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C'est Peu Dire

  • : Les Restes du Banquet
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  • Philosophe inquiet, poète infidèle, chercheur en écritures. 55° 27' E 20° 53' S

Un Reste À Retrouver

10 mars 2018 6 10 /03 /mars /2018 03:01

« À partir de là, moi aussi je rentrais dans un pays que je connaissais pas. C’était un vrai voyage comme les ducs et les comtesses ils font. On est passés par Sens-sur-Seille, Saint-Germain-du-Bois et puis Saint-Martin-en-Bresse, je vais pas tout vous raconter parce que ça ferait un livre entier (et Nora a déjà trop de pages). Je demandais à Séraphin de lire tous les panneaux. »

« Qu’est-ce que j’aimais ces noms. Qui est-ce qui avait pu les inventer ? Les mots des choses comme chaussure ou route ou bouteille, c’est commode mais c’est moins joli. Là, pour les pays, il fallait un nom qui soit unique et très beau, parce que Saint-Germain-du-Bois c’est pas Saint-Martin-en-Bresse, c’est pas loin, mais c’est pas pareil ; on peut avoir deux bouteilles mais jamais deux Saint-Germain-du-Bois. Je sais pas comment expliquer ça, à chaque endroit, c’était comme une rencontre avec quelqu’un qui avait un visage, un corps et un caractère et quand je vous raconte, si je me souviens bien comme ça, c’est parce que ces endroits, ils étaient presque des personnages dans notre histoire. »

« On a fait un détour par La Racineuse, la Chapelle-Saint-Sauveur et après Verdun-sur-le-Doubs. On roulait pas vite mais on s’arrêtait jamais longtemps alors on en a traversé des pays. Souvent on croisait des gens que Séraphin connaissait, il leur donnait des prunes et à chaque fois ils criaient "Vive Séraphin ! Vive les mariés". Bon, on pouvait pas expliquer à tout le monde que des mariés, y’en avait trois. »

« À Villegaudin, une troupe d’enfants a entouré la voiture, on a distribué encore des prunes, moi je tendais à une petite fille deux mirabelles, elle était pieds-nus, alors elle a fait non avec sa tête et elle a montré du doigt le morceau de tulle attaché au rétroviseur. Je l’ai dénoué, j’en ai fait un bracelet que j’ai passé à son poignet et je lui ai donné un autre petit bout de ma voilette qu’elle a rangé dans sa poche. Alors elle est partie en courant, elle s’est arrêtée une fois pour me sourire et a disparu. Sûrement qu’elle se souvient pas aujourd’hui (peut-être qu’elle va lire le livre de Nora, elle doit avoir trente ou trente-cinq ans, mais je crois pas qu’elle se souviendra, je sais pas) ; moi, son sourire, je l’ai gardé toute ma vie et aujourd’hui encore son visage (avec ses cheveux blonds bouclés en bataille et ses joues toutes rouges) il revient dans ma tête comme une photographie très nette, comme si je regardais de près. »

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