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C'est Peu Dire

  • : Les Restes du Banquet
  • : LA PHRASE DU JOUR. Une "minime" quotidienne, modestement absurde, délibérément aléatoire, conceptuellement festive. Depuis octobre 2007
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Et Moi

  • AR.NO SI
  • Philosophe inquiet, poète infidèle, chercheur en écritures. 55° 27' E 20° 53' S

Un Reste À Retrouver

24 août 2018 5 24 /08 /août /2018 02:50

– La vie est quand même plus belle à deux, disait chaussure gauche à chaussure droite, regarde béret là-haut, le pauvre s’affaisse un peu plus chaque jour.

– Alors ça, c’est bien des propos de pompes, au ras du bitume, répliqua ceinture. Moi je préfère être seule que mal accompagnée, vous avez vu les deux bretelles, complétement ridicules.

– Moi, je ne sais pas quoi en penser, dit bracelet, quand je suis seul, ben je me sens un peu seul justement mais dès qu’on est deux, ça ne manque pas, on se chamaille, et à trois c’est le chaos.

– C’est vrai ça, conclurent-ils ensemble, tout en retournant, seul ou accompagné à leur méditation arithmético-politique.

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23 août 2018 4 23 /08 /août /2018 02:32

Et tu échangerais une poignée de petits cailloux (ceux qui trouent le fond de ta poche et sonnent quand tu coures) contre une myriade d’étoiles trop vieilles, déjà mortes ou peut-être rêvées.

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22 août 2018 3 22 /08 /août /2018 03:20

Alors là, ce n’est vraiment pas de chance. Je fais du sport depuis quelque temps, je soigne mon port et ma mèche, j’investis dans le textile, tout cela me coute et voilà justement que toutes les filles avancent le nez sur leur GSM.

Tant pis pour elles.

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21 août 2018 2 21 /08 /août /2018 03:17

L’indécis, le crétin, préfère les promesses généreuses du ‟tu l’auras” aux réalités chiches du ‟tiens”.

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20 août 2018 1 20 /08 /août /2018 03:10

Le théorème de Pythagore fonctionne sous l’eau, la tête en bas et même dans un monde sans humains. Alors je m’interroge : abstraire, est-ce transcender ou négliger ?

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19 août 2018 7 19 /08 /août /2018 02:44

Nora m’avait donné rendez-vous le soir même chez Angelina, le célèbre salon de thé de la rue de Rivoli.

« Je sais, ça fait plus de dix ans que je suis partie, j’aurais pu donner des nouvelles. Excuse-moi. C’est important, il faut que je te parle, ce soir. »

Qu’est-ce qu’elle pouvait bien me vouloir après tout ce temps, après la brutalité avec laquelle elle m’avait quitté. Angelina ? Quel drôle d’endroit, ce n’était vraiment pas son style. En plus, je détestais le chocolat chaud. Dix ans. Dix ans et elle réapparaissait comme elle avait disparu, avec la même violence. Il était quinze heures à peine, je n’avais rien à faire et j’étais nerveux ; j’avais encore quatre ou cinq heures à attendre, alors, en descendant le boulevard des Italiens, je m’étais arrêté au Paramount-Opéra ; on jouait Les Amants du pont Neuf de Léos Carax.

