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C'est Peu Dire

  • : Les Restes du Banquet
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Un Reste À Retrouver

3 mai 2025 6 03 /05 /mai /2025 02:21

Samedi, neuvième jour

The country of the camisards”. RLS progresse pour atteindre ce qu’il appelle “les Cévennes des Cévennes” et “prendre possession d’un nouveau quartier du monde (a new quarter of the world)”, tel “le solide Cortez” (la référence à Hernán le conquistador plaira sûrement à Ludmilla !). On peut diviser ces pages en trois thèmes. 1. Description de paysages. Là, il faut le reconnaître, il est vraiment très doué, l’Écossais ; quand tout le monde (dont moi) dirait “c’est beau quand même !”, lui, il vous balance quatre pages d’adjectifs, des couleurs, des plantes, des odeurs, des sons… 2. Histoire de la région :  les camisards. Je ne suis pas spécialiste en histoire, mais j’ai l’impression qu’il les prend pour des sauvages dérangés qui “écoutent avec dévotion les oracles d’enfants au cerveau malade (listening devoutly to the oracles of brain-sick children)”. Mais ils ne sont pas nés comme ça, une répression d’une violence inouïe (par les catholiques) a transformé leur foi en zèle maladif et barbare. Les persécutés devenaient persécuteurs dans un chaos innommable et des tueries sanglantes, “une guerre de bêtes sauvages (a war of wild beasts)”. Bon, on ne va pas non plus y passer dix pages, ces événements ne sont après tout qu’une “note de bas de page romantique dans l’histoire du monde (a romantic footnote in the history of the world)”. Quelle arrogance ! Les Cévenoles apprécieront. J’ai l’impression que c’est toujours ça l’histoire : un rétablissement héroïque du bien et du juste pour les vainqueurs ; une blessure honteuse qu’on ne peut ni oublier ni raconter pour les vaincus ; un détail pour les étrangers. 3. Anthropologie, une nouvelle race. On a droit à quelques lignes dignes de figurer dans une anthologie de la misogynie. Enfin, après dix jours de disette, sans voir une seule “jolie femme (pretty woman – ça me rappelle quelque chose !)”, le paysage humain change. On a ainsi droit au portrait de Clarisse qui ne le laisse pas indifférent. Elle servait dans l’auberge… les bras et le stylo m’en tombent… “like a performing cow” (Bury traduit par “comme une vache savante”, Bocquet embarrassé par l’adjectif ne le traduit pas et écrit “avec quelque chose de bovin”, moi je saute mon tour. Une vache savante, la Clarisse ? Et mes cornes dans ton derrière, Stevenson ! Et il continue en trouvant bien dommage de voir un si bon modèle laissé à des péquenots d’admirateurs à l’esprit de bouseux. Je n’invente rien, la preuve : “it seemed pitiful to see so good a model left to country admirers and a country way of thought”. Il tape fort, là, mais attendez, ce n’est pas fini. Il conclut en regrettant que la Clarisse, elle n’ait pas le postérieur qui aille avec son minois ! Je vous promets qu’il écrit ça : “her figure was unworthy of her face” (“sa silhouette était indigne de son visage”, dit Bury). Et le bouquet final : “hers was a case for stays”. Bocquet fait semblant de ne pas comprendre et écrit n’importe quoi : “Question secondaire que cela !” ; Bury, fin linguiste et styliste averti, traduit par “elle aurait dû porter un corset”. Et mes sabots dans ta saucisse, Stevenson !

Aujourd’hui, c’est dimanche, mais ici, rien ne ressemble plus à un lundi ou à un mercredi qu’un dimanche. En fait, c’est ça qui me manque, la diversité. Enfin je précise, diversité des choses, diversité des paysages, parce que pour les gens, je suis servi. Quand je regarde dehors, je vois tous les jours le même horizon. Si au moins on avait une grosse tempête pour bousculer un peu ce trait toujours identique et imperturbable. En revanche, quand je sors de la cabine et que je rencontre mes congénères, alors mes repères volent en éclat. Ils sont tellement différents. Avec un premier prix pour Olga, encore différemment différente.

Hier, on est restés tard au mess avec elle et Sam, puis Moby nous a rejoints avec quelques bières. Du vin pour Olga et du Coca pour moi. On a ri, on a pleuré, on a juré (Olga surtout). C’était vraiment une super soirée. Il y a une chose qui se confirme aussi, quand vient mon tour de parler, je n’ai pas grand-chose à raconter, enfin rien qui soit passionnant comme leurs histoires.

