C’est l’histoire d’une vague. Née du côté de la fosse des Mariannes, elle avait traversé le Pacifique et pouvait déjà distinguer au loin le littoral mexicain. Encore joliment cambrée, elle commençait pourtant à perdre de la hauteur et savait qu’elle déferlerait bientôt pour aller mourir à Puerto Vallarta, peut-être, ou plus au sud à Manzanillo. Je dis mourir, mais attention, Ola – je lui invente ce nom puisqu’elle n’en a pas ; vous comprenez bien que donner un patronyme à chaque vague prendrait beaucoup de temps et nous compliquerait la vie – n’était pas triste ni angoissée. Toutes les vagues finissent par déferler sur une côte, ce n’est ni douloureux ni humiliant et les vagues suivantes viennent écraser toute velléité de retour en arrière. C'est ainsi. D’accord, mais cette fois, il y avait un problème. Nubecito.
Ce jour, peu avant l’aube, alors qu’Ola méditait sur la vie après le déferlement, elle croisa la route d’un pêcheur mexicain (l’homme s’appelait Boris, mais par souci de cohérence, je l’appellerai Diego).
– Diego, dit doucement Ola, j’ai besoin de toi. Je n’ai pas le temps de tout t’expliquer, on devine déjà les hauteurs de la Sierra de Vallero, derrière la Bahia de Banderas (Ola aurait été incapable de situer Paris sur une carte, voire la France et sans doute même l’Europe, mais elle connaissait parfaitement la côte mexicaine) et bientôt je déferlerai. Je voudrais te confier une mission.
– Je t’écoute, répondit Diego sans paraître le moins du monde surpris. Il est vrai que Diego était très croyant, alors, qu’une vague lui parle ne lui semblait pas étonnant ; de plus, il pêchait depuis trois jours et n’avait pratiquement pas dormi, cela expliquait l'absence de surprise ; enfin, c’est une histoire et on n'est plus à une étrangeté près.
– Alors voilà, je t’explique…