Le film me semblait intéressant, mais je n’étais pas concentré, j’avais dû en rater plus de la moitié. Je me demandais si elle avait beaucoup changé ; dix ans quand même. Nous avions été, nous aussi, des amoureux du pont Neuf. Ils ne le sauront jamais, Alex et Michèle, mais nous avions été avant eux les amants du pont Neuf ; c’était il y a dix ans, entre novembre 1980 et juin 1981. Dans le square du Vert-Galant, avant eux, nous avions regardé les péniches passer, en chantant Renaud ou en lisant Gary. Aujourd’hui, Nora devait avoir trente-deux ans. Deux scènes du film m’avaient tiré de ma rêverie, deux travellings, quand Michèle et Alex traversaient le pont, ivres et amoureux, en courant, sautant, dansant au son des orchestres qui fêtaient le bicentenaire de la Révolution (Michèle y était incroyable de grâce, d’abandon, d’allégresse et de confiance, c’était sublime) et quand ils couraient nus sur une plage, Alex le sexe en érection, à contrejour. Juliette Binoche qui jouait Michèle était tellement belle, elle me rappelait Nora quand elle éclatait de rire. Quant à Denis Lavant, il était génialement fou. Moi, je ne lui ressemblais pas. Il y avait une très belle scène encore quand Michèle, qui perdait la vue, allait une nuit au Louvre avec un ancien gardien qui avait volé les clés, voir un autoportrait de Rembrandt éclairé à la bougie. Cette histoire d’amour passionnel se terminait bien et j’avais regretté ce happy end qui ne me semblait pas à la hauteur du film : après avoir sauté à l’eau du pont, ils avaient été repêchés par un couple de vieux bateliers. Cela étant, comme j’aurais aimé faire le voyage Paris-Le Havre avec Nora, sur une péniche, comme eux ! Dix ans et Nora allait réapparaître, qu’est-ce qu’elle voulait ? Et moi, qu’est-ce que je veux, qu’est-ce que je voudrais ?

 

 Chez Angelina, je l’ai vue arriver avec une petite fille.

« Bonjour, je te présente ma fille Zaïna. Excuse-moi, comme d’habitude son père est en retard, c’est son week-end, il devrait passer la prendre d’une minute à l’autre. »

J’étais estomaqué et tout interdit, incapable même de seulement dire bonjour ; cela avait dû se voir. Nora avait une fille. Nora avait une fille d’une dizaine d’années ! S’apercevant de mon trouble, elle m’avait alors glissé à l’oreille, « ne t’inquiète pas, elle n’est pas de toi ». Comment ça, pas de moi ? Bien sûr qu’elle n’était pas de moi ! Je le voyais bien, son père devait être nord-africain. Là n’était pas le problème. Le problème c’était qu’il y a dix ans, nous étions ensemble ; je préférais ne pas vérifier, mais elle avait dû être conçue vraiment très peu de temps après notre séparation. Ce qui d’ailleurs ne changeait rien.

 

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18 août 2018 6 18 /08 /août /2018 02:25

Ne retiens pas la nuit qui va ; ne t’oppose pas au jour qui vient. Garde tes forces pour inventer d’autres saisons et apprendre la conjugaison.

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17 août 2018 5 17 /08 /août /2018 02:27

Bientôt le rituel des prix littéraires. Des mâles blancs, vieux et très gros vont s’enfermer et se taper la cloche avant d’annoncer, la bouche pleine, le nom du gagnant. Je m’étonne que personne n’ait pensé à organiser une compétition digne de ce nom, avec des quarts de finales, des demies et une grande finale au Stade de France, précédée d'une première partie populaire et spectaculaire, genre Levy on Ice ou Musso remixed ou bien Fred Vargas au Crazy Horse…

La littérature est mal servie ! 

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16 août 2018 4 16 /08 /août /2018 02:57

L’autre : la règle et le trouble.

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15 août 2018 3 15 /08 /août /2018 02:58

Et si l’on avait le choix – pour je ne sais quelle absurde raison – entre sauver les œuvres complètes de Nicolas Malebranche ou la recette du coulant au chocolat, bien sûr que je sauverais les livres. Mais quel drame quand même, quelle perte irremplaçable. Pas sûr que je m’en remettrais.

(Non mais quel choix insupportable, comment peut-on imaginer une situation aussi odieuse !)

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14 août 2018 2 14 /08 /août /2018 11:06

Qu’elle anticipe ou tire les leçons, la pensée n’est jamais à l’heure. Seule l’action est ponctuelle.

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11 août 2018 6 11 /08 /août /2018 02:33

Je ne pourrais pas dire que j’avais apprivoisé Nora, mais son univers parallèle, ses pensées enchevêtrées et ses formules brutes me semblaient moins étranges. Je pensais à nous, comment nous allions évoluer, ce que nous allions devenir ensemble. Fin juillet, je devais partir pour le Portugal et aller passer deux semestres à Lisbonne pour parfaire mon portugais ; je voulais me lancer dans une thèse sur Fernando Pessoa, « Hétéronymie, polygraphie et solitude chez Pessoa : sur les traces du moi perdu ». Nora devait aller à Madagascar travailler sur un rite funéraire incroyable qui consistait à exhumer un mort, nettoyer son squelette, le promener dans un linge propre et l’enterrer à nouveau. L’échéance approchait. Nous n’en parlions pas. Après tout, nous ne serions séparés que neuf ou dix mois, cela passerait vite.

