Jordan Alamayre est né en 1988, il est l’arrière-petit-fils de Marcellin Godillon dont il ne sait rien et nous non plus. Sa grand-mère, Marie-Thérèse Godillon épousa Jean-Luc Pichon à Saint-Germain-en-Laye à la fin des années 50. Marie-Thérèse, une femme active mais charitable, fonda « Une Tétine pour toi aussi » qui offrait aux familles nécessiteuses des biberons de lait. Jean-Luc, un homme infidèle mais malhonnête, était négociant en vins. Ils eurent quatre enfants, dont deux filles et un garçon. Benjamin, leur cadet, épousa Martine Alamayre à Saint-Nom-la-Bretèche. Benjamin et Martine sont les parents de notre Jordan.
Jordan est un touche-à-tout, dit tendrement son père ; un bon à rien, précise sa mère. Disons qu’il ne manque pas d’idées, mais de rythme.
En septembre 2018, après une première tentative malheureuse de confection de chouchous (des chouchous fantaisies pour s’attacher les cheveux, en imitation velours), il lança un T-shirt rose (on pouvait lire « j’ose… » sur le devant et « … le rose » sur le derrière). Alors qu’il en avait déjà écoulé vingt-sept (« il faut savoir être patient » professait son père ; « même si on me payait… », rectifiait sa mère), la crise des Gilets jaunes éclata et ruina ses espoirs. Problème de tempo.
Début 2019, pour se remettre de cet échec, Jordan fit un stage de macramé dans le Larzac. Il y rencontra Chabir qui lui proposa de vendre des sculptures en savon. « Les touristes en raffolent ». Le 15 avril dans l’après-midi, il installa un petit stand discret sur le parvis de Notre-Dame. (« En plus, ça sent bon », disait le père ; « même pas dans les toilettes », disait la mère). Dans la soirée, la cathédrale s’embrasait. Médusé par le terrible spectacle, Jordan en oublia ses sculptures. Problème de tempo.
En 2020, après une initiation rapide auprès de son oncle Justin Lebon, il se lança dans la bière artisanale. Il racheta un J4 d’occasion et ouvrit son bar nomade. Il sortit d’abord une blonde légère brassée avec du gingembre et une stout charpentée qui surprenait pourtant par sa rondeur et ses arômes vanillés. (« J’ai tout bu… », le père ; « ça pue… », la mère). Il fêta l’ouverture du bar le 15 mars. Le 17, la France se confinait. Problème de tempo.
En août, Jordan va travailler comme plagiste-masseur du côté de Mimizan. Je ne serai pas étonné si les Landes connaissent cet été leur premier tsunami ou sont victimes d'une invasion de puces de sable. Pour ma part, je vais essayer les vacances à la ferme.