Zut, on est déjà aujourd’hui et je n’ai encore rien écrit. Les sujets, graves ou légers, ne manquent pas pourtant. Non, ce qui manque, c’est vous.
Je n’ai pas dit que vous me manquiez, mais seulement que vous manquez. Vous, lecteurs, vous manquez, vous faites défaut, vous êtes absents, vous n’existez pas. Voilà la belle absurdité, je
m’adresse à un néant, pas même un silence ou une carence, j'écris pour un vide, une béance, je donne généreusement pour un trou noir.
Bien sûr, si vous existiez, vous diriez, « nous ne sommes pas absents, nous sommes ailleurs et bien présents ». Quelle prétention, quelle arrogance que ces petites nullités de rien du
tout qui se croient exister, ces absents qui prennent la parole et imitent les présents.
Allez, magnanime, je vous l’accorde, vous n’êtes pas rien, vous êtes des précaires de l’existence en sursis de néantisation, mais il ne tient qu’à moi de cesser d’écrire pour que vous vous
dissipiez comme un chuchotement sans écho, pas même un mauvais souvenir, une vapeur inodore, sans saveur ni talent, ridicule et minuscule.
Vous êtes mon rêve, un jour je me réveillerai.
Vous êtes mon délire, un jour je reviendrai à la raison.
Je vous aurai prévenu.