 

 

Le 10 mai, elle avait disparu. J’avais trouvé un mot dans ma boîte aux lettres disant qu’elle devait s’absenter plusieurs jours. Je n’ai aucune mémoire des dates mais là quand même je m’en souviens. J’étais allé seul, place de la Bastille, fêter l’élection de Mitterrand. Anna Prucnal chantait l’Internationale en polonais. Nora et moi l’avions vu jouer dans La Cité des femmes de Fellini (enfin moi surtout, parce que le film durait deux heures et demi ; Nora s’était endormie à l’apparition du docteur Katzone dit Grosphallus, joué par Ettore Manni, « lui, je sens que je ne vais vraiment pas l’aimer »). Ensuite Renaud était venu chanter quelques chansons, il s’était bien assagi et ressemblait peu au Renaud que Nora me faisait écouter. Nora, Nora, Nora. Tout me ramenait à elle. Le premier président de gauche de la Cinquième République venait d’être élu et je ne pensais qu’à Nora. Elle m’avait ouvert un nouveau monde, m’y avait installé... et m’y laissait seul. Seul perdu au milieu du « peuple de gauche ».

C’était bruyant et désordonné, d’aucuns diraient festif : certes, mais c’est la moindre des choses qu’une fête soit festive ! Et ensuite, qu’allait-il se passer ? Je m’interrogeais sur notre avenir et n’étais pas très optimiste pour celui des socialistes qui me paraissait tout aussi incertain. J’avais l’impression en voyant cette foule en liesse, comme disent les journalistes, qu’on venait d’ouvrir une vanne fermée depuis longtemps, que des eaux tumultueuses et joyeuses se ruaient vers l’espace enfin libre mais qu’elles auraient tôt fait de s’installer, prendre du volume pour finir par couler lentement et sagement dans leur lit. (J’avais initialement écrit s’empâter au lieu de prendre du volume mais non, des eaux ne peuvent pas s’empâter – les socialistes au pouvoir, si.) Vers minuit, l’orage avait commencé à gronder, j’étais rentré.

Puis Nora était revenue fin mai ; nous avions alors passé deux semaines sans se quitter, nous sortions peu, il faisait frais pour un début de mois de juin. Elle était incroyablement gaie et tendre ; une fois elle m’avait demandé ce que j’aimerais avoir comme genre de maison plus tard, c’était la première fois qu’elle envisageait le futur. Nous avions sorti les règles et les crayons pour jouer les architectes. Je me remettais à espérer. Nous passions beaucoup de temps dans ma chambre, nous faisions l’amour souvent. La dernière fois que nous étions allés au cinéma, ç’avait été pour voir Les Uns et les autres, le film de Claude Lelouch. Il durait trois heures, on avait dû s’y reprendre à quatre fois. Ce n’était pas simple, il fallait être raccord pour ne rien rater sans voir deux fois la même scène. La deuxième fois la caissière avait souri « dites donc, le film vous plaît, mais dépêchez-vous, ça a commencé déjà », la troisième fois elle avait semblé intriguée, la quatrième fois j’avais cru devoir lui expliquer, « c’est ma femme, elle a des nausées et a souvent envie de faire pipi » ; alors, elle m’avait lancé un clin d’œil appuyé et nous avait fait entrer sans payer, « allez-y, c’est mon cadeau. » Lelouch nous aura quand même coûté plus de 60 francs, une fortune. Je n’en suis pas certain, mais il se peut que j’aie un peu dormi moi aussi.

 

Je pense que Nora était très amoureuse, elle avait des mots tellement tendres parfois. Même pour dire l’amour, elle avait du style. Nous étions en juin 1981. La rupture fut terrible.

 

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10 août 2018 5 10 /08 /août /2018 02:12

On invente rarement, parfois on détourne, souvent on répète.

