Facétie. Une lettre et deux notes farcies, c’est C et fa et si. Facile.
Facétie. Une lettre et deux notes farcies, c’est C et fa et si. Facile.
Se tenir en aval de la puissance, car enfin il faut bien faire, mais en amont de l’acte, car alors on a fait, on est fait. Ou bien, pour être plus clair, se tenir juste après l’avant, un peu avant l’après. Oui, voilà, c’est là.
E muet. La nature est étrange qui tantôt est exubérante et tantôt effarouchée, hésitant entre l’empreinte et l’envol, l’éclipse et l’éclat, s’effaçant parfois et parfois s’étalant.
Le monde est moins un théâtre qu’un podium : il s’agit de se montrer, pas de jouer.
Décédé. Trois petites lettres et on meurt, ce n’est pas rien mais c’est peu. Alors honorons un peu nos morts et fêtons beaucoup nos vivants.
Entendez-vous souvent parler de l’étang de Bages-Sigean, de la mer des Tchouktches ou du canal Saint-Georges ? Moi, jamais. Et le détroit de Makassar, le lac Tshangalele ou le marais de Gannebel ? Rien ; je trouve ça louche. Et jamais rien non plus sur la tourbière de Baupte, la baie de Fundy, le golfe Thermaïque ou le bassin de Foxe. Je vais vous paraître suspicieux mais je pense qu’on nous cache quelque chose.
Chaperon. Les enfants seront amenés à faire un important travail d’imagination à la lecture du Petit Chaperon rouge dans un avenir proche où les loups auront tous disparu, où les vieilles mères-grand malades seront de jeunes grand-mères marathoniennes et où les ados ne porteront plus des chaperons mais des voiles ou des casquettes.
Certains conseillent d’attendre trois heures après le déjeuner avant d’aller faire la révolution.
Bastille. Quelle sera la Bastille du XXIe ? La liberté, c’est un peu comme la tarte au citron, on est prêt à tout pour y goûter mais quand on en mange tous les jours, elle fait grossir, écoeure et colle aux doigts.
(Ceci ne prouve rien, mais le B a du bide, je veux dire de la bedaine.)
La langue n’est-elle pas le seul moyen de retrouver ce que l’on perd en parlant ?
Abécédaire. Amazone, bougainvillée, clarinette, danubienne, épiscopal, frangipane, gouleyant… Ce que l’on peut en faire, des mots, avec ces quelques lettres, et combien de phrases et combien de textes et combien de livres. Ma préférée, c’est le ‘l’, d’abord parce qu’elle me fait penser à ‘elle’, ensuite parce qu’elle est simple et fragile, au point que l’on doive souvent la doubler pour qu’elle tienne. Mais ne jugeons pas trop vite, il se pourrait bien que sous ses allures de petit trait fin sans importance, elle soit plutôt un pilier discret, une lettre porteuse, sans quoi tout s’écroulerait.
Je me demande s’il y a des remises de peine en enfer.
(Quoi ? Je m’informe, c’est tout).
Une vie sans rêves serait un cauchemar.
– :-p
– :-/
– ;-)
– >:(
– :-))
– >:O
– :-*
– …
– <3
– G dit NOOOON, T boucher ou kwa !!!!
Hier, j’étais au café. C’est bien les cafés, les époques et les styles s’y rencontrent. Parmi les clients, les plus nombreux étaient sur leurs téléphones mobiles, jeunes, ardents, disponibles, une main libre et un œil sur le monde. D’autres, moins nombreux mais plus riches, étaient concentrés sur leurs tablettes, l’objet les requérait davantage, même si de temps en temps ils s’en servaient pour se protéger du soleil. C’est alors que je découvris un peu en retrait sur ma droite – se cachait-il ? – un utilisateur d’ordinateur, grave sans être sinistre, il était manifestement occupé à quelque tâche servile et dépassée.
Je sortis alors mon livre (Petit éloge du vieux con) ; eh bien curieusement, je sentis mon voisin soulagé, soulagé comme quand un étranger s’aperçoit qu’il y a plus étranger que lui encore.
Clinquant, bariolé, nivéal, mordoré, je ne serai jamais écrivain, marmoréen, parégorique, épiscopal, jamais, obséquieux, sémillant, j’aime trop les adjectifs, nécrologique, aporétique, ventripotent, vous voyez !
L’ombre, non pas pour se cacher mais pour se reposer de paraître et goûter la fraicheur de l’être.
Se mettre à la place de l’autre, voilà bien une expérience définitivement impossible. Occuper son fauteuil, son métier, oui, coucher avec son conjoint ou sortir son chien, cela peut se faire et se fait mais se mettre à sa place, non. Il faudrait pour cela que le moi puisse laisser une enveloppe vide, un moi creux qu’il aurait évacué et qui, tout en étant encore moi, laisserait à l’autre la possibilité de s’y glisser. Impossible. (Et je ne demande même pas si l'autre aurait à se défaire de son propre moi, avant d'entrer, afin d'éviter le parasitage de perceptions). Définitivement impossible.
Bon. Rien n’interdit néanmoins de se parler un peu ou de boire un verre ensemble.
La franchise a cette double qualité de permettre d'imposer sa version tout en donnant bonne conscience.
(Notez que mensonge, sournoiserie, duplicité, simulation et autre imposture n’en deviennent pas pour autant des vertus.)
Avant les bouillies
Encore ferme
Mourir al dente
Je ne crois pas aux colères saines. Comme dit le grand sage « tu peux chier et faire chier mais ne gerbe pas ».
Le monde est un théâtre mais suite à l’augmentation du nombre d’acteurs, la scène a dû gagner sur les loges.
Être, c’est être toujours le même, répéter le même refrain et user les mêmes chemins alors que devenir, devenir c’est ouvrir de nouvelles voies, inventer de nouveaux chants, grandir et mûrir. Oui mais devenir c’est aussi décliner, rouiller, pourrir, trahir, devenir, c’est varier avec les saisons et changer sans raison alors qu’être c’est être ferme et fiable et fidèle, comme un foyer, comme un sol ou une étoile qui revient toujours.
Le devenir est beau comme un départ et joyeux comme un printemps, gonflé de jeunesse et de promesses ; l’être est sûr comme un ciel azuré et fort comme un gemme sans défaut, comme un amour sans faille. Et l’être est figé aussi, bloqué comme une copie, mécanique et sans rêve, une copie de copie vidée de tout être ; le devenir est capricieux, inconstant et volage, sans âme ni parole, infécond, sans avenir.
Alors, qui es-tu ? et que vas-tu devenir ?
Il est des existences originales qui s’inventent en marge et bousculent : compositions à la carte, audacieuses et relevées.
Mais le plus souvent, c’est le menu du jour.
Faire sonner l’inouï, charmer le silence, épouser l’étrange et féconder la langue qui ne vit qu’à renaître.