– Gros Lulu : Qu’est-ce que j’peux faire ? J’sais pas quoi faire. Monsieur l’Auteur, j’aimerais bien qu’il m’arrive quelque chose, c’est trop tranquille ici.
– Monsieur Lhoteur : Quelle génération de personnages ! Toujours malcontents, incapables de séjourner dans la présence.
– G L : Moi je ne demande pas grand-chose, mais quand même, un peu d’action. Tiens par exemple, j’aimerais voyager. Vous pouvez faire ça puisque c’est vous l’auteur.
– M. L. : Non, moi c’est Lhoteur, cela étant, vu ce que l’auteur nous donne à dire, n’importe qui pourrait faire le job. Allez, si tu veux, je te fais voyager.
Ce neuf août au matin, l’esprit clair, le pied alerte et le regard aiguisé, Gros Lulu décida de rejoindre la tour de Belém en trottinette électrique. Il partit de la place du Commerce et longea le Tage. Lisbonne était sa destination favorite et il y séjournait plusieurs semaines tous les ans pour deux bonnes raisons : Pessoa, son auteur préféré, et les pastéis, doucement sucrés.
– M. L. : Alors ?
– G. L. : Mais c’est nul ce voyage, j’ai pas bougé, je suis toujours coincé dans ce blog. En plus je ne sais pas qui c’est Pessoa et je ne dois pas manger trop de sucre, dommage.
– M. L. : Qu’est-ce que je disais, la génération des râleurs incultes et dénués d’imagination. Évidemment, le « voyage immobile », ça ne te dit rien et « l’intranquillité » non plus.
– G. L. : Non. Et les pastéis, ça a goût de quoi ?
(L’auteur, toujours un œil sur ses personnages : Quel cuistre ce Lhoteur, il commence à m’agacer, je vais m’occuper de son cas. Quant à Gros Lulu, quel boulet, je ne vois toujours pas ce que je vais pouvoir faire de lui. C’est ça mon problème, je n’ai pas les personnages que je mérite.)