[Brief an eine junge Möwe]
Chère Mademoiselle Mouette,
Oui je sais, vous ne m’avez pas écrit, vous ne m’avez pas envoyé vos poèmes et vous vous moquez bien de mon avis. “Les leçons, c’est pour les cons, criez-vous, la poésie, c’est tout pourri”. Ça tombe bien, je ne viens parler ni vers ni rime et c’est moins une leçon qu’une hypothèse que je risquerai.
Plutôt que de rentrer en vous-même et chercher à décrire l’intime intouché, ouvrez-vous aux vents errants et dansez vos histoires, car la douce rugosité du dehors, me semble-t-il, n’attend que vos mots. “Mais c’est quoi ton délire, piaulez-vous, tu me prends pour Shakespeare, moi je sais pas écrire et lire c’est encore pire.”
Vous préférez les nouveaux océans de déchets puants aux espaces iodés que des horizons glissants cultivent. Je ne vous juge pas Mademoiselle Mouette. Plutôt, je me demande pourquoi, interminablement, les périples incertains apportent fatigue et joie quand les séjours nourrissent et ennuient. “Que du bla-bla pour intellos, riez-vous, du charabia pour alcoolos.”
À l’évidence, vous goûtez l’assonance, et l’allitération a votre admiration – si je peux m’amuser aussi. Faites si c’est un jeu libre, mais vous savez sans doute que le filet piège souvent le thon et le carrelet quand il manque toujours l’élan et le souffle. “Grand merci pour l’image monsieur pêcheur de mots, vous mettrez au chômage les meilleurs prêcheurs pros.”
Vous êtes légère et insouciante, et me faites rire aussi, mais vous avez raison, Mademoiselle Mouette, et c’est sans doute pour moi que je vous écris. J’ai besoin de vous parler pour mieux m’entendre et me déchiffrer, peut-être. “Vraiment pas tout compris, cher Monsieur de l’Écrit, mais si je vous fais rire, pas besoin de saisir.”
(Décidément, ça ne s’arrange pas ici, pensa Gros Lulu qui passait par là ; il avait trouvé un CDD dans un blog voisin.)