J’aurais été prêt, quant à moi, à me battre pour la langue de bœuf sauce gribiche, mais elle fédère beaucoup moins.
Producteur exploité et stressé la semaine, consommateur asservi et vautré le dimanche – on a l’homme que l’on mérite.
Attends docilement que l’inspiration te libère d’une aliénante quotidienneté fade et indigente.
Bien évidemment, elle ne viendra pas, mais tu auras au moins appris à te tenir tranquille et silencieux et tu nous auras épargné ton onanisme spirituel et tes turpitudes ineptes.
Il faut distinguer ceux qui sont gentiment dans le vrai et ceux qui sont méchamment dans le faux, parmi ceux-là, il faut distinguer ceux qui l’ignorent sincèrement et ceux qui le savent
clairement, parmi ceux-là, ceux qui s’en attristent honteusement et ceux qui s’en moquent cyniquement, parmi ceux-là, ceux qui agissent avec calme et efficacité et ceux qui s’agitent avec zèle et
passion, parmi ceux là, ceux qui sont pour Bush et ceux qui ne sont pas contre.
C'est facile l'éthique, beaucoup plus que la botanique.
Il faut, quand on est e-écrivain, oser la bêtise la plus pitoyable, le médiocre et le salace, le putassier graveleux, les âneries et les inepties, ou bien se résoudre à n’être lu que par les très incultes robots de Google qui, contre toute attente, ne sautent pas les aphorismes métaphysiques, eux.
Admirables sont ces philosophes qui philosophent, ces poètes qui poétisent, ces amoureux qui aiment, ces penseurs qui pensent, ces rêveurs qui rêvent, ces révolutionnaires qui révolutionnent, quand tant d’autres, pleutres démissionnaires, critiques inféconds, bruyants sculpteurs de l'absence, se contentent paresseusement d’annoter le monde et de médire.
Ne dites plus musée, mais maison ou cité. Ne dites plus Institut de recherche mais Fondation. Ne dites
plus colloque mais regards croisés.
Et accessoirement, ne dites plus disez, mais disez dites.
L’avantage d’une paternité tardive est de rallonger cet âge paisible pendant lequel le désir de tuer le père – déjà mort ou moribond – comme la peur d'être tué par le fils – concurrent plus boutonneux que belliqueux – vous laissent tranquille.
Unir et unifier sont trop proches d’uniformiser pour ne pas être suspects.
Ce que je préfère dans mes déplacements professionnels, c’est la pharmacienne.
Je ne manque jamais de lui acheter des bas de contention (nul n'est à l’abri d’une mauvaise thrombose), et elle, complice et généreuse, m’offre toujours un échantillon de dentifrice, « c’est
tout petit mais ça fait de l’effet quand même » ajoute-t-elle, malicieusement énigmatique et délicieusement minimaliste.
La pensée ménage et élève, l’intelligence sépare ; le sentiment ouvre et entremêle, la passion isole.
La lexicologie a quelque chose d'agréablement docile, les mots se plient timidement aux définitions. L'existence est plus revêche.
Mélanie a 18 ans, elle est jolie et libre, blonde à la peau claire et fragile. Mais ce n’est pas grave : elle n’a jamais fait de grec ancien et ignore tout de l’histoire de l’Océanie.
Une caresse, une sanction, un viol, un envol, un oubli, un abri, un printemps hors saison, un voyage en désir, un marbre apaisant, un roman familier, une tragédie silencieuse, un rêve audacieux, une folie patiente, un cri suraigu, une sieste généreuse, une longue phrase sans ponctuation…
Le nez de Cléopâtre eût-il été plus court, toute la face de la terre en aurait été autre, disaient à peu près Pascal et Hergé.
Je ne sais.
En revanche, il est certain que le destin d’Alfred Van Cleef, de son beau-père Salomon Arpels et des leurs aurait été moins brillant sans l’existence improbable de ces deux immondes appendices
carnés, ridicules et obscènes boursouflures, définitivement inutiles au regard des lois du vivant quoique fort commodes, au demeurant, pour suspendre ces adorables petites choses en or ajouré, à
décor de résille pavée de diamants brillantés en serti grain, centrées d’un rubis cabochon griffé, ourlé d’émeraudes oblongues facettées à 49 999 € (les deux).
Je est une autre.
Je suis de la race du gazon et partage largement sa patience monotone – attendant en hiver le soleil du printemps.
On me fait savoir qu’un certain H. D. Thoreau, bûcheron incivique précise-t-on, aurait écrit, lui aussi, quelque chose curieusement très proche de mon dit du jour. J’en suis flatté et saurai
calmer mes avocats qui me pressent déjà de saisir la justice.
- Eux (animés d’une toute chrétienne volonté d’encourager doublée d’une sollicitude bien charitable) : ça n’a pas toujours beaucoup de sens, ce que vous écrivez,
pour autant, c’est parfois assez joli, il arrive même que cela soit un peu amusant. Il faut poursuivre. Si, si, sincèrement.
- Nan (encore plein de l’écho troublant de la Critique de la raison pure qu’il venait de lire in extenso pour la troisième fois) : la pluie toujours descend et
jamais ne monte ; la poule toujours pond l’œuf et l’œuf jamais ne tond la p’louse.
- Eux (hésitant entre la pitié désabusée et la colère aigrie) : c’est vraiment n’importe quoi ! Vous y pensez , vous, à tous ces enfants qui meurent de faim, pendant ce
temps.
- Nan (minimalement) : la faim n’est pas le début.
- Eux (péremptoires, sans appel, mais manquant d’inspiration) : …
Leonard de Vinci, névrosé notoire, sodomite inoffensif, misanthrope monomaniaque, graphomane inconséquent était aussi un technicien inventif et pragmatique comme l’a remarquablement démontré Freud.
- Elle (à la frustration métaphorique) : espèce de tsunami de caniveau, cyclone de lavabo, même ta colère est molle.
- Lui (désespérément efficace quoique définitivement inoffensif) : mais pourquoi tu t’énerves ?
Le baiser en hiver ? Un délicieux et généreux commerce des humeurs.
Se tenir là, juste au seuil du silence, parce que parler c’est souvent échouer et se taire toujours renoncer.