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9 août 2018 4 09 /08 /août /2018 02:59

Au commencement, bien avant le verbe, était le regard. Un dialogue sans grammaire.

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8 août 2018 3 08 /08 /août /2018 02:55

Si tu crois que je ne vois pas que tu penses que je ne sais pas que tu aimes que je regarde quand tu as le dos tourné, alors retourne en cuisine.

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7 août 2018 2 07 /08 /août /2018 02:22

C’est l’imagination beaucoup plus que la mémoire qui travaille pendant l’absence, d’où les problèmes de raccord lors des retrouvailles.

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6 août 2018 1 06 /08 /août /2018 02:21

Ce sont toujours les meilleurs qui partent les premiers. Pour ceux qui restent, c'est vaisselle.

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5 août 2018 7 05 /08 /août /2018 02:25

Nous allions souvent au cinéma. Les places étaient à dix francs, parfois c’était plus. Chacun son tour nous devions faire découvrir à l’autre un film. Nora était curieuse de tout mais très critique. Moi, c’était plutôt l’inverse, j’avais des réticences a priori, ensuite j’étais bon public.

Par exemple, elle m’avait emmené voir Airplane! (curieusement traduit par Y a-t-il un pilote dans l’avion ?). Bien sûr, j’avais traîné des deux pieds ; je m’étais fait un peu houspiller pour avoir dit que j’avais un problème avec les comédies populaires.

« Ne parle pas de ce que tu ne connais pas, et je ne pense pas qu’aux comédies en disant ça, je pense aussi au peuple. »

Pour le peuple, elle exagérait mais pour le film, elle avait raison. Je découvrais avec bonheur que les Américains connaissaient l’absurde. Je découvrais aussi que je pouvais rire pendant plus d’une heure et demie sans m’arrêter. J’avais adoré le dialogue « – Surely. – Don’t call me Shirley ». Ce jeu de mot était devenu notre réplique culte. Sur ce modèle, je nous avais inventé un petit jeu absurde qui nous amusait beaucoup. Cela donnait par exemple « – On y va. – Don’t call me On-y-va » ou bien « – À demain. – Don’t call me À-demain. » L’idée bien sûr, était de surprendre l’autre. Totalement absurde, complétement idiot mais tellement drôle.

À mon tour j’avais dû trouver un film. Je lui avais proposé Kagemusha, l’ombre du guerrier de Kurosawa. Il avait eu la Palme d’or, cela ne pouvait pas lui déplaire. J’avais seulement oublié un détail, le film – magnifique – durait trois heures et Nora ne tenait pas éveillée au cinéma plus d’une heure vingt. Elle dormait peu la nuit, se levait tôt et devait, pour ne pas s’endormir, parler et rester en mouvement. Nous avions dû le voir en deux fois. C’est depuis cette époque que j’ai pris l’habitude de voir les films en plusieurs fois.

Je ne sais plus qui avait proposé à l’autre d’aller voir Diva de Beineix mais ç’avait été une excellente idée. Nous étions allés au cinéma du Panthéon derrière la Sorbonne. C’était le seul cinéma parisien à l’avoir programmé, c’était incompréhensible ; dans la salle il n’y avait que des inconditionnels persuadés de voir un chef-d’œuvre. L’histoire du facteur qui enregistre clandestinement une diva, le trafic de prostitués, les flics corrompus (dont le génial Dominique Pinon), les Tractions blanches de Richard Bohringer, le puzzle géant de la vague, l’air de la Wally, le loft de Gorodish dans lequel Alba fait du patin à roulettes, l’ancien garage que Jules habite au milieu des carcasses de voitures de luxe et des enregistrements d’opéra, le jardin des Tuileries sous la pluie, l’art de la tartine au caviar et le geste zen... c’était excessif et nous aimions cet excès. Nous y étions allés trois fois. La première fois, Nora avait dit « c’est trop bleu ! », ce qui voulait dire qu’elle avait aimé ; la deuxième fois, elle avait dit « au fond, on est des lyriques », ce qui voulait dire qu’elle avait beaucoup aimé ; la troisième fois, nous nous étions assis au dernier rang pour nous embrasser, ce qui voulait dire qu’elle m’aimait. D’ailleurs c’est ce qu’elle disait parfois. Moi je n’osais pas en parler ; aujourd’hui je regrette. Quand on en vient à l’amour, les hommes souvent, même les plus éloquents, se taisent – sauf Séraphin.

