« Lucienne Poirette, ma mère, était née à Lons-le-Saunier mais elle avait suivi mon père à Baume-les-Messieurs ; il lui avait aménagé sa mercerie dans une partie inoccupée de la cordonnerie. On avait dû retourner une fois ou deux chez les grands-parents après ma naissance mais je n’en avais aucun souvenir. Quand mon père en parlait, c’était pour dire que la belle-mère était une “commère bigote et usée” et le beau-père “un bourgeois sans le sou ni la manière”. Il avait les mots mon père. Ma mère, toujours concentrée sur quelque ouvrage, se tenait en retrait et n’écoutait pas. Ils étaient très différents mes parents mais ils allaient bien ensemble et ne se fâchaient jamais ».
Lucienne se tenait en retrait, toujours, mais elle écoutait son mari même si elle répondait rarement. Dire qu’elle l’avait toujours aimé serait peut-être excessif, au moins lui était-elle reconnaissante de lui avoir permis de se tenir là, en retrait, à observer à distance les bords du monde. C’était ce qu'elle aimait ; exactement le contraire de ce que son père lui avait imposé : toujours sortir, rencontrer des amis, raconter sa vie, parler fort et faire bonne figure.
Savait-elle pour Yvonne ? Et que pensait-elle de cette affaire sordide ? Bien sûr qu’elle savait mais elle aurait tout fait pour protéger Gustave.