Tant de bouches et si peu d’oreilles.
Tant de bouches et si peu d’oreilles.
– C’était bien hier, tous ces personnages qui se mélangeaient. Un peu d’air frais. Tu imagines, 20 ans dans la même boite de douze sans changer de partenaire.
– Arrête Œuf, sermonna Poule, je sais très bien où tu veux en venir. Moi je n’ai pas envie de changer de coq. La fidélité est un des piliers de notre société.
– N’importe quoi ! J’aimerais bien entendre Coq sur le sujet. Tu fais passer pour une vertu ce qui n’est qu’une trouille et ta fidélité, elle va bien avec ta mentalité de propriétaire.
– Salut les amis, intervint Panda, quel plaisir de vous retrouver là, ensemble, fidèles au post ! Ah ah ! Ce n’est pas simple cette question de la fidélité. Je ne sais pas, peut-être rester fidèle à la part de l’autre qui se dérobe, à ce qui…
– Et merde, râla Œuf, Panda est de retour. C’est con qu’on n’ait pas gardé Marcelin Labrousse dans notre dialogue, j’aurais fait un tour de mob.
– Hé la poule, lança Dieu, tu n’aurais pas vu Pierre par hasard ?
– Cot cot codec…
– Nom d’un chien, jura Dieu, je ne comprends rien, je ne parle pas le gallinacien !
– Dis donc Poule, demanda Œuf, ce ne serait pas monsieur Dieu, le vieux qui gesticule là-haut. On dirait qu’il s’adresse à toi.
– Um wouakbar athanotos belekkhader Peter treloumzob?
– Mais oui, tu as raison Œuf, caqueta Poule. Euh, monsieur Dieu, bonjour mais on ne comprend pas ce que vous dites.
– Cot cot cot…
– Oh Marcellin, vise un peu la poule là, tu vois comme moi, elle parle aux nuages, s’amusa Victoire Malèse. (Ce que n’entendit pas son cousin Marcellin Labrousse en train de régler le gicleur du carburateur de sa mobylette.)
– Vroum, vroum, vroum…
– Que dites-vous, questionna Lucette Jeanjean, surprise que l’on s’adressât à elle.
– Bla-bla-bla.
– Alors tu es mignonne Terre, ricana Soleil, pensant qu’elle lui parlait, mais des déclarations d’amour, j’en ai reçu des centaines et si tu veux avoir quelque chance avec moi, je te conseille de broder un peu, tu m’offres du brouet quand j’espère des crèmes.
– Pfffff. Gnarf gnarf gnarf.
– Tu sais chéri, confia la pole danseuse à son joli mari de fildefériste, parfois, quand je monte trop haut, j’ai l’impression que le soleil se moque de moi, comme s’il me disait « bien, on progresse, plus que 149 597 870,6 km ».
– Ne l’écoute pas mon amour, invente ton soleil et marche vers lui sans mépriser ton ombre.
– Cot cot codec…
– Vroum vroum…
– Non mais qu’est-ce que c’est que ce bordel, s’énerva l’auteur ! Allez, vous retournez tous dans vos dialogues respectifs et fissa. Je vous rappelle que vous n’êtes que des personnages.
– Ah, ça tombe bien, s’enthousiasma Gros Lulu, je vous cherchais monsieur l’Auteur, je voudrais être personnage, vous n’auriez pas un dialogue pour moi ?
– Non.
Transmettre le goût de l’autonomie.
Son petit polichinelle dans le tiroir, c’était un secret de Papa Polichinelle.
– Bonjour !
– !?
– Oui alors voilà. C’est pas mal vos Restes, mais je trouve qu’il n’y a pas assez de personnages.
– Et donc ?
– Donc, puisque je suis un personnage, je pensais que vous pourriez me faire une place.
– Et pour dire quoi ?
– Ça c’est vous qui voyez, vous êtes l’auteur.
– Eh bien justement, je ne vous laisserai aucune place et vous ne direz rien.
