Un matin de mai, Petitou Lebrun décida de partir – oh, pas pour toujours, juste un tout petit tour, se disait-il. Sur le point de larguer encore un pied à quai, attendant la marée enfoui dans son ciré, Pitou – c’est ainsi qu’on l’appelait, et aussi Toupitou mais Pitou il préférait – rêvait aux mers du Sud, à Magellan, au requin blanc quand il tomba tout net sur Toutépite Safran – c’est ainsi qu’elle s’appelait, il l’apprit vite, mais on l’appelait Toupite et aussi La Tout’, ce qu’il préférait – ou plutôt, elle tomba sur lui. Perdue depuis longtemps, elle chantonnait sans fatigue et flânait sans amant ; il la trouva belle et ronde et très blonde.
– Bonjour Mademoiselle Ronde-et-Blonde – gorgé de gentillesse, Pitou manquait un peu de finesse – je vous sens perdue depuis longtemps mais le soleil aux lèvres et des départs plein les souliers, c’est signe que la mer sera bleue et les vents sans caprice ; on débouque à l’instant, embarquez vite et hissez haut. Je m’appelle Pitou, tu seras mon horizon sans vagues et je soignerai tes étoiles.
– Je m’appelle Toupite, vous dites bizarrement et faites hardiment mais d’accord pour l’invite, les vagues et les étoiles, je vais gréer la trinquette. Tu seras mon Pitou-la-vie, je te lirai la poésie.