– Le Lecteur : Bonjour, je suis lecteur.
– Le Râleur : Merci, je sais lire.
– L. : D’accord, mais on peut être autre chose que son titre, non ?
– R : Peut-être dans le théâtre contemporain, là où l’on veut casser les codes et troubler les genres, mais dans la littérature classique, le lecteur lit et le râleur, râle. On accorde les participes, on n’invente pas de mots et on respecte la concordance des temps. Facile à comprendre, non ?
– L. : Et ça vous convient ?
– R. : Bien sûr que non, c’est râlant. Mais imaginez qu’on me confie un rôle dans un texte contemporain, j’acquiescerais à chaque réplique et m’enjaillerais à longueur de lignes. J’y laisserais mon identité et mettrais en péril ma santé mentale.
– L : Logique. Donc vous préférez être un râleur qui râle.
– R. : Ce n’est pas une histoire de préférence – faut tout vous expliquer, vous – mais de distribution.
– L. : Ah ? Et qui distribue alors ?
– R. : C’est l’auteur. Il compense.
– L. : Pardon ?
– R. : Mais c’est crétin à ce point un lecteur ? Un auteur, c’est un dominé qui se venge sur ses personnages. Soumis dans sa vie, tyran dans ses livres.
– L. : Ça me semble un peu simpliste comme raisonnement. Vous devriez lire Se una notte d’inverno un viaggiat…
– R. : D’abord je ne parle pas espagnol, ensuite, je suis Râleur, pas Lecteur.
– L. : Ça tombe bien, c’est de l’italien !