Hier soir on donnait le Roméo et Juliette de Prokofiev au théâtre. À ma gauche, “mais comment font-ils pour tenir aussi longtemps sans boire ?” (c’est vrai qu’il faisait chaud) ; à ma droite, “tu crois qu’il y a des punaises de lit ici aussi ?” (c’est malin, on va tous se gratter maintenant) ; derrière, “dis donc le chef d’orchestre, j’ai l’impression qu’il n’est pas du tout dans le rythme” (parce que Monsieur est docteur en rythmologie, peut-être !) ; devant (indistinctement), "pense à acheter des… choses à pique… coques à pipe ??? pour Mona, Nona, Lola ???" (ça va m’énerver toute la soirée si je ne trouve pas).
Et puis est arrivé le thème de l’amour joué par la flute traversière. D’une infinie tendresse. D’une délicatesse divine. Tout le monde s’est tu, mais tout le monde a pensé, je le sais, “comment cet homme fait-il - plutôt âgé, très fort, aux doigts énormes, au visage ingrat et en sueur - pour nous mener droit au sublime ?” Et certains ont sans doute ajouté, “l’amour n’a rien à voir avec l’âge ou la taille, l’amour est un air de flûte”.