Le silence des nuits et la lenteur des absences.
Voilà ce qui manque aujourd’hui : le délié de l’existence.
Le silence des nuits et la lenteur des absences.
Voilà ce qui manque aujourd’hui : le délié de l’existence.
Un caviste vient de s’installer dans la rue, il vend du vin ; une deuxième boulangerie aussi, on y achète du pain ; on annonce l’ouverture prochaine d’un cordonnier, il réparera sans doute les chaussures. Ce quartier bien desservi par le tramway dessine les traits de la ville de demain, dira sans doute un élu.
Une vieille dame est morte ce matin, au fond de la ruelle du Lendemain. Le dernier à l’avoir vue − qui a souhaité rester anonyme − rapporte qu’elle se tenait debout, les yeux fermés, face contre le haut mur gris de l’atelier, au n°17. Juste avant qu’elle ne s’effondre, il l’a entendue dire − enfin, c’est ce qu’il lui a semblé − quelque chose comme « … cent dix-huit six cent trente-sept millions deux cent cinquante-huit mille quatre cent dix-n… ».
Le père Lucien − qui n’a pas souhaité rester anonyme − a dit à la police − mais faut-il le croire ? − qu’elle était là depuis le 15 août 1946 (ou peut-être était-ce le 16 ? en tout cas c’était un jeudi), qu’elle s’appelait Denise Lemercier, qu’elle comptait parce qu’elle jouait à cache-cache avec lui, qu’elle attendait qu’il crie « ça y est ! » » pour aller le chercher, qu’il n’avait pas dit « ca y est ! » pour être tranquille, qu’il avait mangé les deux goûters, qu’il avait ensuite voyagé, qu’il s’était marié deux fois, qu’il n’aurait pas dû, qu’il regrettait, qu’il venait se livrer aux forces de l’ordre, qu’il voulait être jugé.
Je rapporte cela fidèlement, mais je ne vous cache pas qu’elle me semble peu probable la version du père Lucien.
Cantonniers de la langue, les poètes aiment à prendre soin des bas-côtés ; c’est moins lisse mais plus fleuri.
Tous ces matins blancs oubliés dans le tiroir du bas
Mais le sel du temps et le drap des corps
Parce que le creux de la main réveillée
Porte loin le geste, loin devant l’attente
Je serais toi, je crois que j’écouterais davantage ce que je pense que tu crois que ce que tu crois que je pense.
C’est juste un conseil, je te sentais indécis…
La solution rarement résout et souvent dissout.
L’homme vaut-il plus que la somme de ses parties ?
Difficile de construire sur le terrain étroit de la présence souvent coincée entre l’envie et le regret.
Du tact au contact, il n’y a qu’un fil.
La boulangère est très très jolie et je dois confesser un penchant qui va croissant (le jeu de mot l’amuserait sûrement !). À quelques indices – discrets mais sans ambiguïté – je crois pouvoir affirmer que la chose est réciproque. Nous nous voyons trois ou quatre fois par semaine (jamais le jeudi – car sa mère est à la caisse –, ni le dimanche, ni le lundi car la boulangerie est fermée). Dire qu’une grande et belle histoire est en train de naître serait prématuré mais à l’évidence, « c’est dans le four », je dirais.
Alors peut-on m’expliquer pourquoi on l’oblige à vendre du bœuf, du veau et du porc (il y a même depuis peu un petit rayon cheval !) mais ni pain, ni baguette, ni la moindre tartelette aux framboises ?
Moi qui suis végétarien, je dois jeter beaucoup.
Aubaine pour les vendeurs de jeux des sept familles : les anciennes versions deviennent anticonstitutionnelles et doivent être remplacées.
Parce qu’elle ignore tout des plages intenses de l’île Maurice, des villages caféinés du Costa Rica et des pentes entêtantes de l’Eyjafjöl, la fourmi s’accommode de sa taille pourtant vraiment ridicule.
Méwé Donkor nique : argh !
Nos tendres petits sont aujourd’hui parfaitement entraînés pour résister à une invasion d’extra-terrestres ou à une attaque de zombies. Vous allez objecter que ces événements sont fort improbables et que les concepteurs de jeux vidéo sont bien peu préoccupés par l’intérêt général et le salut de l’humanité. Certes, mais pensez-vous sincèrement qu’il eût été plus opportun de les préparer à une invasion de Latins ou à une colonisation par les Grecs ?
Les sirènes et les emplois se font rares, les allergies et les séries américaines, non. Il n’est pas certain qu’il y ait une corrélation.
D’abord, c’est le monde que l’on rêve de maîtriser, puis on se résout à ne régner que sur les plus faibles, ensuite on se contente de se dominer un peu soi-même, finalement, on se concentre sur un ultime combat, se faire obéir par son sphincter.
L’âge est une belle école du pragmatisme et de la modestie ; il enseigne aussi l’anatomie.
La vie alterne entre plagiat, emprunt, hold-up, contamination et conquête.
Ceux qui peuvent, achètent.
Un monde sans langage ne serait pas doucement silencieux, il serait braillard, hostile, dissonant, étroit, confus, fade, désordonné, dangereux et bavard, terriblement bavard. Il fallait, pour faire parler le monde, le faire taire.
Pour ce qui est du chou romanesco, il faut savoir qu’il est cultivé davantage à Paimpol qu’à Rome. Nos voisins romains, lorsqu’ils migraient, ne partaient jamais sans une ou deux bouteilles de Frascati, quelques vers de Virgile et des graines de chou.
J’espère qu’ils furent accueillis comme il se doit.
Le chou de Bruxelles n’a rien de bruxellois mais il n’est pas très chou non plus.
Alors, de qui les lexicologues se moquent-ils ?
Le doute ressemble au renoncement pareseux, et c’est regrettable car cela masque l’énergie qu’il requiert pour accueillir le multiple et en préserver le divers.
Si tu vas à la plage, prends ton parasol mais dispense-toi de faire l’appel : si un grain de sable manque, c’est son affaire.
Facile la poésie, suffit d’élider. Bien sûr, il y a la rime et les pieds, ça c’est très difficile, mais pour le reste, faut élider. Enlever la tête pour être plus près du cœur. Trop facile.
La mort n’a rien d’une conclusion mais n’est sans doute pas une introduction non plus, pas même des points de suspension comme dans une copie inachevée.
D'ailleurs, et quoique certains s’appliquent plus que d’autres, la vie n’est pas une rédaction.