Il est curieux de constater que le laxisme le plus obscène cohabite avec le puritanisme le plus rigide. On ne peut plus rien dire sans manquer de respect, mais on peut tout montrer pourvu que ce soit rentable.
Il est curieux de constater que le laxisme le plus obscène cohabite avec le puritanisme le plus rigide. On ne peut plus rien dire sans manquer de respect, mais on peut tout montrer pourvu que ce soit rentable.
Apprendre, c’est à 95% imiter et répéter. À l’ère des influenceur·euse·s et du life coaching, on est en droit de se biler.
Il y a plus important, je le concède, mais qui sait encore écrire à la main un Q majuscule ?
Le dialogue est un art redoutablement difficile et le seul que l’on réussisse est celui que l’on a avec soi-même.
Jean-Pierre Rallu parlait peu et ne pensait pas beaucoup ; il lui arrivait de siffloter. 68 ans, célibataire, retraité des travaux-publics, sans hobby particulier, sans vices notoires, il n’avait jamais eu de problème avec quiconque. Il buvait peu et ne fumait pas. Deux ou trois fois par semaine, il allait au café, prenait un lait-fraise ou un Perrier tranche et lisait le Parisien. Le dimanche, quand le temps le permettait, il se promenait sur les berges de la Seine et une fois par an, il allait rendre visite à son cousin Christian Bertaud, en Bretagne. Il partait le samedi matin et rentrait le dimanche après-midi. À cette occasion, il mangeait toujours une galette œuf-fromage (mais sans jambon) et buvait une bolée de cidre brut.
Hier, le 23 novembre 2021, c’était un mardi, Jean-Pierre Rallu passa une journée assez semblable aux autres sans se douter une seule seconde qu’il serait cité dans un blog prétendument littéraire le lendemain.
La grande majorité de nos souffrances sont des inventions, mais elles font réellement mal. Elles font mal, mais ce sont réellement des inventions.
– Dis donc Poule, il est où ?
– Je sais pas, Œuf. C’est inquiétant quand même.
– C’est surtout que je ne sais pas quoi dire d’intelligent.
– Pareil.
– Bonjour les amis, interrompit Panda, de qui parlez-vous ?
– Ben de l’auteur évidemment, répondirent Poule et Œuf. On ne l'a pas entendu depuis trois jours. Soit il s’est fait kidnapper, soit il est parti vivre une autre vie aux iles Caïmans, soit il n’a plus de connexion, soit il a été frappé d’une amnésie fulgurante, soit il fait une retraite chez les moines Cisterciens, soit il est en plein marathon de crapette, soit il a glissé en enfilant son slip et baigne dans une mare de sang depuis quatre jours sans que personne ne s’en soit aperçu, soit il fait la grève du post pour alerter les candidats à la présidentielle sur les conditions de travail indécentes des blogueurs, soit il fait monter le suspens espérant que ses lecteurs iront manifester devant l’ambassade de Chine ou les locaux de CNews, soit il n’a plus d’idées, soit il a trouvé un vrai métier, soit il nous a abandonnés trouvant qu’on était des personnages pas à sa hauteur, soit c’était un imposteur qui avait volé l’identité d’un vrai écrivain et il s’est fait prendre par la police et sera jugé bientôt, soit il a rencontré un fildefériste qui l'a...
– Hum, interrompit à nouveau Panda, je comprends votre inquiétude. Quant à moi je dirai que si l’auteur est toujours-déjà parti, l’écrivain n’est jamais-encore là. L’œuvre échappe au premier, et c’est bien ; l’écrit attend le second, et c’est bien aussi.
– N’importe quoi, pour changer. Viens Œuf, proposa Poule, je vais t’écrire ton dialogue.
– Quoi, sûrement pas, j’ai pas envie de caqueter et passer pour une buse. C’est moi qui écris.
– Jamais, avorton, c’est m…
– Non m…
– Comment dit-on ‘bonjour’ en biélorusse, tenta Œuf ?
– Arrête de faire ton intéressant, répliqua Poule.
Dans certains livres, l’histoire voile les mots, dans d’autres, plus rares, les mots font oublier l’histoire.
La littérature doit se trouver dans un entre-deux, quand des mots animent des histoires qui réveillent des mots qui éclairent des histoires qui…
On ne comble pas un silence, parce que ce n’est pas un vide, c’est au contraire un plein, la plénitude d’une présence.
