Tu dis être très myope, tu es surtout presbyte.
Pour qu’enfin tu me voies, très loin je dois partir.
Tu dis être très myope, tu es surtout presbyte.
Pour qu’enfin tu me voies, très loin je dois partir.
Le malheur d’autrui rassure. Son bonheur afflige.
La dernière librairie du centre ville a fermé.
Sur le mur, un calicot rouge et didactique nous explique : « ici, prochainement votre Quick ».
Il y aurait de quoi s’inquiéter, s’alarmer ou se révolter n’était ce bienvenu supplément d’information propre à rassurer : « nouveau concept ».
Je note sur mon agenda : aujourd’hui, jeudi 14 août, penser à faire mentir le second principe de la thermodynamique.
Marre de m’affadir et me pastelliser ! marre de la rouille et l’érosion !
Qui est le plus ridicule dans la fiévreuse basse-cour du monde ?
Le coq, rouge et roide de désir, ou les poulettes, rieuses et rondes d’espoir ? Ou peut-être celles qui se moquent des poulettes ? ou celui qui jalouse le coq ?
Le très sympathique Optimisme sort le week end avec Divertissement et sa sœur la grande Distribution, il travaille la semaine avec Inconséquence et son frère jumeau Profit.
Optimisme est le meilleur ami de Marché.
Hé toi, le vidéoprédateur ! tu voulais peut-être, en plus du beurre, de l’argent du beurre et de la photo de la fermière, lui voler son joli petit cœur !
Cœur léger et paupières lourdes, ventre plein et regard vide.
Nous mutons.
Faites l’éloge de l’ordre, vous vous trouverez des amis bien encombrants ; attaquez le désordre, vous perdrez de sympathiques compagnons.
Et pourtant il faut être naïf ou malhonnête pour ignorer que le désordre est triste et froid, qu’on y est seul, muet et usé. On peut feindre de l’avoir voulu ou construit ; on ne convainc
personne.
Tu penses mou et tu peines à dire, mais tu as un congélateur de 250 litres et un écran plasma de 50 pouces.
C’est immense.
Le monde radote, l’histoire bégaie, les hommes bafouillent.
Où se cache l’orthophoniste universel qui saura nous faire parler.
En suspens sur le fil tranchant de la lumière du soleil couchant, un instant, tu joues toi aussi à hésiter : tu retiens dans le confort de l’indécision tous les débuts, toutes les fins, rêvant sans doute à un matin déjà épanoui encore fidèle, ou à un soir léger et joyeux d’inexpérience.
Homo erectus, un peu fatigué, cède la place à homo sedens.
Bon, nous avons encore de la marge : nous dominons, et de très haut, les stupides et parfois très méchants reptiles.
Nous faisons des kilomètres et endurons des heures de queue pour admirer les ruines d’un amphithéâtre, les vestiges d’un aqueduc ou les restes d’une voie dallée – empreintes à même la chair
du monde du labeur génial et de la hauteur de vue de quelques Anciens.
Je ne peux m’empêcher de sourire en imaginant la tête de nos arrière-petits-enfants, découvrant après trois heures d’attente, un ticket à 19,90 euros à la main, les ruines d’un Carrefour, les
vestiges d’un HLM ou les restes d’une usine de traitement des eaux usées.
Hommes et femmes : plus et moins, je ne sais ; envers et endroit, probablement ; ici et là assurément et réciproquement.
Hier soir, au bar, j’ai rencontré N.
Après quelques vérifications d’usage – une traçabilité exemplaire, une empreinte écologique discrète et raffinée, (voilà qui dénote une posture psychopolitique louable, ai-je pensé), un génotype
fort séduisant, à l’originalité sans arrogance, quant à son IMC... à faire fantasmer le plus exigeant des nutritionnistes – après cela donc, je lui ai rapidement proposé un speed
wedding.
Elle m’a longuement considéré, silencieuse, m’offrant seulement un sourire indéfinissable qui mélangeait, contre toute attente, l’eau et le feu, puis elle s’est connectée, a débloqué son
transcodeur et m’a laissé télécharger sa page d’accueil.
Flocons de neige, étoiles scintillantes et, en Arial 32, clignotant romantiquement : just married !
Sensible et complice, mon transcodeur a buggué.
Virtualiser l’accouplement, techniquer la fécondation, externaliser la grossesse, délocaliser l’éducation. La science progresse et nous émancipe toujours davantage.
Et dire qu’il y a quelques années à peine, homo sapiens sodomisait encore, en grognant comme un primitif indélicat, des femelles déjà usées à moins de trente ans.
Il a le sourire généreux et la poignée de main rassurante. Dents en or et grosse chevalière.
Le Pouvoir nous achète et nous endort , nous faisant rêver de pouvoir d’achat.
Servilement, vénalement, nous abdiquons, impuissants.
Aujourd’hui, c’est marée basse : le désir s’est retiré, envasé, amolli.
Je rêve d’une vraie belle colère qui redonnerait à l’homme sa voix et sa fierté.
Nos trains ont franchi la barre des 500 km/h ; nos télescopes atteignent aux confins de l’univers ; nos ordinateurs peuvent stocker plus d’informations que toutes les bibliothèques
réunies…
Nous sommes en passe de maîtriser le gène après avoir dompté l’atome. Rien assurément ne résiste à la surpuissance de l’hyperintelligence humaine.
La faim n’a qu’à bien se tenir, nous allons peut-être un jour nous attaquer à elle. Il est probable que nous n’en ferons qu’une bouchée.
Cet endormi qui lézarde au soleil garde un œil ouvert sur le lézard endormi un peu plus bas.
Je les observe, guettant quant à moi l’heure à partir de laquelle on peut décemment aller faire la sieste.
En attendant – merci France Inter – je vais en Colombie, au Tibet, au Darfour, me battre contre la violence, le mal et l’injustice. Dieu merci, je ne suis pas seul, il y a Mélanie,
Jacques, Sylvie, Pierre et tous ces auditeurs qui téléphonent pour me soutenir dans ces redoutables combats.
La révolte n’est plus ce qu’elle était.
Les lycéens manifestent : ils réclament des CRS à la sortie des établissements ; les étudiants sont en grève, ils veulent des caméras de surveillance dans le campus.