En sortant du cinéma, nous marchions, silencieux et mélancoliques quand Nora s’était brusquement plantée devant moi, les bras sur les hanches : « Bon, j’ai faim et j’ai envie de rire. Tu connais La Vieille Trousse ? » Nous étions allés dîner dans ce petit restaurant, boulevard Saint-Germain ; c’était loin d’être gastronomique mais on était assuré d’y passer une soirée animée. Les deux patrons étaient homosexuels et une partie du personnel aussi ; ils se moquaient joyeusement de leurs clients. Le serveur nous avait accueillis en disant à Nora :

« Alors ma chérie, on sort son fiston ! »

« C’est pas mon fils, c’est mon petit frère mais on est tellement dégoûtants qu’on couche ensemble. »

« Hou, je l’adore. Un pichet de rouge en plus, c’est pour moi. »

J’ai oublié ce que l’on a mangé et bu (des zakouskis, de la moussaka et un mauvais Côtes-du-rhône, je crois), je me souviens juste de l’ambiance complètement foldingue. Quand quelqu’un sortait des toilettes, des ampoules de couleur se mettaient à clignoter au-dessus de la porte et tout le monde applaudissait la star du moment en chantant la Cucaracha ! Si la chasse d’eau n’avait pas été tirée, c’était une alarme honteuse et stridente qui accompagnait la sortie du coupable et tout le monde pointait son doigt vers lui en le huant. À la fin, quand une table partait, on s’arrêtait tous de manger pour vérifier le pourboire laissé et applaudir ou siffler ; le pourboire finissait dans une grande culotte de femme en dentelle suspendue au-dessus du bar. Nora était ravie et moi, un peu ivre. Nous avions beaucoup ri. On s’aimait.

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4 août 2018 6 04 /08 /août /2018 02:20

Pour l’œuf et la poule, je ne sais mais pour le coca light, c’est bien après qu’il apparaît.

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3 août 2018 5 03 /08 /août /2018 02:19

Bon, je ne voudrais pas spoiler l’histoire de ta vie mais quand même, sache qu’à la fin il t’arrive un truc très con.

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2 août 2018 4 02 /08 /août /2018 02:48

Nora était une militante généreuse et tenace, et tous les sujets pouvaient devenir sensibles avec elle, « rien ni personne n’est quantité négligeable ; négliger, c’est humilier ». Elle avait le sens de la formule et en même temps, elle était l’exact opposé de l’intellectuel bavard et distant ; ce qui pour certains était un sujet de débat désincarné mutait vite chez elle en une cause impérieuse à défendre « avec les dents, s’il le faut ».

Et elle ne faisait jamais semblant. J’avais l’impression que tout ce qu’elle disait, tout ce qu’elle pensait, venait du dedans ou était passé par le dedans et c’est ce qui donnait à sa voix une telle force. Elle pouvait être enthousiaste et transportée parfois mais son inspiration venait directement du ventre. Peut-être inventait-elle parfois, mais elle ne mentait jamais.

Je lui faisais lire Le Méridien de Greenwich de Jean Echenoz et Le Livre du rire et de l’oubli de Kundera. J’essayais de défendre l’idée d’un autre engagement, plus souterrain moins frontal. « L’écriture n’est pas un match de boxe, la littérature n’est pas un tract, elle est un appel en creux, elle est un inventaire doux et scrupuleux des possibles. » J’avais quelques arguments moi aussi, me semblait-il, mais je n’avais ni sa verve, ni sa fougue. Je pensais être sincère mais je sentais bien aussi qu’il me manquait quelque chose : je n’avais pas fait suffisamment de terrain, comme elle disait. J’essayais malgré tout de lui exposer ma vision du roman autrement engagé, d’une littérature politique parce que non-politique.

