Nos vies sont des histoires sans queue ni tête, commencées par d’autres, elles se terminent sans nous.
Nos vies sont des histoires sans queue ni tête, commencées par d’autres, elles se terminent sans nous.
Zut, j’hésite. Je sais quelque chose que vous ignorez, mais que faire ?
Si je vous le dis, alors vous le saurez et il en sera fini de ce petit plaisir que j’ai à savoir ce que vous ne savez pas, mais si je ne vous le dis pas, vous ne saurez jamais que je savais quelque chose que vous ignoriez et je me priverai de cette jouissance à vous montrer que je sais quelque chose que vous ignorez.
Évidemment, vous le dire seulement – que je sais quelque chose que vous ignorez – ne suffit pas, car, soit vous me demandez alors de le prouver, je vous le prouve et perds le bénéfice de savoir ce que vous ignorez, soit vous vous moquez bien de vérifier cela et je n’éprouve aucun plaisir, puisque c’est bien que vous sachiez que je sais quelque chose que vous ne savez pas qui me plait, si vous ne le savez pas ou vous en moquez, cela m’attriste, bien au contraire.
Ah, qu’il est difficile de savoir et j’envie parfois votre ignorance !
(Et donc, vous voulez savoir ?)
C’est l’ombre qui éclaire la lumière.
Je ne sais pour le vin, mais pour le baccalauréat, le millésime 2020 sera assurément mémorable : cuvaison un peu courte et vendange précoce, mais production généreuse.
– J’ai l’impression qu’on me regarde bizarrement, avec déception voire mépris. Non mais qu’est-ce qu’ils imaginaient, que le 11 mai au matin j’allais devenir un roseau fragile et gracieux ! Eh bien non, marmonna le vieux chêne, je n’ai pas changé et ne changerai pas.
Alors qu’un laboratoire de modélisation séquentielle annonce pour la fin de l’année la résolution du problème de la priorité de l’œuf et de la poule, une nouvelle question surgit : qui survivra à l’autre ?
À trop prévoir, on froisse le futur qui se conforme par dépit à nos petites prévisions.
Plaisir du fruit
Bonheur de la confiture
Joie du bourgeonnement
Elle naquit, vécut et mourut.
(Librement inspiré d'une histoire vraie)
Pour ce qui est de la réalité augmentée, je fais moins confiance aux lunettes d’Apple qu’à mon imagination.
À la fin, logiquement, ce devrait être moins compliqué d’exister. Et pourtant !
L’enfer, c’est les autres déconfinés.
Tu es diabétique, schizophrène, tu as le palu, une cirrhose, une cystite, tes problèmes d’aménorrhée ne s’arrangent pas, tu as attrapé la bilharziose, la dengue, la légionellose, la gale, ton arthrite te fait mal, ton asthme t’angoisse, ton vitiligo te gêne, tu as le syndrome du canal carpien, de Cushing, de Guillain-Barré, de l’intestin irritable, tu as une fissure anale, une fistule dentaire, une fibrose pulmonaire, eh bien dommage ! Cette année, il fallait avoir le coronavirus.
– La vie ne prouve rien.
– Et donc ?
– Prendre, c’est renoncer à comprendre, tu vois, et avoir, c’est altérer son être. Posséder, c’est s’aliéner et plus grave encore, consommer, c’est se consumer.
Malgré ses efforts conceptuels, Jordan ne parvint pas à convaincre son petit frère de lui laisser son pain au chocolat.
Très blancs ces oignons
Très vert ce persil
Très rouge aïe du sang.
Le surintendant – sous-entendu Saturnin du Toussiny – n’était ni si malentendant ni surendetté du tout (c’était tentant pourtant de le penser), seulement définitivement édenté (sur le devant) ; il vendait du vent à qui voulait et se vantait de pouvoir venter à volonté (et il n’inventait pas, le charlatan, ses ouragans malodorants vous ruinaient le nez, par Satan !).
À la fin du printemps, le surintendant, pas méchant, mais tout en esbroufe, organisa une fête – grosse bouffe, vol-au-vent, anisette et vin blanc, mais pas de schnouff (ou peut-être quelques amphètes, deux boulettes et trois barrettes).
Il invita l’ambassadeur Guillain de Lestouffe, dit « Patapouf », vilain, boudeur, pas très malin (et quel glandeur ! et quel branleur !) ; pignouf de première classe, il ne sortait qu’accompagné d’une de ses pouffes, Ludmila, Svetlana, Iekatarina…, ses « fouffes de l’Est », comme il disait – quelle horreur !
