– Ziva, eh j’men balec, boug’ de là.
– Mais… euh… c’est ton texte, ça ?
– Oui pourquoi ?
– Comment ça pourquoi ? Il n’y a rien qui te choque ?
– Oh, Monsieur est choqué ! Mais crétin, tu n’as pas compris que tu n’es qu’un ridicule petit acteur, une bouche, un bruit, un minuscule tiret de dialogue, c’est-à-dire, très exactement, rien.
– Je sais bien, mais quand même, on peut choisir nos textes.
– Tu ne choisis rien. Tu es une mécanique sonore, un rouage qui grince plus ou moins. Mais tu sais quoi, grand sage ? Le crétin d’auteur qui nous fait parler ne choisit pas non plus. Il est soumis à ce qui lui passe par la tête. Complètement sous contrôle.
– Oui mais c’est sa tête, ses idées, ses mots à lui. C’est lui qui invente et trie.
– Euh, s’il triait, ça se saurait. Il n’invente rien du tout ; je te le dis, c’est une antenne-relais, un transmetteur docile qui se prend pour un auteur rebelle. Je me marre !
– Alors il faut que tu m’expliques qui est le véritable émetteur. Qui parle vraiment ? Qui pense ?
– C’est ça le seul truc intéressant dans l’histoire. C’est qu’il n’y a pas d’émetteur initial. On répète tous et on copie quelque chose qui n’a pas d’original.
– Arrête, tout ça n’a aucun sens.
– D’accord avec toi, pour une fois.