– Gros Lulu : Tiens revoilà notre auteur. Monsieur l’auteur, bonjour !
– Monsieur Lhoteur : Je ne suis pas l’auteur, je suis Lhoteur.
– G. L. : Ah oui c’est vrai et moi je suis Lulu, pas Lulu. Bon autrement, ça va ?
– M. L. : Oui.
– G. L. : Cool. La famille, la digestion, le P.E.L… ça va aussi ?
– M. L. : Oui.
– G. L. : Top. Au fait, ça fait une paye qu’on n’a pas eu des trucs à se dire. Vous étiez en vacances ?
– M. L. : Non.
– G. L. : D’ailleurs, je me demandais, parce que vous savez sûrement vous, c’est difficile à écrire un dialogue ?
– M. L. : Non.
– G. L. : Du coup, vous pourriez en écrire un, enfin un truc sympa, genre drôle et intelligent ?
– M. L. : Oui.
– G. L. : Parce là, quand même, vous ne vous foulez pas, oui, non, non, oui… Je pense plutôt à des phrases plus longues avec des mots plus compliqués.
– M. L. : …
– G. L. : En fait ce que je voudrais, c’est un texte beau, fort et intelligent, comme dans les vrais livres, mais il faut qu’on voie quand même que c’est Gros Lulu qui parle. C’est possible ?
– M. L. : Non. Il faut choisir.
– G. L. : Vous êtes vraiment méchant.
– M. L. : …
– G. L. : Évidemment, vous la fermez.
– M. L. : …
– G. L. : C’est vraiment nul de se taire. En fait, vous savez pas quoi dire.
– M. L. : …
– G. L. : Mais dites-moi, pensez-vous que votre silence cynique longtemps masquera votre impuissance textuelle.
– M. L. : Le silence, vois-tu, est ma façon d’honorer la langue que les jacasses de ton engeance tourmentent et dépouillent.
– G. L. : Je vois surtout que votre misanthropie vous enchaîne à ceux-là mêmes que vous voudriez ignorer. Votre détestation se perd à se taire.
– M. L. : Te détester serait t’accorder plus d’importance que tu n’en mérites.
– G. L. : Votre arrogance est le signe même de votre dépendance. Pour dauber un public, il vous faut une scène, et je suis cette scène.
– M. L. : Alors ?
– G. L. : Alors ça va pas du tout, ça se voit bien que c’est pas Gros Lulu qui parle.
– M. L. : C’est ce que je disais. Il faut choisir.
– G. L. : Vous êtes vraiment méchant. Ben moi, je vais chercher un autre auteur, un qui écrit des vrais dialogues.
(L’auteur, qui surveillait ses personnages tout en terminant sa moussaka végétarienne : C’est vrai qu’il est agaçant ce Gros Lulu à ne rien comprendre au processus narratologique, mais quand même, Monsieur Lhoteur est odieux, je me demande quel cerveau endommagé a pu l’engendrer.)