Je finissais toujours par m’emmêler un peu les arguments. En réalité, j’étais très amoureux. Voilà bien ce qui me préoccupait depuis quelque temps et secrètement, je nous imaginais un futur : c’était à un autre engagement que je pensais. Un engagement que mon corps n’aurait pas contesté, je la désirais continûment. Il nous arrivait d’avoir des échanges animés, bien sûr, mais jamais nous ne nous étions disputés et nous finissions toujours, dans ma petite chambre, par une nuit d’amour. Nous n’étions pas complémentaires (elle détestait « cette immonde phraséologie phallo-capitaliste »), nous étions accordés, comme des couleurs, comme des sons, comme des verbes, et j’aimais le texte que nous écrivions. J’aurais échangé tout Proust et tout Céline pour une vie avec elle. J’aimais tant cette relation qui me semblait douce et vraie, et tellement vivante. Nora me bousculait un peu, il est vrai, et m’apprenait la réalité, elle pouvait m’oublier un temps quand elle partait dans une de ses théories alambiquées mais elle revenait toujours me chercher et dans ces moments-là, rien ne pouvait m’arriver.

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1 août 2018 3 01 /08 /août /2018 02:08

Alors il y a les droitiers, les gauchers, les ambidextres et ceux qui, comme moi, sont à la fois maladroits et mal à gauche.

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31 juillet 2018 2 31 /07 /juillet /2018 02:28

La solitude est une scène féconde, elle engendre de belles idées et de jolis monstres.

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30 juillet 2018 1 30 /07 /juillet /2018 02:46

À Noël, je devais aller passer une semaine chez mes parents à Bordeaux. Cela faisait plus d’un mois que l’on se fréquentait presque quotidiennement, cela serait long une semaine sans elle. Je voulais lui faire un cadeau. J’étais allé à la bibliothèque de lettres pour demander conseil. Phil, un thésard, connaissait tout sur tout. « Salut Phil, je cherche un livre dont l’héroïne serait une Nora. C’est pour un cadeau galant. »

« Aïe, la colle. Bon, je ne vois pas grand-chose. Il y a bien les Dirty Letters que James Joyce a adressé à sa femme Nora mais comme cadeau de fiançailles, je déconseillerais : scatologie et pétomanie, c’est délicieux et audacieux mais ça sent mauvais, very dirty, very shitty, ça peut faire fuir ! Même Beckett a été choqué. Tu pourrais te rabattre sur le monologue de Molly Bloom qui clôt son Ulysse : les cinquante dernières pages, huit phrases, pas de ponctuation. Huit des neuf plus belles phrases jamais écrites. Molly Bloom, c’est Nora Joyce évidemment. Tu imagines, ils sont restés ensemble quarante ans, mais dans le texte, pas de Nora explicitement parlant. Attends, je reviens, j’ai peut-être quelque chose pour toi. »

Je me demandais bien quelle était la neuvième phrase de Phil. Quant à Ulysse dont les mille pages m’avaient toujours rebuté, je me disais que j’allais l’entamer par la fin.

« Tiens, regarde, Une Maison de poupée de Henrik Ibsen. Je te résume. Nora décide de quitter son mari et ses enfants parce qu’elle n’en peut plus d’être infantilisée. Note bien que ça se passe en Norvège à la fin du siècle dernier, tu imagines le scandale. Tu vois, l’enfer conjugal ici, ce n’est ni l’alcool, ni la violence, ni la misère, c’est l’assujettissement de luxe : la jolie poupée de son papa est devenue la belle poupée de son mari. Pas d’adultère, pas de coups de poing, pas de viol, pas d’inceste mais le foyer est une prison ouverte, le théâtre suffocant d’une humiliation permanente pour la femme-enfant Nora. Alors suite à une ultime scène où Nora se fait insulter parce qu’elle mettait en jeu l’honneur de Monsieur (tu liras, c’est plus compliqué), elle décide de se prendre en charge elle-même. Écoute : "je veux songer avant tout à m’élever moi-même. Tu n’es pas homme à me faciliter cette tâche. Elle ne relève que de moi. Voilà pourquoi je vais te quitter." Et vlan ! Ça se termine comme ça : "En bas, on entend le fracas d’un portail qui se referme." Ah, elle ne fait pas dans la dentelle, la miss Nora ! Elle est devenue une icône du féminisme, Simone de Beauvoir en parle quelque part, si tu veux je te trouve la référence. »