Sam a avoué qu’il allait repartir à Séoul chercher Sunny. Il s’est littéralement fait engueuler par Olga. “C’est à un chinese sunset qui tu vas assister” lui a-t-elle dit en éclatant de rire. Sam n’a pas compris ou pas trouvé ça drôle. Moby, en fin diplomate, lui a demandé s’il avait aussi des projets professionnels. Alors Sam, oubliant sa Sino-Coréenne, s’est illuminé et nous a expliqué son nouveau concept.

– J’ai lu un article récemment dans le Korean Time qui soulignait un paradoxe entre la chute du taux de natalité et l’explosion des importations de poussettes. En fait ça parlait du boum de la petconomy. Moby, traduis pour Nov, por favor.

– C’est tout le business qui tourne autour des pets.

– Tu veux dire les chiens et les chats.

– Oui. Et les lapins, les serpents, les capybaras, très en vogue et mêmes les fourmis…

– Donc, reprit Sam, il y a une demande de folie, il y a une offre aussi mais mal structurée et puis surtout, il y a des besoins à inventer ! Donc je suis en train de développer une application qui va organiser tout ça. On est trois sur le projet. Je repasse par Londres, j’y retrouve Oscar qui se réjouit à l’idée de tirer le portrait de gentils toutous, et Alan, son compagnon, qui est expert en intelligence artificielle. Il nous restera à trouver sur place une spécialiste en marketing digital, mais j’ai une piste…

– WTF, Sam, hurla Olga, tu ne vas rec…

–   Ça va, on se calme, je plaisante, rigola Sam. Donc, je continue. Finis les formulaires à remplir, les menus déroulants, les cases à cocher, les mots de passe à oublier. Tu envoies une photo de ton “bébé” et tu dialogues avec une IA. Pour le moment elle s’appelle HodoriX. Tu peux faire une demande précise, du genre un anniversaire pour ton chihuahua, une opération esthétique pour ton lapin (dents et/ou oreilles à refaire), les obsèques de ton hamster… mais tu pourras aussi demander des suggestions à HodoriX. Et dans la seconde, tu reçois des animations avec ton “bébé” en situation, par exemple déguisé, entouré de copains jouant dans un parc d’attractions pour animaux. Tu reçois aussi un devis, normal. Et derrière cette belle vitrine animée, il y aura plein de câbles. C’est ce que l’on est en train d’installer. Il y aura une partie shopping classique, ça c’est facile à faire, nourriture, jouets, matériel. Il y aura une partie soins, là on va copier votre modèle Doctolib qui n’est pas trop mal ficelé, même s’il commence à dater. Le plus compliqué et le plus amusant, ça sera la partie événementiel : un cani-trek au Laos, une retraite cat-yoga au Cambodge… Vous savez quoi, même une descente de rivière au Vietnam avec votre poisson, ça marcherait. On est en train de réfléchir à un sac à dos avec aquarium à l’arrière pour promener Némo ! Là, il ne suffit plus d’être un bon geek, il faut être aussi poète, inventeur d’histoires. Oscar est très bon là-dedans. Vous pigez : du code et du storytelling ! Et du pet love, bien sûr.

J’ai l’impression que Sam va mieux, se dit Nubecito. J’aime bien ce garçon, je trouve qu’il a une belle intelligence. Comment dire ? J’ai remarqué que les humains trop intelligents, parfois, pas toujours, surtout les scientifiques, s’absentent du monde. Je ne sais pas si ça se dit. Ce n’est pas par méchanceté, mais ils oublient le monde et les gens. Je trouve que Sam garde toujours les pieds sur terre et son esprit dans son corps. Enfin, je deviens bien prétentieux à juger comme ça aussi rapidement, alors que je connais peu de scientifiques. C’est peut-être à cause de mon contact prolongé avec les humains, je commence à les imiter. Bref, je l’aime bien, ce Sam. J’espère qu’il sera heureux, mais je pense que oui parce que c’est un inventeur et les inventeurs sont beaux et heureux le plus souvent. Bon allez, j’arrête avec mes généralités, ça devient n’importe quoi. Je vais écouter Olga, elle va peut-être parler de Dacca…

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