Zut alors, je voulais écrire un poème – c’était une belle idée – sur une fillette (elle aurait été en train de cueillir des coquelicots sauvages, par exemple, pour sa grand-mère, malade, ou mourante, ou les deux) mais mon dictionnaire de rimes me donnait ‘andouillette’, ‘coquillette’ (et elle se serait fait écraser par un tracteur, ou pas, peut-être conduit par le voisin de la grand-mère, célibataire et sans doute alcoolique), ‘grassouillette’ et ‘mouillette’ ; avec ça, trop de risques de contresens (ou peut-être qu’il l’aurait violée sur un lit de coquelicots). J’ai bien pensé à construire la rime sur ‘coquelicot’ mais là j’ai trouvé ‘asticot’, ‘chicot’, ‘dico’ (très drôle), ‘bourricot’, ‘Nico’ (au fait Nico, pense à me rapporter mon marteau, j’ai du bricolage à faire) et ‘haricot’ (remarque elle aurait pu être allée aux champignons – ça rimait avec ‘Avignon’, ‘bourguignon’, ‘mignon’, c’était bien tout ça, et aucune nécessité de parler de ‘troufignon’ – mais je ne m’y connais pas assez). Bien sûr, j’aurais pu prendre ‘grand-mère’, il y avait 'biopolymère', 'stéréo-isomère', (ou elle aurait pu être armée, disons, le fusil de chasse du grand-père mort l’année précédente, de vieillesse, eh oui, tout le monde ne meurt pas écrasé par un tracteur quand même !) 'concatémère' et puis 'blastomère' ou 'Saint-Nicolas-de-Sommaire' (ou avoir un sécateur, ça c’était vraiment plausible, et un coup de sécateur dans l’aorte ça peut faire de très gros dégâts) et même 'député-maire' ou 'pisse-mémère' – et là, on restait dans le champ sémantique du coquelicot – mais quand même, ça aurait manqué de style pour un poème sur une fillette qui se devait d'être délicat.
Donc, désolé, pas de poème aujourd’hui, je vais tondre la pelouse.