« Non merci, j’ai ce qu’il me faut. Exactement ce qu’il me faut. Mille mercis, Phil. »

« À ton service, jeune homme. Ah, une dernière chose très importante. En achetant le livre, tu vérifies bien qu’à la fin elle quitte son mari parce qu’il existe une version expurgée qu’Ibsen a dû écrire pour être joué en Allemagne chez les Huguenots dans laquelle, finalement, Nora craque, éclate en sanglots devant la chambre de ses enfants et décide de prolonger à perpétuité son incarcération dans la maison de poupée pour le plus grand bonheur de son mari. L’honneur est sauf, le mâle triomphe et les protestants applaudissent. »

 

Un jour, elle était venue chez moi avec une pile de journaux. C’était en janvier, il pleuvait, il faisait froid, nous n’avions pas envie de sortir.

« Tiens, regarde, c’est tout ce que j’ai trouvé sur l’affaire du viol des campeuses belges près de Marseille. Ça s’est passé en 1974, le procès a eu lieu en 1978, les garçons ont pris six et quatre ans, les filles étaient défendues par Gisèle Halimi et les garçons par Gilbert Collard. Mais surtout, une nouvelle loi vient d’être votée, le 23 décembre, qui redéfinit le viol et alourdit les peines ; joli cadeau de Noël. »

Elle voulait que j’en fasse un livre pour que tout le monde soit au courant.

« Écoute Nora, je ne sais écrire que de la fiction et puis, je ne suis pas sûr d’être légitime, je n’ai pas été violé et je suis un homme, c’est un problème trop grave pour en faire un sujet de roman. »

Alors là, elle avait démarré. Cela avait duré dix bonnes minutes, sans pause, sans sourire, une longue phrase sans respiration en marchant de long en large dans ma petite chambre, les poings fermés. « Un problème grave, non, le viol des filles, ce n’est pas un problème, c’est le problème, tout part de là et on n’en sort jamais, tu comprends, mentir ou voler, ce n’est pas bien, tuer, c’est mal, c’est très mal de tuer mais violer une fille, c’est au-delà encore, c’est viser le cœur, la matrice, l’origine, c’est tout ruiner, tout pourrir, tout casser, c’est s’attaquer aux fondations, ça ne se répare pas un viol, ce n’est pas une blessure qui cicatrise, écoute bien, tu dois choisir ton camp et il n’y en a pas trois : soit tu dénonces, soit tu es complice, et c’est vrai pour vous aussi les romanciers. »

Elle avait repris son souffle. Après une pause, elle avait continué plus calmement. « Ne faites pas semblant de regarder ailleurs pendant que certaines hurlent ; la neutralité est une imposture. On ne peut pas se réfugier éternellement dans le rêve. Tu n’es pas d’accord ? Au-dessus de la mêlée, tu n’es plus sur le terrain de la vie, moi je veux jouer, pas seulement regarder et tant pis si on prend des coups. »

Je savais peu de chose de sa vie, elle n’en parlait jamais, je n’osais l’interroger. Je me dis aujourd’hui qu’elle avait dû en prendre des coups, elle aussi. Je l’imaginais petite fille.

Puis elle était repartie plus véhémente que jamais. « Bien sûr que tu es légitime pour en parler parce que c’est de l’humain dont il est question ; ça t’intéresse pas l’humain ? ça te concerne pas ? Nous sommes tous légitimes. C’est le silence qui est illégitime, et il est assourdissant d’indifférence, de mépris, d’humiliation, c’est une deuxième violence, le silence, c’est un viol continué. Une fille est toujours seule avec son sexe. Il faut en parler. Le viol blanchit tout. C’est l’absence. La fin des mots. Le sol qui se dérobe et le passé qu’il faut gommer. La bouche aussi est violée. La langue déchirée. » Elle était exténuée, elle qui parlait toujours avec facilité devenait confuse. Elle avait fondu en larmes et nous étions restés là, en silence, pendant presque une heure, assis au pied du lit, serrés l’un contre l’autre.

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29 juillet 2018 7 29 /07 /juillet /2018 02:25

Un ange passe, évite deux drones, et continue sans s’arrêter.

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