Ceci n’est pas un serpent ; ce serait trop facile – ni sornettes ni sonnettes. Pas un spectre ; trop symétrique. Pas un sentier non plus, c’est sûr, ou ce serait une impasse. Le S n’est pas un essai ni une esquisse ; trop stylé. Il est si bien dessiné, si subtilement tracé.
Mais que signifie-t-il ? Quel est le secret du S ? De quoi ce S est-il le son ? Serait-ce un signe cabalistique ? Un six ou un huit, discrètement dissimulés ? Serait-ce le symbole d’une transcendance mystérieuse ? Plus simplement le S pourrait être un cygne noir glissant sur la ligne avec élégance ; un oiseau sacré qui se déplacerait avec grâce et souplesse ; une déesse ensommeillée qui commencerait à se redresser, déjà séduisante, prête à ensorceler.
Le S a-t-il un sens ? Le sait-on ? Le S a-t-il une direction ? On est déboussolé. En un sens, il progresse sans nostalgie, on sent sa puissance et son ambition, il veut réussir ; mais le S aussi, semble statique, comme s’il s’était installé dans un passé qui ne passe pas, suffisant et boursoufflé, ne souhaitant plus avancer, satisfait de son statut.
Serait-ce un chemin sans issue que l’on escalade jusqu’au sommet puis redescend, en recommençant sans fin, tel un Sisyphe obsessionnel, ascension, descente, ascension, descente… Une lettre ne survit pas seule, il lui faut s’associer et former un syntagme. Comment faire pour sauter à la syllabe suivante ? Un S qui commence, peut ne jamais cesser, SSS… SSS… SSS…, comme un souffle qui siffle sur nos textes, puis fait silence, puis siffle, puis fait silence…
Mais bien sûr ! C’est ça ! Diastole et systole, voici le secret du S. Des mots savants pour la chose la plus simple qui soit. Le S, c’est le souffle. Les sages disaient aussi psychè ou esprit, mais c’est du souffle qu’il s’agit : inspire, expire, inspire, expire. Couchez-le, vous avez une belle sinusoïde qui explicite l’alternance. C’est simplement ça, mais c’est considérable. C’est époustouflant ce que ça peut un souffle : ça console, ça berce, ça pacifie, ça rassure bien sûr, mais ça consolide aussi, ça stimule, ça renforce, ça excite, ça émoustille. Force, douceur. C’est insensé ! C’est le sang qui circule et les sens qui s’éveillent, c’est la vie qui s’anime, le sexe qui se dresse, les saisons qui fleurissent, c’est la chanson de l’existence et la romance de la santé. Tout cela et plus, beaucoup plus encore.
On ne peut s’en lasser, ces cycles ressassés sonnent et serinent la même leçon, mais on ne peut s’en passer.
Alors, soigne tes Ss et prends soin de ton souffle.