Pacifisme, relativisme, scepticisme… voilà que les principes qui me guidaient mènent droit dans le mur aujourd’hui.
L’époque m’oblige à penser contre moi-même.
Pacifisme, relativisme, scepticisme… voilà que les principes qui me guidaient mènent droit dans le mur aujourd’hui.
L’époque m’oblige à penser contre moi-même.
Partie d’échecs pour certains, combat de boxe pour d’autres, traversée du désert, bain de foule ou mission improbable, jour de fête ou nuit sans fin, don sacré ou cadeau empoisonné, on ne vit pas tous la même vie quand on vit. Si l’on élimine la mort qui nous réunit ou nous réunira tous, y aurait-il du même ou du commun que tous nous partagerions ?
Le ciel a été gris et poisseux toute la journée, comme s’il était en deuil. Mais non, je projette, le ciel n’a pas d’humeur ; la folie humaine est sans témoin.
Mais si l’on terrorise la jeunesse quand elle danse et aime, alors il n’y aura plus de jeunesse et s’il n’y a plus de jeunesse alors il n’y aura plus de vie car la vie n’est pas le contraire de la mort mais de la haine.
Réapprendre à attendre.
Apparaître pour vivre et disparaître pour survivre
Dites, vous vous souvenez quand vous aidiez votre grand-mère à transformer l’écheveau de laine en pelotes ? Elle réquisitionnait vos bras ; c’était long mais fascinant de voir l’écheveau diminuer quand la pelote grossissait. Et les smarties en récompense, vous vous souvenez (elle disait “viens prendre tes pastilles”) ? Normalement, le tarif était de deux, mais parfois trois smarties s’échappaient de la boîte, vous vous accordiez alors sur l’inéluctable, votre grand-mère et vous, il faudrait bien en manger trois.
Ensuite, s'il te reste un peu de temps, fixe-toi de nobles objectifs : marcher sur ton ombre, atteindre l’horizon, résoudre la conjecture de Hodge et réparer nos cerveaux.
Elles brèchent la présence, les passantes, feignant un instant le printemps éternel pour nous abandonner vite au ridicule et à l’absence.
Transforme en poème ta colère
Donne-lui des rimes, donne-lui de l’air
De loin, en compagnie du vent
Elle épousera le néant
Alors épuisé mais en paix
Pose ta plume et ton épée
Et laisse travailler
Poètes et guerriers
(Merci)
Il est curieux de constater que le désir d’ordre monte chez ceux-là mêmes qui foutent le plus grand bordel dans le monde.
– Intolérance au lactose ? au gluten ? aux arachides ?
– Non, intolérance au temps.
Il jouit moins de ce qu’on lui donne qu’il ne souffre de ce qu’on lui refuse.
Il semble qu’il y ait un lien entre la géographie et l’agenda. Plus ton horizon est entravé par des tours, des camions et des panneaux publicitaires, plus tu as besoin d’un agenda pour prévoir et projeter loin devant.
Mais compense-t-on l’espace du chemin et de la vallée, de l’envol de l’oiseau et du retour du bateau par un temps de chiffres et de papier ?
– Dieu, s’il existe, échappe à nos catégories m…
– Eh ! Tu es sûr que tu sais où tu vas, parce que là, ton sujet, il est coton.
– Tu as raison. Donc. Les punaises de lit. Les punaises de lit sont un fléau, mais rien n’indique que le nombre croissant d’écrivains travaillant à domicile et en pyjama ait un rapport.
Je n’aurais jamais pu être un grand joueur de foot. Parce que je n’aurais jamais pu tirer de pénalty. Je veux dire que, le moment venu, je n’aurais jamais réussi à choisir, droite ou gauche. Alors bien sûr, les professionnels te disent, ne t’inquiète pas, le moment venu, c’est ton pied qui tire, pas ton cerveau. Oui mais quelque chose me dit que, le moment venu, mon pied aurait quand même hésité, droite ou gauche.
