Un peu avant la nuit, je décidai de sortir la barque pour aller pêcher. La lune, presque pleine, commençait à monter et donnait à la mer un air de grande bâche synthétique. Le vent n’avait pas soufflé depuis deux ou trois jours et seule une houle lente et ample animait doucement l’embarcation. J’étais avec mon ami Jeanjean et son chien Amin. Soudain, je me souvins que je n’avais pas de barque et que je ne pêchais jamais. Je confiai mon trouble à mon ami qui me dit, en effet, on ne va jamais pêcher, c’est curieux, peut-être es-tu en train de rêver. Amin confirma tranquillement, bien sûr, rien d’étonnant, parfois nos rêves sont incroyablement réalistes. Non, non, non, leurs explications ne me convenaient pas, j’étais bien là, dans ma barque en train de pêcher. Tiens, ça mord, cria Jeanjean, une bonite. Dis donc, si c’est un rêve, tu es sacrément doué parce qu’on jurerait une vraie. Tu dois avoir raison, continua-t-il, tu ne rêves pas. Tu auras emprunté une barque et découvert une nouvelle activité. C’est possible, renchérit Amin, tu as dû regarder une émission de pêche à la bonite et, sans t’en apercevoir, tu as appris la technique. Tu sais, le cerveau est un organe complexe qui réserve bien des surprises. Je finis par me laisser convaincre et nous reprîmes sereinement notre activité agrémentée de conversations légères et de vin rosé. Après quoi, nous rentrâmes. Je laissai la barque où je l’avais trouvée, saluai mes compagnons et allai me coucher sans oublier de mettre les bonites au congélateur.
Le lendemain, dès mon réveil, je voulus en avoir le cœur net, avais-je rêvé cette sortie en mer nocturne ? J’allai directement vers le congélateur pour y trouver – vous partagerez mon soulagement – trois belles bonites.
L’affaire n’était pas totalement élucidée, mais je me satisfaisais des hypothèses de mes amis, j’avais emprunté une barque et appris à pêcher la bonite sans m’en apercevoir. Poisson délicieux au demeurant.