Le hasard est l’autre nom de notre ignorance, que dis-je ignorance, notre incapacité à calculer. Prenons une avalanche par exemple. La boule de neige roule, grossit et tombe pile sur monsieur et madame Ledoux qui passaient des vacances au club Med de Chamonix parce que leur séjour à Phuket avait été annulé (suite à une confusion entre l’agence et son correspondant local (en fait l’ex-belle-mère du correspondant aurait volé les arrhes versées par les touristes – soit !)). Eh bien si les Ledoux se prennent l’énorme boule de neige, ce n’est pas une fantaisie de la boule qui se serait dit ‘tiens, je vais me faire les deux pignoufs là, en salopette bleu électrique’. Non. Ce n'est pas non plus un accident, la boule atterrit ici, mais aurait pu atterrir là. Non plus. Alors ? Alors c’était une nécessité. Une nécessité que ce ne soit pas les Pastureau (leurs amis qui avaient préféré la croisière Costa dans les îles grecques ; ils avaient eu mauvais temps et avaient trouvé les conférences barbantes, mais au moins ils étaient rentrés vivants et avaient vraiment bien mangé), mais les Ledoux qui soient mortellement ensevelis sous plusieurs mètres de neige. Compte tenu de la pente, du poids initial de la boule, de la température, de la présence ici et absence là de mélèzes, de la vitesse (lente) de réaction des Ledoux (il est vrai embarrassés par leurs raquettes)… ce qui devait arriver ne pouvait pas ne pas arriver ou arriver autrement. C’est une équation complexe comportant de très nombreux paramètres, mais qui n’a qu’une et une seule solution, à savoir la mort tragique de Francis et Germaine Ledoux. Autrement dit, nul hasard, mais seulement la rigoureuse et inévitable solution d’une équation à plusieurs inconnues.
Voilà. Je me dis que savoir cela pourrait peut-être aider à supporter (je pense aux Ledoux qui restent, parents, enfants, cousins…).