C’était vraiment bien pensé ces trous dans le crâne pour y loger nos deux yeux : bonne hauteur, horizon dégagé, vision panoramique, orbite protectrice… Pourtant – voyez comme elle est ingrate, l’humaine créature, jamais satisfaite ! – j’aurais trouvé ingénieux que l’on en possède un aussi au bout du doigt. Oui, un œil au bout du doigt, disons l’index. Imaginez un peu les nouvelles perspectives, chacun choisissant à sa guise son terrain d’investigation.
Inutile de mentir, ainsi doigté, je serais d’abord allé muser sous les jupes des filles, mais finalement j’aurais eu le doigt, je crois, moins endoscopique qu’égoscopique, si je puis le dire ainsi, et j’aurais pris plaisir et intérêt surtout à me regarder regardant mais sans me voir, je veux dire me regarder du doigt sans regarder mon doigt des yeux. Ce qui est aujourd’hui impossible, et c’est fâcheux, car s’il est vrai que le regard est la fenêtre de l’âme on reste ainsi privé d’un spectacle profond et intense que l’on ne saurait compenser que très partiellement par la vision de notre genou.