Girafe et Tortue l’aperçurent au même moment, avec le même effroi mais d’un point de vue différent, cet aileron de requin blanc qui fendait en deux les eaux paisibles du lagon bleu.
C’est au même moment aussi qu’elles virent un groupe d’enfants qui jouaient autour de leur petit bateau gonflable à gauche, et à droite un couple de touristes à la peau blanche et huilée (des Anglais peut-être, ou des Belges). Ensemble enfin, elles eurent des images horrifiques d’un lagon turquoise virant au carmin.
Elles savaient bien ne pas pouvoir compter sur Marcellin Labrousse qui avait emprunté une bicyclette à son cousin Victoire Malèse (sa mobylette était toujours en panne, probablement à cause de la bougie).
Inutile de compter sur Madame Restoin, la boulangère, qui habitait à 450 km de la première plage, ne connaissait ni Victoire, ni Marcellin, ignorait tout du requin blanc et ne serait donc d’aucun secours dans cette histoire.
Elles pensèrent alors prévenir Séraphine Déroulède, la pharmacienne (de la pharmacie Legros), qui saurait peut-être quelle conduite tenir.
Malheureusement, Girafe, qui avait un sens de l’orientation déplorable, se perdit pour finir sur le parking du Leclerc (celui de la zone industrielle, pas le petit du centre-ville) et Tortue, qui sans être lente n’était pas rapide, oublia en chemin ce qu’elle devait dire à Mademoiselle Séraphine et ressortit de la pharmacie avec un flacon d’huile d’amande douce.