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C'est Peu Dire

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Un Reste À Retrouver

21 décembre 2024 6 21 /12 /décembre /2024 03:54

Brad s’était calmé. De toute façon, il n’était jamais irrité très longtemps ni très profondément. Les événements de la vie semblaient glisser sur lui comme une goutte d’eau sur une feuille de songe, mais, même en l’observant de près, il était difficile de savoir s’il s’agissait d’indolence ou de maîtrise. Et puis, une petite partie de lui commençait à s’intéresser au projet, peut-être cette petite case au fond de son cerveau qui avait retenu le joli mot de Ludmilla : ce voyage sera bien pour nous. Mais parce que c’était un homme, malgré tout, il continua de manifester son opposition.

– Explique-moi pourquoi tu ne le fais pas toi-même ce voyage, Ludmilla ?

– Mais Brad, tu le sais bien, il y a mille raisons pour moi de ne pas faire ce voyage que j’adorerais faire. Et pour n’en citer qu’une, mon père. Il ne pourrait pas se passer de moi plus d’une semaine. Et pas seulement pour des raisons matérielles évidemment. Mais tu sais quoi, je ne pourrais pas me passer de lui non plus. Tu sais ce que l’on a vécu ensemble, tous ces naufrages et tous ces sauvetages, c’est un miracle que l’on ne soit pas complètement détraqués.

À propos des raisons matérielles, il y avait cette boîte en fer blanc dans le tiroir de la commode. Diego y déposait l’argent de sa pêche et Ludmilla était censée y puiser pour payer ses études et sa vie à Guadalajara. Mais ce que Diego ne savait pas, n’ayant aucune idée de ce que coûte un livre, une location ou un ordinateur, c’est que Ludmilla alimentait aussi la boîte. Quant aux naufrages, le plus terrible sans doute fut celui du départ de sa mère qui, non contente de les abandonner, tenta de brûler la maison et eux avec.

Certains lecteurs pourraient ici s’agacer et reprocher à l’auteur de perdre son fil, d’oublier son histoire et de négliger certains personnages. Eh bien soit, revenons à Nubecito qui était justement en train de s’interroger en entendant Ludmilla. Le mal. Oui, voilà bien une autre question qui me tracasse, le mal, pensait le jeune cumulus. D’où il vient le mal ? Purificacíon était-elle devenue mauvaise, un jour ? Et chez nous, je pense aux cyclones qui noient les pêcheurs, détruisent les cases et arrachent les cocotiers. D’où ils viennent les cyclones, qu’est-ce qu’ils étaient avant et qu’est-ce qu’ils deviennent, après ? Est-ce qu’avant, ils étaient des petites brises qui jouaient avec les vagues, gonflaient les voiles et rafraichissaient les soirées d’été ? Ou bien est-ce que, tout d’un coup, à partir de rien, ils existent et ils sont déjà mauvais ? Et qui devient mauvais ? Seulement quelqu’un qui avait déjà du mal en lui, en tout petit, comme une graine de mal ? Ou bien est-ce que toutes les petites brises peuvent ou pourraient devenir un jour des tempêtes monstrueuses ?

– Autre chose, Brad, j’ai réfléchi à ce que tu disais à propos d’Ola, c’est vrai qu’il n’y a que Papa qui l’a entendue parler, il n’y a que Papa qui distingue Nubecito des autres nuages, et je ne sais pas si c’est vrai, mais ça ne peut pas être faux. Papa ne peut pas mentir et s’il croit à cette histoire, alors elle est devenue vraie pour moi, en un sens. En un sens qu’on doit trouver. Ce voyage va tous nous éloigner, beaucoup. D’accord, on est très liés, tu sais que j’aime tes parents, toi aussi je t’aime bien, je sais aussi que tes parents ont une vraie affection pour mon père, quant à toi, tu es comme son fils, il t’adore et tu lui rends bien. De loin on dirait une famille parfaite, comme dans les publicités. Mais il y a encore quelque chose de faux, enfin, je ne sais pas comment dire, quelque chose qui reste en surface. En fait voilà, il y a quelque chose qui nous manque et ce voyage, je te le parie, ce voyage peut nous le donner.

– Mouais… Comme d’habitude, je ne comprends pas tout ce que tu dis. Sans doute la barriera linguistica, risqua-t-il en faisant rire Ludmilla.

Barrera idiomática, c’est mieux, répondit-elle. Bon, en attendant que tu réfléchisses, je vais préparer notre première étape jusqu’à Veracruz. Je fais voyager les gens dans le monde entier et moi, je ne suis jamais allée plus loin que Guadalajara.

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