Hier soir on donnait le Roméo et Juliette de Prokofiev au théâtre. À ma gauche, “mais comment font-ils pour tenir aussi longtemps sans boire ?” (c’est vrai qu’il faisait chaud) ; à ma droite, “tu crois qu’il y a des punaises de lit ici aussi ?” (c’est malin, on va tous se gratter maintenant) ; derrière, “dis donc le chef d’orchestre, j’ai l’impression qu’il n’est pas du tout dans le rythme” (parce que Monsieur est docteur en rythmologie, peut-être !) ; devant (indistinctement), "pense à acheter des… choses à pique… coques à pipe ??? pour Mona, Nona, Lola ???" (ça va m’énerver toute la soirée si je ne trouve pas).
Et puis est arrivé le thème de l’amour joué par la flute traversière. D’une infinie tendresse. D’une délicatesse divine. Tout le monde s’est tu, mais tout le monde a pensé, je le sais, “comment cet homme fait-il - plutôt âgé, très fort, aux doigts énormes, au visage ingrat et en sueur - pour nous mener droit au sublime ?” Et certains ont sans doute ajouté, “l’amour n’a rien à voir avec l’âge ou la taille, l’amour est un air de flûte”.
Hier, les mois de septembre étaient un peu les lundis de l’année, moroses, blafards, cafardeux, humides, ternes, trop près des dernières vacances pour qu’on les ait oubliées, trop loin des prochaines pour qu’on commence à les imaginer, comme les lundis, ils étaient toujours fatigués et insipides. Un temps mort, privé de sens et d’énergie. Un mois et un jour à supprimer du calendrier. Et voilà qu’aujourd’hui, on va à la plage en septembre, on pique-nique dans les parcs et on dîne sur la terrasse. On rit et on boit comme un vendredi, on remet les économies et les comptes à octobre.
Je ne m’y retrouve plus. J’ai toujours détesté les lundis et honni les mois de septembre et maintenant qu’ils ne sont plus ce qu’ils étaient, je les regrette.
(Voyez comme l’homme moyen est un abruti inconséquent.)
L’ailleurs est un rival très surestimé. Bien souvent il suffit d’y aller pour vérifier que les cartes postales et les photos d’amis sont mensongères ; de surcroît, bien vite la séduction cesse et l’ici vient à nous manquer.
Que l’ici nous insupporte rapidement une fois rentré est une autre histoire, la règle veut néanmoins, et personne n’y déroge mais personne n’est dupe, que l’on alimente ces mensonges par de nouveaux récits et de nouvelles photos.
“Tu aimeras ton prochain comme toi-même”… J’essaie, vraiment, et je crois progresser un peu. (Sauf en face d'un Royal au chocolat !)
Ne perds jamais de vue l’essentiel pour toujours le tenir à distance. C’est une illusion dangereuse. Habitue-toi plutôt au caractère fractal, pluriel, instable et bigarré des choses.
Parfois je prends le taxi au lieu de marcher, je vais dans un salon de thé chic ou je passe une nuit dans un hôtel quatre étoiles. C’est pour avoir une idée de ce que vivent et ressentent les nantis.
J’aime bien.
Si elle ne protège pas des moustiques ni ne soigne la tourista, la poésie sauve les voyages de l’ennui.
Allez dans les plus grands musées du monde, quels que soient les chefs d’œuvres qui y sont exposés, à un moment donné vous verrez toujours les visiteurs (et j’en suis) préférer le spectacle offert par une simple fenêtre. Pourquoi ? Peut-être pour se reposer les yeux ou ne pas s’éloigner trop longtemps de la prose du réel ou parce que l’art est une mise en scène de l’absence et que le mouvement de la vie nous manque vite. Je ne saurais dire.
– Zut, je ne trouve pas les clés de la BM.
– Mais tu n’as pas de BM !
– Ah, c’est pour ça alors.