Saturnin convia aussi sa voisine, la divine Ève aux lèvres vert olive (jolie veuve, veule et velue plus que naïve, parfois devine, souvent avinée). Ève Lévi était animée d’une passion innée pour les bons vivants aux mœurs déviantes ; les odeurs malséantes et les couleurs délirantes avivaient ses avides envies de vits à toute heure du jour et de la nuit.
Il invita également la jeune sous-préfète Mimose La Salette-Préloux, ouverte, posée, toujours satisfaite, avec un beau sourire de bergerette – comment dire ? l’invitée parfaite ! Il escomptait bien la séduire et se faire plaisir. (« Ose Mimose et tire-la en levrette », tel était l’élégant code secret de sa fête.)
Il y avait aussi quelques nymphettes sans pudeur, Édith en visite chez Brigitte et Marguerite, une blondinette, qui cohabitent rue de l’Estafette ; des triathlètes cosmopolites sans vie intérieure ; un ermite pas très net, trafiqueur et tripatouilleur ; un exégète à lunettes hâbleur et en faillite ; une femmelette en fureur complètement obsolète et un peu hypocrite ; un accoucheur insolite, helvète, mais honnête ; un spirite compétiteur (surnommé La Triplette : baiseur, banqueteur, baratineur) ; un dépuceleur à talonnettes en fuite ; une starlette antisémite sans demeure fixe. Et puis un proxénète hermaphrodite, un dictateur en voiturette, une carmélite, un vendeur de savonnettes et d’eau bénite, un dompteur de civettes et de bernard-l’ermite, un cénobite manipulateur, un chanteur d’opérette alaouite, un fumeur de cigarettes illicites, un chiite provocateur, des coquettes sybarites en chaleur, des mauviettes, des parasites, des midinettes de bonne humeur et beaucoup de pique-assiettes, mais pas d’agriculteurs.
Il y avait mademoiselle Georgette (concubine du père Lépine et fille adultérine de la mère Antoinette) connue pour sa laideur et son coup de fourchette (les jeux de braguette, de lance-roquette ou de pouët-pouët de son hôte la lassaient vite, elles préféraient les rillettes, les tartiflettes et surtout les paupiettes sauce poulette, mais pas les aubergines ni les courgettes) ; et sœur Bernadette, « une fleur divine, une madone florentine, une capucine aux effluves charmeurs, mais aux épines acérées comme des machettes », disait d’elle le surintendant, poète à ses heures, qui avait bien tenté de lui conter fleurette, mais en vain ; et aussi le docteur Ropine, toujours en goguette, coureur par sa mère et bagarreur par son père, porté sur la bibine et les brunettes, il soignait tout à la chloroquine, même le diabète et les terreurs nocturnes.
Pour l’occasion, le surintendant avait fait venir un trouvère et un troubadour (par souci d’équité ethnique), un jésuite sévère et un bolchevique (pour l’équité éthique), toute l’élite moscovite (pour l’étiquette et les verres de vodka), Patrick Leclerc pour sa plastique et sa petite gueule d’amour, Monique (la quincaillière) pour son esthétique glamour, Miquetanère pour son humour à l’envers et madame Judith Mansour, la conseillère d’orientation (on ne sait pas pourquoi).
Quelle fête les amis ! Vers six heures du matin le surintendant rentra se coucher, seul, mais repu et bien-aise.
La distanciation sociale, c’est la revanche des presbytes.
Bien malgré eux, les jeunes Français auront appris un nouveau mot pendant ce confinement. Et ils n’ont pas fini de l’entendre.
– P’pa, est-ce que je peux sortir ce soir ?
– As-tu un motif impérieux ?
Il n’est pas impossible que je sois un redoutable tueur à gages asymptomatique.
Marcel Poudevigne, représentant de la Fédération française de pétanque et de jeu provençal à Brignole-sur-Issole explicite le décret officiel sur le déconfinement qui a pu paraître obscur à certains : la distanciation sociale ne concerne ni les boules ni le cochonnet.
Je suis donc sorti vérifier si le monde d’après était différent, comme annoncé.
Eh bien oui ! Sans aucun doute. J’ai pris le sentier de montagne que j’empruntais régulièrement, j’en connais chaque virage, chaque montée, chaque descente, or, il faut bien le concéder, il est plus long et plus fatigant qu'avant.
Je suis rentré abasourdi et épuisé.
Et si le masque ne faisait que masquer l’absence de changement ?
Faute de lâcher de taureaux – peu respectueux des gestes barrières –, nous aurons lundi un lâcher de confinés.
Le miracle du moi : ça part dans tous les sens, ça vient de partout, c’est très incertain et varie beaucoup et pourtant, ça tient.