Il faut savoir être tragique de temps à autre ; il arrive alors parfois que la légèreté, toujours proche de la frivolité, se fasse grâce.
Il faut savoir être tragique de temps à autre ; il arrive alors parfois que la légèreté, toujours proche de la frivolité, se fasse grâce.
L’existence est une blessure qui ne cicatrise pas, sauf peut-être avec une bonne dose d’alcool (pas sur la plaie).
– Pff ! qu’est-ce que c’est long l’éternité, se lamentait Dieu, et voilà qu’en plus, leur dernière trouvaille, en bas, c’est la lenteur : slow food, slow fashion, slow marketing, slow medecine… Ils vont finir par m’achever.
Lune aime Terre qui n’aime que Soleil qui n’aime que lui-même.
Inutile de se plonger dans Sophocle, Freud ou Girard pour comprendre l’économie du désir, il suffit de lever les yeux.
Bizarre, plus on vieillit, plus on se tasse et pourtant, plus la terre semble basse !
Et si une bonne partie de nos malheurs venait de ce que l’on ne peut plus satisfaire nos besoins primaires. Comment satisfaire par exemple, dans un monde bitumé, bétonné et plastifié, ce besoin de gratter le sol et de prendre des bains de terre que l’on partage sans doute avec la poule ?
La sagesse, c’est quand tu fais la sieste sans scrupules.
On sous-estime l’inimportance de l’humanité.
Si J’existais, pouvant tout, sachant tout, voyant tout, bien sûr que J’empêcherais les attentats terroristes, les viols et les violences, les abus de pouvoir, évidemment que Je protègerais les faibles et les pauvres, les mendiants et les orphelins, que J’éteindrais les incendies et arroserais les déserts si J’existais, mais Je crois aussi que Je jetterais un petit coup œil rapide dans la douche des filles.
Dans la langue, le sens voile les signes ; en musique, les signes arrachent le voile du sens. Quelques poètes parviennent à montrer les motifs du tissu tout en laissant la trame apparente.
Hier, je suis allé dans un écomusée régional. J’y ai vu un bidet, une bouillote, un passe-montagne, un solex, un mange-disque, un 45 tours de Françoise Hardy, plusieurs numéros de Tout l’Univers et de Pilote, un tricotin, un scoubidou, une boite de pastilles Vichy, un landau à suspension, un Minitel, une collection de bons points, un Almanach des P.T.T. avec une photo de chatons dans un panier de pelotes de laine.
Quand les objets de ton enfance se retrouvent au musée, c’est mauvais signe !
Nos pieds – plus héraclitéens qu’on ne le croit – le savent bien : on n’emprunte jamais deux fois le même chemin.
« La vieille au fichu noir finit par mourir, un matin de novembre. Elle emporta dans sa tombe le mystère de la bougie allumée tous les mercredis soir après minuit qui annonçait, immanquablement, le bal des ombres et le concert de miaulements déchirants. »
Voici un bien bel explicit, dramatique et fécond, qui signe un roman qui chahute. Hou ! j’en frémis de curiosité… je me demande bien comment tout cela pourrait commencer.
Ma peau aurait-elle le goût et la texture du crayon de papier mâchonné ou le moustique serait-il un crétin ? J’en observe un depuis un bon moment qui s’acharne à piquer mon crayon.
(J’aurais dû sans doute parler plutôt de Notre-Dame, mais je n’ai rien trouvé, ni pensée profonde, ni blague originale, ni mot émouvant.)
– Dérisoire et frigide caillou tout juste bon à tourner en rond. Et toi, ombre minuscule d’une ombre ridicule. Que seriez-vous sans moi, hein ? La nuit sans matin, le noir sans lendemain. Terre, Lune, admirez et louez votre Soleil !
– Attends un peu que je m’occupe de ton cas, répliqua in petto M87*, tu vas comprendre le sens des mots ‘minuscule’ et ‘noir’.
– Les mots (non sans malice) : La parole est aux choses.
– Les choses (pensant bien fort qu’elles se vengeraient de ce coup bas) : …
Nous dirons, pour faciliter les calculs, qu’un Reste contient en moyenne 12 mots (bon, celui-ci en compte 98). Donc, un Reste par jour, ça fait 12 mots par 24 heures, soit ½ mot par heure. Posons qu’un mot contient en moyenne six lettres (oui, je sais, ‘six’ en a 3 et ‘lettres’, 7), ça nous donne alors 3 lettres par 60 minutes, soit 1/20e de lettre par minute, c’est-à-dire 1/1200e de lettre par seconde. La lettre étant difficilement décomposable en unités plus petites, on doit arrêter là notre recherche.
Conclusion : qu’ils sont pauvres en sens, les chiffres.
– Suis ton instinct et fonce, conseilla, arrogante et perverse, Avenue Haussmann à Impasse du four à chaux.
(Avenue et Impasse n’étaient pas amies, voisines seulement, par le fait du hasard et des bulldozers.)
« La tendresse pastorale du rebelle à la mèche rouge émut secrètement l’amant clandestin du cracheur de feu aux mains opalines. »
Voilà un bien bel incipit, terrible et fécond, qui annonce un roman qui bouscule. Hou ! j’en frémis d’impatience… je me demande bien comment tout cela pourrait se terminer.
Je me demande si l’intérieur du cerveau ne ressemble pas à un ciel ennuagé. Je pense à la genèse et l’évolution des idées qui naissent imprévisiblement de l’association instable de molécules de sens, association qui se fige un instant, se transforme, se délite ensuite pour former, ou pas, une nouvelle association fumeuse.
L’écriture a toujours une météo de retard. Elle reconstitue, tant bien que mal et plus ou moins honnêtement, le ciel idéel de la veille.
Quand Jean-Pierre ouvrit sa Recherche, tout d’un coup le souvenir lui apparut : le petit pétard que le vendredi après-midi il fumait avec Géraldine, dans les toilettes de la Sorbonne.
Certes, nous sommes bruyants et restons éclairés toute le nuit, pour autant il n’est pas certain, compte tenu de notre ridicule petitesse au regard de l’infini de l’univers, que dieu lui-même, s’il se trouvait qu’il existât, nous ait repérés.
Rester muet
Haïku hé !
Zut, raté !
Les projets maintiennent en vie, dit-on. Je ne sais ? Je n’aime rien tant que de constater dans mon agenda, le matin au réveil, que je n’ai rien à faire. Cela décuple mon énergie, libère mon imagination et donne lieu, le plus souvent, à des journées joyeuses et originales.
Malgré la surprise, je suis parvenu à cacher mon émotion et j’ai fait mine de ne rien voir, amicalement complice : je suis dans les vestiaires de la piscine municipale, assis à côté de Julien Sorel. C’est écrit sur sa carte d’abonnement.