Ils font passer la fatigue pour de la sérénité, les vieux. Quant aux jeunes, ils se croient ardents quand ils ne sont qu’agités. Chacun fait bien ce qu’il veut, mais pitié, respectons le sens des mots.
Ils font passer la fatigue pour de la sérénité, les vieux. Quant aux jeunes, ils se croient ardents quand ils ne sont qu’agités. Chacun fait bien ce qu’il veut, mais pitié, respectons le sens des mots.
Surabondance et hyperconsommation. Trop de mots.
Lune la rêveuse à Terre la pragmatique.
L’indignation me semble souvent plus proche du caprice que de l’esprit critique.
Je respecte scrupuleusement les gestes barrières, mais il faut encore que je me défasse de ce stupide réflexe. Dès que je veux m’adresser à quelqu’un, je m’approche de lui et baisse mon masque de peur de ne pas être entendu.
Drôle d’époque qui veut que l’on désapprenne ce que l’on a appris et se défasse de ce qui nous a fait.
– Ils disent que la beauté est dans le regard. Je veux bien, mais il doit bien y en avoir aussi dans la chose regardée, dit Ours blanc à Banquise, sous le charme et secrètement amoureux.
Touchée, Banquise fondit.
Peut-être devrais-je consulter, j’ai une relation ambivalente avec le livre. Parfois j’en pense beaucoup de bien, je sais que je lui dois beaucoup, et parfois, je le déteste, je le méprise. Tenez, hier j’en ai pris deux au hasard mais de la même taille et les ai mis sous les pieds arrière de mon lit pour favoriser la circulation sanguine (L’Être et le néant était trop épais, Dans la solitude des champs de coton, pas assez).
Il faut vingt-cinq minutes pour préparer un pâté végétal au potimarron, alors n’allez pas penser que l’on peut vous trousser un haïku en trois minutes.
– Dis donc, Dieu, le coronavirus, tu ne crois pas que c’est encore un mauvais coup de Diable ?
– Oh non, Pierre ! Déjà que tu es assez naïf pour croire en moi, ne me dis pas que tu crois aussi en lui !
Le monde est un théâtre. Voire…
Pour ce qui est de la scénographie, on n’a pas lésiné, ni pour le nombre de figurants, mais pour le texte, Racine n’était pas disponible alors on a fait appel à Doc Gynéco.
– Poule, Poule, ça y est j’ai trouvé ! J’ai la preuve, hurla Œuf surexcité !
– Vas-y, raconte, attendit Poule.
– C’est écrit dans des textes chinois très anciens. À l’origine, il y avait un œuf cosmique. À l’intérieur de l’œuf, le dieu Pangu naquit et grandit, puis il brisa la coquille de l’œuf en deux parties qui devinrent le Ciel et la Terre.
– Alors là, c’est extraordinaire. Tu as raison Œuf, c’est magnifique. On ne sait pas ce que peut un œuf.
– Et donc… ?
– Et donc, j’imagine la fierté de la maman Poule qui a pondu cette merveille.
Quand je pense que certains, alors qu’une pandémie ravage la planète, que le populisme gagne chaque jour du terrain, que les journalistes sont censurés ou éliminés, que la banquise fond, qu’un 3ème confinement approche, que l’on continue de braconner les derniers lynx, que Pasteur n’est plus Pasteur, font leurs gammes, tranquillement, parce qu’ils vont jouer je ne sais quel trio de Schubert – le n°2 op. 100, je crois –la semaine prochaine.
On me dit : Covide est l’auteur d’un Art d’aimer en distanciel.
Ça sent le canular…
Et mon menton, tu l’aimes mon menton ?
Le fildefériste et la pole danseuse ont eu un enfant. Au moins celui-là ne manquera pas de repères.
Avez-vous remarqué, quand il pleut, les gouttes tombent toutes à la même vitesse et avec le même angle sans jamais se télescoper, c’est proprement stupéfiant.
Quelque chose me gêne dans la lecture et qui la rend suspecte.
Cela se passe assis.
– Évidemment qu’il ne faut pas accuser sans preuve, mais quand même, il n’y a pas de fumée sans feu, posa Poule, Pangolin était dans le coin quand le coronavirus est apparu.
– D’accord avec toi. Il faut se méfier de toutes ces contre-vérités qui circulent, mais une chose est certaine, il est trop vilain pour être innocent, continua Œuf.
– C’est vrai ça, qui imagine un seul instant Panda mis en examen, conclurent-ils en chœur ?
– Et ça vous arrive de n’avoir absolument rien à dire ?
– …
– Regarde mon bon Pierre ces hommes et ces femmes qui ont gardé leur foi intacte, qui s’entraident et se respectent. C’est beau et comme ça m’émeut.
– Tu as raison, Dieu, c’est touchant. Et ceux-là, vois comme ils partagent et s’encouragent. Tu sais quoi, je les aime tes créatures.
– ?!
– Laisse tomber Œuf, c’est Panda et Pangolin, ils jouent à Dieu et à Pierre.
C’est curieux la vie, un jour vous vous réveillez et vous êtes vieux. C’est impressionnant la vitesse à laquelle ça passe. Sans m’en apercevoir, je me suis fait rattraper par le temps.
(Alors justement, je vais me faire tout petit, parler moins fort et le laisser me dépasser, il ne s’apercevra peut-être de rien.)
En me regardant dans la glace ce matin, j’ai eu l’impression curieuse – et la langue ne m’aide pas à exprimer cela – de « ne pas me ressembler ». D’ailleurs, il n’est pas certain que, me croisant dans la rue, je me reconnaîtrais ; alors être reconnu par d’autres, pensez bien…
– Dis donc Dieu, tu as l’air en forme, et tu es bien bronzé.
– Ça va, mon bon Pierre, merci.
– Ta retraite spirituelle au prieuré Notre-Dame-des-Champs s’est bien passée.
– Oh finalement, je suis allé à Gstaad.
– Gstaad ? Mais il n’y a pas de monastère là-bas. C’est une station de s… Non ? Tu n’as pas fait ça !
– Hein ?
– Nul n’est irremplaçable.
Il lança son boomerang, se retourna et partit sans la moindre empathie.
– Bonjour les am…, tenta Panda.
– …non, on n’a pas envie de jouer aux Sept familles, dirent en chœur et agacés Poule et Œuf.
– Mais moi non plus, répliqua Panda, pourquoi vous dites ça ? Je voulais vous demander à partir de quand on peut craindre que le populisme bascule dans l’autoritarisme…
– !?
– … je trouve paradoxal qu’une forme de défiance démocratique vienne se nicher au cœur des régimes populistes qui se revendiquent démocratiques. Est-ce que cela ne revient pas à donner des gages aux antidémocrates qui…
– Pardon Panda, mais on a une partie de Bonne Paye à finir.