Allez, je vais me faire des ennemis, mais il me faut parler. Certes, je connais la règle, un magicien ne doit jamais révéler ses secrets, mais d’abord je ne suis pas magicien, ensuite je n’aime pas les règles.
Tout le monde le sait, pour lancer le marteau à plus de soixante mètres, il faut se lever tôt et faire des pompes, beaucoup ; pour arriver à jouer le concerto n°1 de Rachmaninov, il faut se lever tôt et faire des gammes, encore et encore ; pour faire disparaître un foulard ou apparaître une colombe, il faut se lever tôt et répéter l’exercice, souvent.
Eh bien qu’on se le dise, pour écrire quelque chose qui ressemble à du Ponge, du Gary ou du Beckett, c’est pareil, il faut se lever tôt et raturer beaucoup et souvent.
Désolé, cette révélation risque de désacraliser la littérature et la désenchanter. Je crois que l’écrivain est d’abord un artisan (génial le cas échéant, ce qui en fait un artiste) et que la magie de l’œuvre suppose moins la crédulité que la connivence.
Ah, une dernière révélation. Malheureusement, il ne suffit pas de se lever tôt pour lancer le marteau à soixante mètres. C’est nécessaire mais non suffisant, comme disait madame Lambert en troisième, salle B12.