– Raté !
S’il arrive que l’on perde du temps, le temps, jamais, ne nous perd.
Ma vue change. Sans lunettes, les gens me semblent sortir des tableaux de Bacon. Avec lunettes, ils ressemblent à des Botero.
Le goût et l’odorat vont bien, merci, et j’envie parfois les mœurs sociales des chiens.
Être mystérieux, par respect.
La dictature ne survit pas au dictateur, dit-on.
Il est probable que l’on vérifie l’assertion prochainement en Russie.
Parfois, face à l’innommable, il est préférable de se taire. Le mot est approximatif et toujours si froid, si grammatical. Dans ces cas extrêmes, seul le silence nous permet de ressentir dans notre corps, dans notre âme peut-être, ce dont il s’agit. Parler brouille la vue et trouble l’ouïe, parler perturbe les sens et nous éloigne de la vérité. Le langage est incontestablement très utile, il nous faut juste concéder qu’il a ses limites. Il est de l’indicible qui se retient ou disparaît dès que l’on tâche de l’évoquer. Il est de l’ineffable qu’aucune langue jamais ne saura traduire. Il est de l’inexprimable face auquel toute expression est un bavardage dérisoire, un bruit insensé, un bla-bla ridicule.
Voilà oui, il nous faut accepter de nous taire, faire silence et seulement être.
Oui voilà, c’est ce qu’il me fallait vous dire.
Curieusement, hier matin, alors que j’étendais mon linge tout en écoutant Arno, le mot ciboulette, sans raison aucune, s’est présenté à mon esprit. Je me suis promis de l’utiliser le jour même pour le remercier, en quelque sorte, de l’honneur qu’il me faisait.
On admire quand on ne peut imiter ; on imite quand on ne sait inventer ; on invente quand on ne veut admirer.
Le succès intemporel du coucher de soleil est très largement dû à la brièveté du spectacle. Les dramaturges, chorégraphes et autres cinéastes devraient méditer cela ou programmer leurs représentations à huit heures du matin.
Quand il manque, c’est fade et plat, mais à vouloir en mettre partout, du sens, ça écœure.
– Mon Kevin, la vie sans toi c’est comme un burger sans ketchup.
– Ma Cynthia, sans toi la vie c’est comme un poulet sans panure.
– Tu vois, l’amour, ça nous rend poètes.
– C’est vrai ça. Tu la veux à quoi ta pizza ?
J’apprends que les jeunes parlent de sexe quand ils utilisent l’émoji aubergine. Alors je regarde dans mon pantalon et m’inquiète. Rien n’est plus comme avant.
Le plein appelle le vide et le vide, le plein
Le pain appelle le vin et le vin, le pain
Le pli appelle le vit et le vit, le pli
– Ça va mal finir cette histoire.
– De quoi parles-tu Dieu, demanda Pierre ?
– De l’histoire de l’humanité
L’écriture, c’est un peu comme le jogging. Plus tu pratiques, moins c’est douloureux, à l’inverse, si tu t’arrêtes trop longtemps, il faut recommencer par des petites distances et des pauses fréquentes.
Écrire est aussi une activité physique.
Citer n’est pas penser, disait à peu près Kant.
Je pense comme lui.
Les bulletins météo résistent encore, mais à part ça, plus rien ne semble nous intéresser hormis la guerre en Ukraine. Le Covid, le foot, la naissance d’un panda, rien. Même les résultats du loto sont boudés.
Écrire un poème après Auschwitz est barbare, disait le philosophe Adorno. Il avait raison, et pourtant, contre cette raison, il faut continuer à écrire de la poésie, malgré la folie Poutine, il faut continuer même à être léger, drôle, absurde, continuer à rêver et penser.
Je ne suis pas sûr que l’argument porte, mais je pense que ce n’est vraiment pas écologique une guerre.
Troublante époque. On en viendrait presque à aimer McDonald’s, Amazon et Shell.