– Ça va toi ?
– Qui ça, moi ?
– Non toi, moi ça va. Alors ?
– Ben oui, moi ça va.
– Je sais, je viens de le dire. Mais toi ?
– Toi ?
– Oui toi.
– Mais toi, ça ne va pas du tout !
– Ah tu vois, c’est bien ce que je pensais. Je peux faire quelque chose ?
Parfois, après avoir fermé, déçu, trois ou quatre livres à peine commencés, pour compenser j’ouvre soit un vieil annuaire, soit un Bescherelle, soit – acquisition plus récente – le livre des 500 000 premières décimales de π.
La santé d’une société repose sur la maladie des individus. Les individus malades sont ceux qui fabriquent du même, le dupliquent et confortent ainsi la société qui ne vise qu’à perdurer. Inversement, les individus sains sont féconds, oublieux et inventifs, non qu’ils refusent ou s’opposent, mais ils offrent de l’inédit qui toujours déstabilise, crée du désordre et nuit à la reproduction sociale.
J’entendais le jeune écrivain Mohamed Mbougar Sarr dire, on a l’âge de ses lectures. Très belle idée qui me plait beaucoup mais m’inquiète un peu, moi qui lis et relis Anaximandre (il aurait eu le mois prochain 2631 ans).
La bienséance protège de la guerre, toujours aux aguets. La paix, qui se veut et s’invente, suppose la bienveillance.
L’espérance de vie ne cesse d’augmenter en Europe, mais elle est très mal répartie chez l’individu. On aurait aimé voir la vie s’étendre de la naissance à la mort comme un élastique que l’on tend, en réalité, et malheureusement, on est enfant et jeune de moins en moins longtemps, on est vieux de plus en plus longtemps.
J’espère me tromper, mais il me semble que dans nos régions, plus on propose de la liberté, plus on réclame de la tutelle, des normes et des jugements de valeur.
Le monde est fait de verbes. L’entendement ajoute des substantifs et l’imagination, des adjectifs.
(Merci au petit vicieux qui a ajouté les participes passés.)
Des modèles ? Bien sûr qu’il en faut, le plus possible et tous différents.
Est-ce ma faute à moi si vertu rime avec cul, si balcon et flocon riment avec con, si Aphrodite, Judith et pépite riment avec bite ?
Petit conseil.
D’abord, tu ouvres tout, portes, fenêtres, et tu laisses circuler librement. Ça entre, ça sort, ça ne s’installe jamais pour très longtemps. Toi, tu observes, discrètement, tu ne refoules pas, tu ne retiens pas, tu te tiens là, établi dans le mouvement. Puis, tu la repères, parce qu’elle est différente, elle est encore négligée, voire indigente, mais tu sens qu’elle a du potentiel. Alors, il ne faut pas traîner, tu vires tout le monde sauf elle, tu fermes tout, tu oublies tout et tu sors ton carnet.
Ton idée pourra ainsi gagner en consistance et en clarté. Tu pourras même essayer de l’exprimer.
Vous allez dire que je caricature, pourtant c’est ce que je vois, des politiques qui jacassent très sûrs d'eux et des artistes qui œuvrent pleins de doute. (On me rapporte aussi le cas de bloggeurs incertains et bavards.)
Alors, il ne faut pas en abuser et on ne doit pas y séjourner durablement, mais je conseille les zones de turbulences. C’est souvent là où des courants marins ou aériens se rencontrent. Des courants réguliers, rectilignes et prévisibles qui soudain s’affolent, déraisonnent, brisent les lignes de force, raturent les voies tracées, brouillent les champs magnétiques pour tout mettre en suspens. C’est la victoire provisoire du possible sur le nécessaire. Ça tabasse un peu, le temps se contracte, l’espace se fragmente et les GPS disjonctent. Ça turbule. Il faut choisir. On ne doit pas rester longtemps dans l’œil du possible. Alors, on est projeté dans une vie plus stable, une voie moins cahoteuse. Ça repose. Le temps s’apaise et l’espace reprend des couleurs.
Pourtant, il est bon, de temps en temps, de se retrouver au milieu de ces turbulences.
On fête les morts – allez, avouez ! – parce qu’enfin, ils nous fichent la paix.
La nuit est comme le silence, elle accueille tout, puissante et fascinante, mais l’on est sévère avec le jour qui doit se montrer et assumer.