Serpent. Qu’est-ce que cet S sinueux qui serpente non sans malice, on le sent à la recherche de quelque subterfuge spécieux, ce fallacieux serpent qui progresse doucement et sifflote innocemment, tel un stratège séduisant ? Serait-ce une déesse, une sultane, l’S, un esthète, pourquoi pas le messie qui s’annonce (vous savez : « je suis celui qui suis, ainsi suis-je »), n’est-ce pas plutôt une sorcière perverse, un espion désespéré, un despote bestial, un escroc sans classe, un succube ayant subtilisé l’apparence d’une princesse tahitienne – tout en seins, tout en fesses ? Est-ce qu’il n’essaie pas de se dresser à seule fin de dissimuler sa grossière bassesse. Il avance masqué, l’S, c’est plutôt ça, il glisse sournoisement, prêt à s’élancer, enserrer sa proie, la ceinturer et l’asphyxier dans ses lacets – c’est le funeste supplice de l’S que connaissent bien les salops sadiques.
Non mais qu’est-ce que ces angoisses stupides, pensez-vous. Superstitions insensées, maladie de la vieillesse, protestez-vous, sénescence précoce. Ces extravagances grotesques naissent d’un état de démence avancé, estimez-vous. Il faut que cessent ces soupçons excessifs, ces procès sans nuances – pauvre S.
Est-ce moi qui ai l’esprit d’une diablesse cinglée, moi qui agresse l’S comme une tigresse hystérique ? J’ignorerais tout de la caressante souplesse de l’S, de sa suave tendresse, des promesses insoupçonnées de ses arabesques ? Insensibilité à l’esthétique d’un ravissant symbole ; méconnaissance de l’innocence d’une simple lettre, fût-ce un S. C’est ça ?
Est-ce bien sérieux ? Je sais ce que je sais, et d’un savoir certain ; pas de fumée sans feu, pas d’angoisse sans ogresse, pas d’S sans destruction massive. Je persiste et signe. Méfiance et vigilance sont nécessaires, et l’S ne passera pas.
Ite, missa (mea) est.