quitte, ma tendresse, je t’aime trop. Nora." Trop était souligné. J’étais anéanti, tu sais cela ? détruit, laminé, tu ne peux pas imaginer à quel point j’étais désespéré, c’était comme si plus rien n’avait de sens, tu comprends, il n’y avait plus de haut, de bas, de droite, de gauche, je ne savais où aller, que faire, que dire. Et puis j’étais très énervé aussi, je n’avais jamais compris ton usage de l’adverbe "trop". »

« Je te reconnais là, tu es sans doute le seul homme au monde capable de faire l’analyse grammaticale d’une lettre de rupture. Mais je sais que tu ne mens pas. »

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15 septembre 2018 6 15 /09 /septembre /2018 02:55

La première érection marqua sans doute le début de bien des contrariétés – je parle de celle d’homo erectus. Depuis, allez savoir pourquoi, on se sent tous obligés de prendre aussi la pose, dangereuse et hautaine, quoi qu’il nous en coûte.

Imaginez un monde où l’on ramperait ou trotterait, les mains bien trop occupées pour porter un fusil de chasse.

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14 septembre 2018 5 14 /09 /septembre /2018 02:35

Il m’arrive parfois, vieux philosophe exilé dans le monde des idées, d’avoir le mal du pays. Alors je lis les poètes.

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13 septembre 2018 4 13 /09 /septembre /2018 02:21

Bien sûr, il y a les absents, qui ont toujours tort (ou toujours raison, mais c’est la même chose), de qui l’on croit pouvoir ou devoir parler ; mais il y a aussi et surtout ceux dont l’absence passe inaperçue, pas même un creux, une trace, un vide, pas même un souvenir ou une tragédie à commémorer. De ceux-ci, la littérature devrait parler.

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12 septembre 2018 3 12 /09 /septembre /2018 02:46

– Allez, on fait la paix, dit Lapin à Carotte, je suis ton copain, tu es ma pote.

– C’est ça, tu me prends pour une dinde, rétorqua Carotte décidément peu amène.

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